repères_2025

REPÈRES (JUILLET 2025) – REVUE-GFP N°5 – 2025

BUDGET DE L’éTAT ET DES OPéRATEURS
->Données générales sur les finances publiques

Le PIB accélère modérément au deuxième trimestre 2025

Dans une note du 30 juillet, l’INSEE indique que le PIB accélère modérément au deuxième trimestre 2025 : il augmente de +0,3 %, après +0,1 % au premier trimestre. Selon la note, la consommation des ménages rebondit légèrement (+0,1 % après -0,3 %) tandis que la formation brute de capital fixe continue de reculer (-0,3 % après -0,1 %). La contribution du commerce extérieur à la croissance reste négative au deuxième trimestre (-0,2 point après -0,5 point) : les exportations rebondissent légèrement ce trimestre (+0,2 % après -1,1 %) tandis que les importations accélèrent (+0,8 % après +0,3 %).

->Dette publique

Le cri d’alarme de la Cour des comptes sur les perspectives des finances publiques

Le 2 juillet, et comme chaque année au début de l’été, la Cour des comptes publie son rapport annuel sur la situation et les perspectives des finances publiques destiné à éclairer le débat public en amont de la préparation des textes financiers qui seront présentés au Parlement à l’automne. Pour la Cour des comptes, la dérive de nos finances publiques ces dernières années ne doit rien à des circonstances extérieures : elle est la conséquence d’hypothèses trop favorables sur la croissance et les recettes, mais surtout d’une incapacité à maîtriser la dynamique de la dépense et à engager des efforts d’économies pérennes. Pour les magistrats financiers, une reprise de contrôle de nos finances publiques dès 2026, est impérative à la soutenabilité de la dette, même si elle est exigeante et difficile.

Le déficit public s’est établi à 5,8 points de PIB en 2024, en hausse de 0,4 point par rapport à 2023 et de 1,4 point par rapport à la programmation initiale de l’automne 2023. Cette nouvelle dérive, après une déjà très mauvaise année 2023, est encore plus préoccupante puisqu’elle trouve sa première cause dans une forte progression du « cœur » de la dépense publique (c’est-à-dire de la dépense publique hors charge de la dette et hors mesures exceptionnelles), qui augmente de 2,7 % en volume, soit plus de deux fois plus vite que la croissance économique. Cette perte de contrôle, qui contribue à dégrader le déficit de 0,8 point de PIB, est essentiellement imputable au dynamisme de la dépense des administrations locales et davantage encore à celle des administrations de Sécurité sociale.

Il est constaté que la France présente désormais le déficit le plus élevé de la zone euro. Son ratio de dette publique augmente pour la première fois depuis 2020, pour atteindre 113,2 points de PIB, alors que tous les autres États européens les plus endettés (Grèce, Italie, Espagne, Portugal) sont parvenus à réduire leur ratio d’endettement au cours des deux dernières années.

La Cour des comptes relève que la modeste réduction prévue du déficit en 2025, de 0,4 point, repose exclusivement sur d’importantes hausses d’impôts, dont près de la moitié sont annoncées comme temporaires, et au-delà, sur des prévisions de recettes sans marge de prudence dans un contexte de fortes incertitudes sur la croissance. Parallèlement, les objectifs d’évolution des dépenses publiques, déjà globalement insuffisants pour permettre à eux seuls une réduction du déficit, sont incertains pour les collectivités locales en l’absence de mécanisme réellement incitatif ou contraignant, de même que pour les dépenses de santé. La maîtrise des dépenses de l’État, sur lequel repose l’essentiel des efforts en dépense, passe par des mesures de gestion des crédits faute de véritables réformes pérennes.

Pour la Cour des comptes, la stratégie de finances publiques doit reprendre le contrôle de la dynamique de la dette publique, dans un contexte où elle ne peut plus compter sur un retour de la croissance des décennies passées, ni sur des taux d’intérêts très bas. Les projections réalisées par la Cour des comptes montrent que, compte tenu du poids de la dette publique et de l’augmentation de son coût, le retour du déficit public sous les 3 points de PIB en 2029, comme la France s’y est engagée, ne suffira pas par lui-même à garantir la soutenabilité de la dette. Il sera nécessaire pour cela de prolonger cet effort jusqu’à parvenir à un excédent primaire durable d’environ 1,1 point de PIB, ce que la France n’est plus parvenue à réaliser depuis 25 ans.

En conséquence, des ajustements budgétaires très exigeants sont nécessaires et urgents. La Cour des comptes reconnaît que ces réformes seront d’autant plus difficiles qu’elles doivent être socialement acceptables et ne pas porter atteinte au potentiel de croissance futur mais sont indispensables pour remettre durablement en cohérence nos choix collectifs avec l’impératif de soutenabilité de la dette publique.

->Procédure budgétaire

Les plafonds de dépenses du PLF pour 2026

Le 15 juillet, le Gouvernement a publié les budgets limitatifs de chaque mission de l’État en vue de l’examen du prochain PLF pour 2026, en application de l’article 48 de la LOLF. Le rapport, anciennement nommé « tiré à part », prévoit une dépense publique estimée à 1 722 Md€ l’an prochain, correspondant à un effort de modération de la dépense de l’ordre de 30 Md€. La modération de la dépense publique porte en premier lieu sur l’État et ses opérateurs, avec un effort prévu de 10 Md€. Les collectivités territoriales et les organismes divers d’administration locale contribueront également à cet effort pour environ 6 Md€. Les dépenses des administrations de Sécurité sociale participeront également à cet effort à hauteur de 5 Md€.

En complément, pour permettre de retrouver la maîtrise de nos dépenses qui devra s’inscrire dans la durée, un effort substantiel mais exceptionnel sera mis en œuvre. Il prendra la forme d’un gel temporaire des indexations de l’ensemble des prestations sociales et des pensions de retraite de base. Pour assurer une juste répartition des efforts entre tous les français, il est également prévu un gel du barème de l’impôt sur le revenu et de la CSG.

Le rapport indique que par ailleurs, conformément à la priorité donnée à la justice sociale, une remise à plat des niches fiscales et sociales permettra de rendre notre système plus juste, lisible et efficace, et par une mise à contribution spécifique des plus hauts revenus par la prolongation de la contribution différentielle (CDHR), complétée d’une mesure de lutte contre l’optimisation fiscale des holdings. En outre, le Gouvernement renforcera davantage la lutte contre toutes les fraudes et les abus. Un projet de loi devrait être déposé à l’automne contre la fraude fiscale et sociale pour mieux la détecter, pour la sanctionner plus fortement, et pour recouvrer effectivement les sommes dues par les fraudeurs. Enfin, le rapport indique que la France doit produire plus de richesse en soutenant la croissance et en favorisant le travail. À ce titre, salariés et fonctionnaires, travailleraient deux jours de plus dans l’année.

->Patrimoine de l’État

Retour vers la « foncière » d’immobilier de l’Éta ?

Le Premier ministre, F. Bayrou, a annoncé le 15 juillet, lors de la présentation de ses orientations budgétaires pour 2026, la création d’une société foncière de l’immobilier de l’État, afin de « gérer et rendre utile » le « patrimoine improductif ». Avec une « foncière » de l’immobilier de l’État, le Gouvernement espère mieux gérer et plus investir dans son gigantesque patrimoine public de 73,6 Md€ actuellement sous-utilisé et éclaté entre différents ministères. Lors du conseil des ministres du lendemain, A. de Montchalin, ministre des comptes publics, avait indiqué que l’État devait « prendre soin » de son patrimoine, « le rénover, bien le gérer, bien le connaître, parfois le vendre, parfois acheter, construire » mais aussi « bien le valoriser ». Ce projet, en discussion depuis plusieurs années, est de nouveau remis sur la table quelques mois après avoir échoué à être introduit dans le PLF pour 2025 (art. 177). Le Conseil constitutionnel avait censuré cette création en y décelant un cavalier budgétaire (Cons. const., 13 févr. 2025, décis. n° 2025-874 DC, §95 et s.). Dans ce cas, le Conseil constitutionnel ne préjuge pas de la conformité du contenu de ces dispositions aux autres exigences constitutionnelles. A suivre…

->Budget des pouvoirs publics

Les comptes et la gestion des services de la présidence de la République (exercice 2024)

Le 18 juillet, la Cour des comptes a publié, comme chaque année depuis 2009, un rapport sur les comptes et la gestion des services de la présidence de la République pour l’exercice 2024. À cette occasion, après la sécurité (2020), l’immobilier et le patrimoine (2021), les systèmes d’information et de communication (2022), la direction des opérations (2023), elle a plus particulièrement examiné cette année l’action de la présidence en matière de transition écologique et de diminution de l’empreinte environnementale. Du côté des ressources, outre une augmentation de 11 % de la dotation en loi de finances initiale (122,6 M€), après cinq années de stabilité, la présidence a bénéficié d’une hausse des produits de 6,7 M€, contre 4,3 M€ en 2023, grâce à des intérêts financiers exceptionnels. Du côté des dépenses, les efforts de gestion ont permis une diminution de 2,2 % par rapport à 2023. Elles s’établissent à 123,3 M€, malgré des investissements importants liés aux travaux de géothermie et à la création de la « Maison Élysée ».

La Cour des comptes relève qu’en matière de gestion budgétaire et comptable, les améliorations constatées ces dernières années se sont poursuivies en 2024. Et conformément aux observations de la Cour, les progrès réalisés en matière d’organisation et de gestion se confirment. Ainsi, un schéma directeur immobilier a été adopté, avec comme axe prioritaire le développement durable. La rénovation des grandes cuisines a été achevée dans le calendrier et le budget prévus. La gestion des systèmes d’information progresse et la remise en cause de pratiques généreuses en matière de gratuité de la restauration collective est engagée. Les efforts pour contenir les dépenses de déplacements et réceptions se poursuivent, avec notamment l’instauration de règles relatives au format des délégations, de refacturations à certains participants aux voyages officiels et de mobilisation des moyens aériens. Le pilotage des dépenses, les retours d’expérience et une sensibilisation de tous aux coûts et à la nécessité d’anticiper progressent également. Le rapport constate néanmoins que des marges d’amélioration demeurent, qu’il s’agisse d’avantages concédés à certains agents en matière de logement ou de la gestion du personnel de sécurité de la présidence.

Et en matière d’empreinte environnementale, la Cour des comptes indique que depuis 2019, la présidence de la République a instauré un comité interne de la transition écologique, un plan de sobriété et créé un « budget vert » interne. Entre 2023 et 2024, ses émissions totales ont reculé de 10 % (baisse du transport aérien et routier, suppression des chaudières au fioul et raccordement à la Compagnie parisienne de chauffage urbain – CPCU), tandis que l’empreinte numérique a chuté de 31 % entre 2019 et 2024. 39,1 % du parc est constitué de véhicules à faibles ou très faibles émissions. Enfin, plus de 8 000 tonnes de CO₂ sont désormais compensées chaque année via des projets labellisés.

->Budget des opérateurs

Le Bureau de recherches géologiques et minières (BRGM)

Le 18 juillet, la Cour des comptes a publié des observations définitives sur le Bureau de recherches géologiques et minières (BRGM), établissement public créé en 1959 par fusion de plusieurs établissements géologiques et miniers français. Il a été désigné en 2006 pour assurer, par délégation de la puissance publique, la sécurisation des anciens sites miniers. En outre, dans le cadre des crédits de France 2030, une part substantielle du grand inventaire des ressources minérales (IRM) a été confiée au BRGM.

L’évolution du contexte géopolitique, l’émergence de nouveaux besoins industriels liés à la transition énergétique et aux produits numériques, ont conduit l’État à établir une nouvelle stratégie pour la sécurisation de l’approvisionnement industriel en matières premières minérales, instaurant ainsi une nouvelle cartographie des fournisseurs et des dépendances.

Dans ce contexte, la Cour des comptes dresse plusieurs constats. Alors qu’il ambitionne, à l’horizon 2030, d’être un des acteurs majeurs en matière de R&D et d’expertise sur la connaissance du sous-sol et de ses usages, le BRGM doit renforcer son expertise, notamment en géologie pour l’inventaire des ressources minérales, et faire évoluer son organisation. Aussi, les demandes croissantes de la puissance publique impactent l’activité, de plus en plus soutenue, du BRGM, qui doit disposer de moyens supplémentaires. Également, l’inadéquation entre les ressources humaines et les capacités à faire constitue un défi susceptible de déséquilibrer les dépenses à moyen terme. Enfin, pour améliorer sa performance, le BRGM doit renforcer ses outils de pilotage.

La Cour des comptes formule 11 recommandations au BRGM et à ses tutelles, dont l’une est de présenter au Conseil d’Administration, d’ici 2026, un modèle économique à moyen terme soutenable des activités du BRGM et un plande financement de celles-ci

L’établissement public du Mont Saint-Michel

Le 17 juillet, la Cour des comptes a publié son rapport relatif à une entreprise publique, à savoir ici l’établissement public industriel et commercial (EPIC) du Mont Saint-Michel, créé par le décret du 19 décembre 2019, sous la double tutelle des ministères de la culture et de la transition écologique. L’année 2025 amorce un nouveau cycle pour l’établissement public avec le renouvellement d’une partie du conseil d’administration, la redéfinition du partenariat avec le Centre des monuments nationaux (CMN), l’adoption d’un plan pluriannuel d’investissement et le lancement des travaux en vue du prochain contrat d’objectifs et de performance (COP). Le Mont Saint – Michel reste au premier rang des sites les plus visités en dehors de l’Île-de-France, mais sa fréquentation plafonne. Cinq ans après la création de l’EPIC, le présent rapport aborde successivement la gouvernance, les missions, les moyens et les défis d’investissement et de rayonnement auxquels sont confrontés cet établissement.

Concernant en particulier les défis de l’investissement et du rayonnement, la Cour constate que si le volume des investissements a pu être contenu dans les premières années, il devrait en aller autrement d’ici à l’horizon 2030. Pour les exercices 2022, 2023 et 2024, le montant des investissements s’est élevé à 12,3 M€, dont 11,7 M€ pour le rachat des navettes. L’EPIC a identifié un ensemble de projets pour la période 2025-2029 difficiles à différer pour un montant total de près de 30 M€. La capacité d’autofinancement de l’établissement ne lui permettra pas de les financer seul. D’autant plus que les collectivités territoriales mettent fin à leur subvention de fonctionnement, le pacte financier de 2020 sur le fonctionnement étant arrivé à échéance cette année. Il convient donc de procéder à un nouveau pacte entre les principaux acteurs (État, collectivités territoriales) prenant le relais de celui de 2020, cette fois-ci sur l’investissement, pour la période 2025-2029 pour déterminer la nature et la priorité des travaux, leur calendrier et la répartition des charges. En outre, le rayonnement du site est entravé par une coopération insuffisante entre l’EPIC et le CMN, source de doublons. La fréquentation du Mont saint-Michel plafonne légèrement en dessous des trois millions de visiteurs dont la moitié seulement visitent l’abbaye. Il s’agit de mobiliser les synergies en assurant une gestion unifiée du site qui permette d’augmenter la fréquentation en l’étalant mieux dans l’année, en améliorant l’expérience du visiteur et grâce à des actions renouvelées de promotion. La convention de partenariat avec le CMN devrait par conséquent être transformée en délégation de gestion confiée à l’EPIC, tout en préservant la contribution de l’abbaye au centre ainsi que les compétences de ce dernier en matière de conservation et de restauration. À l’issue de ce rapport, la Cour des comptes a formulé 4 recommandations.

COMPTABILITÉ PUBLIQUE
->Responsabilité des gestionnaires publics

Quatre arrêts rendus par la chambre du contentieux de la Cour des comptes

La chambre du contentieux de la Cour des comptes a rendu quatre arrêts au cours du mois de juillet : Établissement de communication et de production audiovisuelle de la Défense (Ecpad) ; Commune de Morne-à-l’Eau (Guadeloupe) ; Commune de Provin (Nord) ; Association Laval Mayenne Technopole.

Dans la première affaire « Établissement de communication et de production audiovisuelle de la Défense (Ecpad) », était poursuivie la directrice de l’établissement en poste à l’époque des faits, au titre des infractions qu’elle aurait commises, lors de la conclusion ou de l’exécution de deux contrats de distribution de vidéogrammes et d’un marché public de chauffage. En ce qui concerne les contrats de distribution de vidéogrammes, la chambre du contentieux de la Cour des comptes a estimé que la directrice avait manqué au devoir de contrôle et de surveillance inhérent à ses fonctions et qu’elle avait ainsi permis que soient commises des infractions aux règles d’exécution des recettes et des dépenses au sens de l’article L. 131-9 du CJF. Le caractère de gravité de la faute résultait de l’absence de prise en compte des multiples alertes et recommandations dont la directrice avait été destinataire. La chambre du contentieux de la Cour a considéré que le préjudice résultant de l’octroi de conditions financières désavantageuses pour l’ECPAD présentait un caractère significatif. La Cour n’a en revanche pas retenu l’infraction d’octroi d’un avantage injustifié à autrui visée à l’article L. 131-12 du CJF dans la mesure où l’existence d’un intérêt personnel direct ou indirect n’apparaissait pas suffisamment caractérisé. En ce qui concerne le marché public de chauffage, la chambre du contentieux de la Cour a estimé que l’absence de facturation de pénalités de retard qui auraient dû être décomptées constituait une infraction aux règles d’exécution des recettes et des dépenses au sens de l’article L. 131-9 du CJF. Le caractère de gravité de la faute résultait en particulier de la fragilité du département de la commande publique que la directrice avait laissé perdurer et de l’attention insuffisante portée à ce dossier à fort enjeu financier. Dès lors que le préjudice financier en résultant présentait un caractère significatif, la chambre du contentieux de la Cour des comptes a prononcé une amende de 2 000 € à l’encontre de la directrice.

Dans la deuxième affaire « Commune de Morne-à-l’Eau (Guadeloupe) », la Procureure générale près la Cour des comptes avait renvoyé devant la chambre du contentieux le maire de la commune de Morne-à-l’Eau (Guadeloupe), pour qu’il soit statué sur sa responsabilité au titre des infractions qu’il aurait commises en n’exécutant pas dans les délais légaux des décisions de justice condamnant la commune au paiement d’une somme d’argent. En l’espèce, il était reproché au maire d’avoir causé la condamnation de la commune à une astreinte de 3 900 € en raison de l’exécution tardive de décisions du tribunal administratif l’enjoignant de réintégrer une employée de la collectivité et pour le paiement tardif à cette personne d’une somme de 6 000 € résultant de plusieurs condamnations de la commune. La chambre du contentieux a jugé que les infractions étaient constituées. Elle a écarté l’existence d’une situation de force majeure, exonératoire de responsabilité, qui aurait résulté, selon le maire, d’une insuffisance de moyens humains dans les services de la commune. Elle a considéré que le caractère répété du manquement à l’une des obligations importantes des fonctions de maire constituait une circonstance aggravante. La chambre du contentieux a condamné le maire à une amende de 2 500 €.

Dans la troisième affaire, « Commune de Provin (Nord) », il était reproché au directeur général des services d’avoir signé, avant les élections municipales de 2020, des devis ou des bons de commande pour un montant supérieur à celui prévu par la délégation de signature du maire dont il bénéficiait et, après ces élections, en l’absence de nouvelle délégation de signature jusqu’en décembre 2022. La chambre du contentieux a d’abord estimé, qu’en l’absence de précision, le montant unitaire des dépenses, prévu par la première délégation, s’entendait toutes taxes comprises. Elle a ensuite jugé qu’une délégation de signature devenait caduque à l’issue du mandat du maire, même lorsque celui-ci était réélu. Enfin, la chambre du contentieux a jugé inapplicable l’article L. 131-5 du CJF qui prévoit qu’une autorité hiérarchique endosse la responsabilité d’un subordonné lorsqu’elle lui a donné des instructions préalables. Le maire, certes autorité hiérarchique, mais non justiciable de la Cour des comptes en l’espèce, ne peut dès lors substituer sa responsabilité à celle de son agent. La situation hiérarchique, ici en cause, ne relève donc pas de ces dispositions, mais de celles prévoyant qu’un élu peut exonérer de sa responsabilité un collaborateur par la voie d’un ordre écrit (article L. 131-6 du CJF). En l’espèce, à défaut d’un tel acte, la Cour des comptes a engagé la responsabilité du directeur général des services. Invoquant l’expérience de l’intéressé non seulement en qualité de directeur de la commune de Provin mais aussi de maire d’une autre commune et la continuité des faits litigieux, mais retenant toutefois qu’il tenait oralement informé le maire de la commune de Provin des dépenses qu’il engageait, la chambre du contentieux l’a condamné à une amende de 1 500 €.

Dans la dernière affaire, « Association Laval Mayenne Technopole », il était reproché, au directeur de l’association, d’avoir signé des contrats de travail ou d’apprentissage pour un montant supérieur à 250 000 € et engagé des dépenses pour l’acquisition de biens et de services pour plus de 430 000 €, sans pouvoir ni habilitation. La chambre du contentieux de la Cour des comptes a relevé que ni les statuts de l’association ni le contrat de travail de son directeur n’autorisaient ce dernier à engager des dépenses pour le compte de l’organisme et que le président ne lui avait pas accordé de délégation à caractère général. Cette pratique, réitérée, les montants en cause et le défaut d’exécution de la décision du bureau de l’association, en 2018, de formaliser un dispositif de délégation, mais aussi le niveau et l’expérience du directeur de cette association dont les ressources étaient essentiellement d’origine publique ont été considérées comme des circonstances aggravantes. La chambre du contentieux de la Cour a estimé que les présidents successifs, par leur passivité, avaient toutefois contribué à la commission de cette infraction, ce qui constituait ici des circonstances atténuantes pour la seule personne renvoyée. Le directeur de l’association s’est vu infliger une amende de 1 000 €.

QPC et sanctions pour infraction aux règles de responsabilité financière publique

Par une décision du 18 juillet dernier (Cons. const., décis. n° 2025-1148 QPC, Philippe N. et a.), le Conseil constitutionnel a déclaré contraire à la Constitution une disposition issue de la réforme de la responsabilité financière des gestionnaires publics (art. L. 131-17 du CJF). Pour les personnes non rémunérées, sans traitement ou avec une rémunération symbolique ou inexistante (bénévoles, élus sans indemnité, membres de cabinets extérieurs…), la base légale permettant de leur infliger une sanction financière claire n’existe plus, tant que l’article L. 131‑17 du CJF n’a pas été réécrit par le législateur. En l’espèce, aucun motif ne justifiait de reporter les effets de la déclaration d’inconstitutionnalité. Celle-ci intervient donc à compter de la date de publication de cette décision. Elle est applicable à toutes les affaires non jugées définitivement à cette date. Une clarification juridique serait bienvenue pour restaurer une base légale conforme à la Constitution. Le Gouvernement va-t-il présenter rapidement une réforme législative afin de lever l’insécurité juridique actuelle ? Le calendrier et les modalités restent encore flous.

FINANCES LOCALES
->Données générales sur les finances locales

Situation mensuelle comptable des collectivités locales au 31 juillet 2025

L’examen de la situation mensuelle donne une certaine vision de l’état des finances publiques locales. Au 31 juillet 2025, la trésorerie des collectivités locales s’élève à 44 Md€ à fin juillet 2025, soit un montant inférieur par rapport à 2024 (45,1 Md€) mais également inférieur par rapport à 2023 (53,7 Md€). Cependant, l’état de la trésorerie ne reflète pas forcément la situation globale des finances publiques locales. L’épargne brute globale des collectivités locales s’élève à 11,1 Md€ au 31 juillet 2025, en augmentation par rapport à celle constatée au 31 juillet 2024 (9,4 Md€ soit +17,9 %) et au 31 juillet 2023 (10,6 Md€). Les dépenses réelles de fonctionnement (DRF) des collectivités sont en hausse de +1,7 %, notamment en raison de l’impact des achats et charges externes (+4,1 %, soit +0,8 Md€), des frais de personnel (+2,3 %, soit +1 Md€). Les dépenses d’investissement augmentent pour le bloc communal (+5,1 %) mais diminuent pour les départements (-6,7 %) et les régions (-8,5 %). La hausse pour le bloc communal est conforme au cycle électoral.

OFGL : état des lieux de la péréquation dans les finances du bloc communal

Ce rapport de l’OFGL aborde à nouveau la question de la péréquation financière, qui occupe une place importante dans l’autofinancement du bloc communal. Parmi les communes, la péréquation représente a minima 2 % de leurs recettes de fonctionnement. Concernant les seules communes en 2024, les dotations et fonds de péréquation représentent un montant total de 8,7 Md€ de recettes. Ce rapport cherche à développer de nouveaux axes d’analyse en s’interrogeant, par exemple, sur la relation entre la dette et la péréquation. Pour les communes de plus de 20 000 habitants, le poids de la péréquation oscille entre 2 et 27 %.

Ce rapport de l’OFGL publié tous les ans constitue une vraie « mine d’or » pour l’ensemble des observateurs des finances publiques locales. Ce document commence par l’étude de chaque niveau de collectivités, puis la péréquation. Ensuite les annexes détaillent les chiffres pour chaque strate démographique en isolant les budgets principaux des budgets annexes. D’autres études menées au sein de ce rapport sont très précieuses notamment concernant les collectivités locales ultra-marines, les transferts, extensions et créations de compétences ou encore la fiscalité locale.

Rapport sénatorial d’enquête sur la libre administration des collectivités locales

Dans un rapport sénatorial intitulé « Libre administration des collectivités : une urgence démocratique et écologique » (rapport n°834, Sénat), la commission d’enquête sur la libre administration des collectivités territoriales, privées progressivement de leurs recettes propres, et sur les leviers à mobiliser demain face aux défis de l’investissement dans la transition écologique et les services publics de proximité, créée à l’initiative du groupe Écologiste – Solidarité et Territoires , s’était réunie en mars 2025 pour lancer ses travaux qui se sont achevés au 31 juillet 2025. Le rapport a été adopté à l’unanimité le 8 juillet 2025 et les conclusions du rapport de la commission d’enquête ont été présentées par le sénateur Henno, président, et le sénateur Dossus, rapporteur. Si ce rapport n’apporte rien de nouveau au débat, il présente l’avantage de formuler des propositions déjà émises, à de nombreuses reprises, comme la redéfinition d’un système de financement des collectivités territoriales ou encore la nécessaire consécration d’un principe constitutionnel d’autonomie fiscale des collectivités locales. Il dresse un constat sévère et des propositions ambitieuses.

Fort rebond des DMTO sur les sept premiers mois de l’année 2025

Une note de RCF permet d’apporter de premiers éléments sur l’évolution des droits de mutation à titre onéreux (DMTO) en 2025 après la baisse historique de près de 33% entre 2022 et 2024. Sur les sept premiers mois de l’année, ils augmentent d’environ 20%, hausse toutefois très inégalitaire sur le territoire. Plusieurs éléments concourent à cette hausse avec la légère reprise du marché immobilier, l’impact de la majoration du taux de 0,5 point prévue par la loi de finances pour 2025 ou encore un effet d’aubaine des acheteurs ayant anticipé cette hausse.

FINANCES SOCIALES
->Situation des comptes sociaux

Fipeco : soldes et déficits des administrations de Sécurité sociale

Le site Fipeco de François Ecalle a actualisé sa fiche qui précise les différentes approches permettant d’évaluer le solde des administrations de Sécurité sociale. Celui-ci, en comptabilité nationale, est pris en compte pour l’évaluation du « solde public » au sens des règles budgétaires européennes ; les administrations de Sécurité sociale comprennent les régimes obligatoires de base, les régimes complémentaires, l’Assurance chômage, la CADES et le Fond de réserve des retraites (FRR). Elles ont dégagé une capacité de financement de +2,3 Md€ en 2024 (en nette diminution par rapport aux années précédentes), qui s’explique par les excédents comptables de la CADES et du FRR ; si on ne tient pas compte de ceux-ci, le solde des administrations de Sécurité sociale devient un déficit de -11,9 Md€. Ce montant se rapproche du solde global des régimes obligatoires de base et du FSV dans leur système comptable, qui a été déficitaire en 2024 de -15,3 Md€, lequel est le solde pris en compte dans la présentation des comptes de la Sécurité sociale et de la LFSS. Si l’on s’en tient au solde du seul Régime général et du FSV, celui-ci a été de -13,4 Md€ en 2024, les autres régimes étant presque à l’équilibre.

Rapport de la Cour des comptes : la sphère sociale et l’aggravation des déficits publics

La Cour des comptes a publié son rapport à mi-année sur la situation et les perspectives des finances publiques. Elle tire à nouveau la sonnette d’alarme sur l’aggravation de la situation financière en 2024 en dépit de la sortie de tous les dispositifs de soutien face aux crises, et sur le caractère très incertain des mesures de redressement contenues dans les lois financières de 2025. Toutes les projections conduisent à un risque d’augmentation du ratio de dette publique sur la deuxième moitié de la décennie (2025-2030) au moindre choc macroéconomique. Pour la Cour, l’objectif de 3 % de déficit en 2029 poursuivi par le Gouvernement pour commencer à inverser l’évolution de l’endettement public ne se suffira pas en lui-même et il sera nécessaire, pour y parvenir, de réaliser un excédent primaire d’environ 1,1 % de PIB, approche dont la Cour souligne la pertinence pour évaluer la soutenabilité de la dette. Comme dans ses rapports précédents (v. Repères, juin 2024), la Cour souligne la responsabilité de la dépense locale et surtout de la dépense sociale, celle-ci ayant crû de 5,5 % en valeur et de 3,3% en volume en 2024 (contre 4,7 % en valeur et -1,2 % en volume en 2023), particulièrement du fait de la très forte revalorisation des pensions et des prestations sociales et au dérapage de l’ONDAM (soins de ville). Les administrations de Sécurité sociale qui enregistraient encore un excédent de 0,4 points de PIB en 2023 (largement artificiel du fait de la comptabilisation des excédents de la CADES, v. supra.) ont vu celui-ci quasiment disparaître en 2024, avec un creusement du déficit du régime général, la forte dégradation de la situation de la CNRACL, la disparition de l’excédent de l’UNEDIC et la diminution de celui de l’AGIRC-ARRCO. Comme cela a déjà été souligné, les cibles d’économie sur la sphère sociale pour 2025 paraissent hypothétiques, en particulier pour l’ONDAM où ils reposent pour les deux tiers sur les soins de ville (baisse des prix des produits de santé, maîtrise des indemnités journalières d’arrêts de maladie et des dépenses de transports sanitaires). Pour la période 2025-2029 – l’objectif de stabilisation de la dette nécessitant la réalisation d’un excédent primaire durable de 1,1 % du PIB – il faudrait réévaluer l’ajustement sur la période de 105 Md€ à 135 Md€, effort supplémentaire à faire porter essentiellement sur les sphères locale et sociale compte-tenu du fait que c’est l’État qui jusqu’à présent a principalement contribué aux économies et aux transferts de recettes.

Rapport de conseils consultatifs : « pour un redressement durable de la Sécurité sociale »

France Stratégie a publié le rapport conjoint de trois conseils en vue d’un « redressement durable de la Sécurité sociale ». Le Haut conseil pour l’avenir de l’assurance maladie (HCAAM), le Haut conseil pour le financement de la protection sociale (HCFIPS) et le Haut conseil pour la famille, l’enfance et l’âge (HCFEA) avaient en effet été saisis par le Premier ministre en vue d’éclairer les discussions du PLFSS pour 2026. Partant de constats déjà largement connus sur la situation financière de la Sécurité sociale, les trois conseils rappellent d’abord neuf principes : la Sécurité sociale doit être gérée à l’équilibre avec un pilotage par les soldes, un retour à l’équilibre étant possible comme l’a montré la sortie de la crise de 2010 ; la production de richesse et le taux d’emploi sont des déterminants fondamentaux du retour à l’équilibre, des marges de manœuvre existant pour l’emploi des seniors, des femmes et des jeunes ; la trajectoire de retour à l’équilibre doit prendre en compte le vieillissement de la population et préserver les charges d’avenir notamment la lutte contre la pauvreté; cette trajectoire doit s’accompagner de nouvelles règles de gouvernance, en particulier pour la préparation des échéances budgétaires de l’automne ; il convient d’assurer une bonne combinaison des mesures de court terme pour freiner la dérive des comptes, et de moyen terme pour garantir la crédibilité de l’ensemble ; il faut mettre l’accent sur la prévention ; un des axes fondamentaux de la stratégie de moyen terme doit être l’efficience (régulation plus forte des acteurs privés – EHPAD, crèches – contrôle de la qualité, transparence financière, etc…) ; le financement doit être clarifié en garantissant la cohérence du prélèvement par rapport à sa finalité, au champ des bénéficiaires et à l’équité (partage entre les cotisations et le financement par l’impôt) ; un accompagnement par la pédagogie est indispensable. Le rapport propose d’abord une transformation profonde du système de santé devant reposer moins sur des mesures de périmètre et de régulation que sur un relèvement des ressources attribuées à la Sécurité sociale. Sur chacun des trois domaines de la protection sociale, le rapport énumère une série de propositions qui ont été déjà largement débattues. Ainsi pour l’Assurance maladie, dans la perspective d’un retour à l’équilibre en 2029, le rapport met l’accent sur la prévention, la coordination des parcours de soins, le contrôle des prix des prestations et produits de santé, l’organisation territoriale de l’activité hospitalière; en revanche il se montre extrêmement réservé sur un partage des périmètre de prise en charge entre l’assurance maladie obligatoire et les complémentaires santé, ainsi que sur une réforme de l’ALD en raison du risque d’augmentation du reste à charge. S’agissant de la branche Famille, il insiste sur la nécessité de préserver la part des recettes de la branche par rapport au PIB et écarte toute mesure de sous indexation ou de gel des montants de plafonds de ressources des prestations familiales ou de solidarité, de même qu’il préconise un certain nombre de mesures pour améliorer l’efficience des dispositifs relatifs aux pensions alimentaires. En ce qui concerne les personnes âgées, le rapport met l’accent sur la prévention de la perte d’autonomie et le maintien à domicile, la révision du périmètre des missions et de tarification des EHPAD, et propose que toute augmentation des prélèvements sur les retraités soit fléchée vers la branche autonomie, qui pourrait également bénéficier de mesures sur la fiscalité du capital et sur les droits de mutation à titre gratuit. C’est sur le volet « recettes » que les orientations du rapport ont été le plus commentées. Tout en relevant que les prélèvements sur les revenus sont très élevés, il relativise cette constatation en soulignant que les recettes de la protection sociale se sont déjà élargies par la fiscalisation. Pour autant, le rapport conclut que la crédibilisation du retour à l’équilibre de la SS nécessitera l’affectation de nouvelles recettes. Le réexamen de la politique d’exonération de charges doit être poursuivi, en visant en particulier les heures supplémentaires, les indemnités de rupture conventionnelle et le forfait social ; le recours à la TVA sociale ne fait absolument pas consensus ; en revanche seraient plus susceptibles d’un accord un rééquilibrage de l’assiette de la CSG en direction des revenus de remplacement et du capital, ainsi que la taxation du patrimoine, au profit de la branche autonomie. Enfin la piste des taxes comportementales est évoquée, avec notamment la mise en place d’une taxe sur les écrans.

Le « Moment de vérité » du Premier ministre pour le rééquilibrage des comptes publics

Le Premier ministre a présenté le 15 juillet le plan du Gouvernement pour le rééquilibrage des comptes publics. Ce plan, qui conduit à un ajustement de 43,8 Md€ (compte-tenu du supplément à la loi de programmation militaire annoncé le 13 juillet par le président de la République), doit permettre de revenir à un déficit des administrations publiques de 4,6 % en 2026, de 4,1 % en 2027, de 3,4 % en 2028 et de 2,8 % en 2029, ainsi que d’amorcer le reflux de la dette à partir de 2028. Ce plan comporte deux volets : le volet « Stop à la dette », qui vise à la maîtrise des comptes publics, et le volet « En avant la production », qui se propose d’augmenter la quantité de travail et de renforcer le tissu productif. Le plan d’ajustement de 43,8 Md€ peut ainsi se décomposer : en premier lieu, à hauteur des deux tiers environ en mesures d’économies (12 Md€ concernant l’État et ses opérateurs, 5,3 Md€ les collectivités locales, 5,5 Md€ la Sécurité sociale -essentiellement sur l’Assurance maladie – auxquels on peut rajouter l’essentiel des 7,1 Md€ au titre de « l’année blanche » que l’étude de l’OFCE (voir infra) ventile entre 5 Md€ d’économies au titre de la non revalorisation des retraites et des prestations sociales et 1,2 Md€ de recettes supplémentaires en raison de la non revalorisation des tranches du barème de l’IR) ; en second lieu, à hauteur d’un tiers environ de hausse des prélèvements fiscaux et sociaux (4,2 Md€ de mesures « d’équité fiscale », dont la suppression de l’abattement de 10 % pour les retraités, 2,3 Md€ au titre de la lutte contre la fraude fiscale et sociale, 3,4 Md€ provenant de la suppression de niches fiscales et sociales, auxquels on peut rajouter les 4,2 Md€ résultant de la suppression de deux jours fériés qui va se traduire par un supplément de rentrées fiscales et sociales. L’État sera le principal contributeur à ce plan d’ajustement, et on peut identifier a minima à hauteur de 11 Md€ la contribution de la sphère sociale. Pour ce qui la concerne, le Gouvernement attend 5,3 Md€ d’économies au titre de l’Assurance maladie : le Premier ministre a longuement évoqué la nécessaire réforme des affections de longue durée (ALD), et il va s’en doute puiser dans la liste des propositions d’économies avancées le mois dernier par la Caisse d’Assurance maladie (v. Repères, juin 2025). Ainsi, 5 Md€ devraient provenir de « l’année blanche  », pour l’essentiel 3,5 Md€ du fait de la non-indexation des retraites et 1,5 Md€ de celle des prestations sociales (RSA, allocations logement, allocations chômage…). Mais la contribution de la sphère sociale ira au-delà de 11 Md€, car il faut rajouter la part-indéterminable à ce stade – de ce qui impactera la sphère sociale au titre de la lutte contre la fraude, du réexamen de certaines niches sociales et de la suppression des deux jours fériés, si bien qu’on peut très approximativement estimer à un tiers de l’ajustement global la contribution du secteur social. Celui-ci devrait être également largement partie prenante au second volet intitulé « En avant la production », à composante de réformes structurelles, qu’a présenté le Premier ministre le 15 juillet. Celui-ci a annoncé le dépôt avant la fin de l’année d’un projet de loi créant une « allocation sociale unifiée » destinée à donner la priorité au travail, ainsi que l’inscription dans le PLFSS pour 2026 de mesures en faveur des mères de famille et de la pénibilité qui avaient fait l’objet d’avancées lors du conclave sur les retraites-rebaptisé « délégation paritaire permanente » (v. Repères, juin 2025). Par ailleurs, il a proposé aux partenaires sociaux d’ouvrir de nouvelles négociations sur l’Assurance chômage en vue d’accélérer les reprises d’emploi et de lancer un nouveau chantier sur le droit du travail, pour faciliter les recrutements et augmenter la quantité de travail lorsque c’est possible. Enfin, sans autre précision, il a souhaité une « réflexion sur la refondation du financement de notre modèle social en recherchant d’autres bases que le travail, évoquant une « bascule d’assiette ». On peut également penser que le secteur social sera concerné par le plan de simplification que le gouvernement pourrait mettre en œuvre en continu par voie d’ordonnances.

Blog de l’OFCE : « qui perdrait à l’année blanche »

Un blog de l’OFCE évalue les effets à attendre d’une « année blanche en matière fiscale et sociale ». L’hypothèse d’une « année blanche » en 2026- c’est-à-dire d’une non-revalorisation des prestations sociales indexées (minima sociaux, prestations familiales, allocations chômage, retraites…) et des barèmes de l’impôt sur le revenu, assortie d’un gel des crédits budgétaires-est souvent évoquée pour résoudre l’équation extraordinairement difficile des lois financières pour 2026. Selon les estimations de l’OFCE le gel des prestations sociales « rapporterait » environ 5 Md€ et le gel du barème de l’impôt,1,2 Md€. Les ménages de retraités devraient être les plus affectés avec une perte moyenne de 350 € par ménage en 2026 (soit 1 % de leur niveau de vie), et les actifs verraient leur revenu amputé d’environ 0,2 %. Toutefois, selon l’OFCE, la non-revalorisation des minima sociaux aurait un effet contre-redistributif très important, puisque les 5 % de ménages les plus modestes perdraient près de 1 % de leur revenu disponible.

Blog de l’OFCE : les retraités largement mis à contribution

Un billet de blog de l’OFCE publié après les annonces du Premier ministre du 15 juillet (v. supra.) évalue l’effet du plan « Stop à la dette  » pour les retraités ; ceux-ci sont concernés par quatre des mesures envisagées par le Gouvernement : le gel des prestations sociales (essentiellement l’allocation de solidarité aux personnes âgées – ASPA), le gel des pensions de retraite, le gel du barème de l’impôt sur le revenu et la transformation de l’abattement fiscal de 10 % pour frais professionnels en un abattement forfaitaire de 2 000 €. L’ensemble de ces mesures, selon l’OFCE, devrait réduire le revenu des ménages comprenant au moins un retraité d’environ 4,9 Md€, correspondant à une baisse de 0,9 % de leur niveau de vie moyen, et concernerait 90 % des ménages de retraités. Seraient plus particulièrement affectés les ménages de retraités seuls ou en couple avec deux pensions (perte de 1 000 € pour les couples de retraités appartenant aux 10 % les plus aisés), la mesure la plus pénalisante étant le gel des pensions.

->Dépenses de santé/Hôpital/Assurance maladie

Un rapport des inspections sur la financiarisation du système de santé

L’IGAS et l’IGF ont publié un rapport sur le phénomène encore mal appréhendé de la financiarisation du système de santé, c’est-à-dire de l’intervention d’acteurs financiers (banques, fonds d’investissement, fonds de dette, etc…) dans l’offre sanitaire. Cette évolution est due à la fois à l’évolution de la démographie des professions de santé, à la modification des conditions d’exercice des métiers médicaux qui s’ouvrent au salariat, et plus largement à l’explosion des besoins consécutive au vieillissement de la population qui entraine de gros efforts de financement. Elle a pour conséquence une forte concentration notamment dans l’hospitalisation privée et la biologie, avec un endettement accru. Tout en soulignant les effets positifs de cette intervention des acteurs financiers sur la qualité et l’accessibilité aux soins, ainsi que la productivité du secteur, le rapport pointe les risques sur l’indépendance et les conditions d’exercice des professionnels de santé, la perte de transparence du secteur sanitaire et social et sur l’insuffisance des processus de tarification en vigueur pour la régulation des nouveaux acteurs. Il préconise un renforcement des règles de transparence, et une adaptation des règles de déontologie, une meilleure connaissance des coûts des acteurs, afin d’obtenir un partage des gains de productivité plus équilibré, et de développer les relations contractuelles avec ceux-ci.

Un rapport d’information du Sénat revient sur l’aide médicale d’État

Un rapport d’information sur l’aide médicale d’État (AME) a été présenté le 9 juillet à la commission des finances du Sénat par le sénateur Delahaye, rapporteur spécial des crédits de la mission santé. L’AME est un sujet de vives controverses, jusqu’au sein même du gouvernement, dans le cadre du débat sur l’immigration. Une réforme de l’AME qui bénéficie aux personnes étrangères vivant en France en situation irrégulière depuis au moins trois mois a été annoncée à plusieurs reprises par le Gouvernement à la suite d’un vote du Sénat proposant de la restreindre en une « Aide médicale d’urgence » et de la publication du rapport Evin-Stefanini en décembre 2023, mais aucun projet n’a abouti. Les dépenses de l’AME qui se sont élevées à 1,4 Md€ en 2024 (en progression de 68 % sur dix ans) sont à la charge de l’État, mais de fait en partie seulement puisqu’une fraction se trouve transférée à l’Assurance maladie. Selon le rapport du Sénat, la hausse rapide des dépenses est principalement – mais non exclusivement – due à l’augmentation du nombre de bénéficiaires. Il formule ainsi 10 recommandations pour contrôler cette évolution, selon trois axes. En premier lieu, lutter contre l’immigration illégale. La maîtrise de la dépense passe ensuite par une redéfinition en profondeur des droits ouverts : en excluant du bénéfice de l’AME les étrangers en situation irrégulière à la suite du retrait ou du refus d’un titre de séjour pour un motif d’ordre public (6 000 cas concernés en 2024) ; en limitant le périmètre et la durée des soins pris en charge sur la base d’un panier de soins plus réduit, à l’exemple de ce qui est pratiqué en Allemagne, au Royaume Uni, en Suède et en Italie. Enfin le Sénat demande une action plus efficace contre la fraude, pour vérifier la stabilité de la résidence en France des bénéficiaires.

Nouvelle dégradation de la situation financière des hôpitaux publics en 2024.

L’enquête annuelle de la DREES sur la situation financière des hôpitaux publics fait apparaître une nouvelle dégradation de celle-ci en 2024, puisque les hôpitaux enregistreraient un résultat net négatif compris entre -2,7 et -2,9 Md€ (soit 2,5 % de leurs recettes) ; bien que moindre qu’en 2023 (déficit de -2,3 Md€), la tendance de la dégradation s’explique par la réduction des dispositifs de soutien mis en place pendant la crise sanitaire et le non dégel des tarifs en fin d’année, ainsi que par la progression toujours soutenue des dépenses salariales. La capacité d’autofinancement diminuant, l’investissement des hôpitaux marque le pas. Toutefois, l’endettement baisse pour la troisième année consécutive (30 Md€) grâce au soutien au désendettement mis en place dans le cadre du « Ségur de la santé » (6,5 Md€ prévus d’ici 2029).

Les premières pistes du Gouvernement pour réduire les dépenses de santé

À la recherche de 5,5 Md€ d’économies sur les dépenses de santé en 2026 (v. supra.), le Gouvernement a présenté les premières pistes de réduction aux partenaires sociaux le 22 juillet. Une première série de mesures concernerait la révision du régime des affections de longue durée (ALD), qui reprend largement celle présentée par la CNAM dans son rapport « charges et produits pour 2026 » (v. Repères, juin 2025), notamment en ce qui concerne la limitation de la prise en charge des remboursements en liaison avec l’ALD et la prolongation de celle-ci. Très commentées ont été les pistes pour freiner l’explosion des arrêts maladie, en particulier le report de 4 à 7 jours du délai de prise en charge des indemnités journalières par l’Assurance maladie (avec la possibilité d’y substituer une prise en charge par l’entreprise), l’instauration d’un jour de carence d’ordre public, la limitation à 15 jours des arrêts de travail et l’imposition d’une visite médicale de reprise chez le médecin généraliste (et non plus la médecine du travail qui est en sous-effectif).

->Retraites

Le comité de suivi des retraites se prononce pour la sous-indexation des retraites.

Le comité de suivi des retraites (CSR) a publié son avis 2025. En application de la loi du 20 janvier 2014, le CSR a pour mission de veiller, avec une batterie d’indicateurs, à trois objectifs, au-delà de l’impératif de stabilité financière : le versement de prestations qui soient en rapport avec les revenus d’activité, le traitement équitable des assurés au regard de la durée de la retraite et du montant de la pension, la solidarité intra et intergénérationnelle. Le rapport du CSR reprend les hypothèses démographiques et économiques du COR, ainsi que ses conclusions sur l’évolution du solde du régime de retraite, à savoir un déficit de 0,2 points de PIB en 2030, et de 1,4 points en 2070 (v. Repères, juin 2025). Le CSR considère que l’objectif de pérennité financière du système par répartition n’est pas acquis, et il formule une recommandation pour retrouver l’équilibre en 2030. En premier lieu, au regard des échanges intervenus lors du « conclave », il considère que si le gouvernement choisit de retenir un certain nombre des mesures qui ont été envisagées, celles-ci ne devront pas conduire à une diminution de l’âge moyen de la retraite ; il estime en second lieu qu’il ne faut pas relever le taux des cotisations, en raison de l’effet récessif de cette mesure ; c’est donc une action sur l’indexation des pensions qu’il propose, au regard du niveau de vie relativement élevé des retraités français par rapport à la moyenne européenne et du faible risque d’effet récessif d’une sous indexation. Même si, après l’échec du « conclave » et de celui de la dernière motion de censure contre le gouvernement qui paraissent avoir sanctuarisé les 64 ans, la question des retraites paraît passer au second plan par rapport à la situation globale des finances publiques, les débats doctrinaux sur le sujet demeurent vifs : ainsi le site Fipeco a publié un commentaire d’actualité sur les effets du recul de l’âge de la retraite en soulignant l’impact macroéconomique positif de celui-ci ; de son côté, une présentation de l’Institut des politiques publiques revient sur la convention comptable retenue pour apprécier les ressources affectées au financement des retraites des fonctionnaires de l’État, problématique qui a alimenté la thèse du « déficit caché » au moment de la sortie des conclusions de la mission flash de la Cour des comptes en février dernier (v. Repères, février 2025). Un billet de blog de l’OFCE souligne la responsabilité de la faiblesse du taux d’emploi en France pour expliquer le déficit des retraites. Enfin la DREES a publié son édition annuelle sur « les retraites et les retraités en France ». Il en ressort qu’en 2023 l’âge conjoncturel de départ en retraite s’est élevé à 62 ans et 9 mois, soit une augmentation de 2 ans et trois mois depuis 20 110, principalement du fait de la réforme de 2010, que le pouvoir d’achat relatif aux pensions a diminué de 1,2 % en € constants entre 2022 et 2023, et que le montant des dépenses de retraite (370 Md€) représentait 13,1 % du PIB.

->Formation professionnelle

Vers un nouveau coup de rabot sur le compte personnel de formation ?

Selon les informations parues dans le journal « Les Échos », le Gouvernement envisage de nouvelles mesures pour contenir les dépenses du compte personnel de formation (CPF), dont l’État assure l’équilibre. Déjà affecté par la mise en place en 2024 d’un « ticket modérateur » de 100 € par formation, celui-ci pourrait être touché par la limitation de certains « achats » de formation comme les bilans de compétence-dont la consommation explose alors que leur qualité est très hétérogène, ou le passage du permis auto-moto. A cet effet les prises en charge pourraient être plafonnées, les achats limités à un tous les cinq ans et les obligations de qualité plus strictement encadrées. Le Gouvernement en attend jusqu’à 250 M€ d’économies en 2026.

->Solidarité/lutte contre la pauvreté/Revenu universel

Rebond du taux de pauvreté en France

L’INSEE a publié les dernières statistiques sur le taux de pauvreté en France en 2023. En 2023, le niveau de vie médian a augmenté de 0,9 % en euros constants (en tenant compte d’une inflation de 4,9 %), avec un recul du niveau de vie des plus modestes du fait de la non-reconduction des mesures exceptionnelles de pouvoir d’achat. Le niveau de vie des ménages les plus aisés ayant sensiblement augmenté, il s’en est ensuivi un accroissement de l’indicateur des inégalités à son niveau le plus élevé depuis 1996. Le taux de pauvreté (seuil de 60 % du niveau de vie médian) s’est élevé à 15,4 % en France métropolitaine, contre 14,4 % en 2022. Selon l’INSEE cette augmentation de la pauvreté a été moins marquée chez les retraités (taux de 11,1 % dans cette catégorie), qui ont pu bénéficier de l’augmentation des retraites de l’AGIRC-ARRCO, de la revalorisation du minimum contributif et de la hausse des revenus du patrimoine. Le taux de pauvreté est particulièrement élevé chez les chômeurs (36,1 %), les indépendants (19,2 %) et les familles monoparentales (34,3 %).

FISCALITÉ ET PROCÉDURES FISCALES
->Politique fiscale

La confirmation d’une « année blanche » et de solidarité fiscale en 2026

Le Premier ministre, F. Bayrou, s’est exprimé, le 15 juillet, au cours d’une conférence de presse, afin de présenter son plan budgétaire visant 43,8 Md€ de mesures correctives pour ramener le déficit public à 4,6 % du PIB en 2026. Le chef du Gouvernement a rappelé que la dette publique de la France représente aujourd’hui plus de 3 300 Md€. L’objectif du Gouvernement est d’enrayer l’emballement de la dette publique d’ici à 2029. Ces orientations visent à faire passer le déficit à 4,6 % du PIB en 2026, à 4,1 % du PIB en 2027, 3,4 % du PIB en 2028 pour atteindre le seuil symbolique de 2,8 % du PIB en 2029. Le Premier ministre a annoncé une « année blanche » pour 2026 (v. Repères, juin 2025). Il s’agirait d’un exercice budgétaire où les prestations sociales et les barèmes d’imposition ne seraient pas revalorisés de l’inflation tout comme le montant des pensions. Le Gouvernement réclame ainsi un effort collectif qui concernerait toutes les catégories de la population. Cette règle consisterait « à ne pas dépenser plus en 2026 par rapport en 2025 ». L’ensemble de ces décisions permettrait, selon le Gouvernement, de contenir d’environ 7 Md€ la progression de la dépense publique. À l’occasion de cette conférence, le Premier ministre a indiqué qu’un effort particulier allait être demandé aux contribuables qui ont la capacité de contribuer davantage que ce soient les ménages les plus aisés ou les grandes entreprises, comme cela avait été déjà le cas en 2025, et par le passé. Ainsi, une « contribution de solidarité » sera demandée aux contribuables les plus fortunés. Les retraités les plus aisés seront également mis à contribution avec une réforme de l’abattement de 10 % sur le calcul de l’impôt sur le revenu. Par ailleurs, une contribution fiscale sur les petits colis devrait voir le jour dans le PLF pour 2026. Il s’agirait d’une nouvelle contribution comportementale afin d’inciter à un changement de mode de consommation en encourageant davantage les circuits courts et les commerces de proximité. Une contribution va être proposée sur les petits colis afin de protéger les commerces et les producteurs locaux.

Ensuite, selon les déclarations du Premier ministre, les retards de paiement seraient plus durement sanctionnés à l’avenir. Dans le cadre du plan de redressement des finances publiques présenté par le Premier ministre, un durcissement des sanctions contre les retards de paiement interentreprises a été annoncé. Cette mesure vise à enrayer une hausse préoccupante des retards (moyenne de 13,6 jours en France). A ce jour, la sanction maximale en cas de retard de paiement peut atteindre 2 M€ pour une personne morale. En plus de cette sanction pécuniaire, la pratique du « name and shame » impose la publication des amendes sur le site de la DGCCRF. En cas de retard de paiement, les créanciers peuvent automatiquement réclamer des pénalités de retard avec un taux minimum de trois fois le taux d’intérêt légal (soit 8,28 % pour ce second semestre 2025) avec la possibilité de choisir un taux supérieur. À cela s’ajoute une indemnité forfaitaire minimale de 40 € pour chaque facture payée en retard. Ces deux mentions doivent obligatoirement apparaître sur la facture. Le gouvernement entend s’attaquer fermement à ce problème, qui est souvent délibéré de la part de grandes entreprises pour optimiser leur trésorerie, au détriment des PME et TPE. Le Premier ministre a ainsi annoncé que le plafond des sanctions serait porté à 1 % du chiffre d’affaires du débiteur. Une telle sanction placerait la France parmi les États européens les plus répressifs face à ces pratiques. Au-delà des sanctions, le Gouvernement entend également régler les questions de simplification pour les entreprises par ordonnances afin de lever les obstacles identifiés dans chaque secteur selon leurs besoins spécifiques dès cet automne. Améliorer la compétitivité concerne l’accès des entreprises aux financements. Ainsi 900 M€ de financement en fonds propres supplémentaires vont être consacrés à l’investissement dans les entreprises.

La Cour des comptes critique l’optimisme budgétaire du Gouvernement

Dans son rapport sur les finances publiques, publié début juillet, la Cour des comptes s’inquiète de l’absence de marge de prudence dans les prévisions budgétaires du Gouvernement pour 2025. Malgré les erreurs passées — des prévisions de recettes surestimées de 60 Md€ en 2023 et 2024 — la trajectoire peine à être corrigée du fait de la situation politique à l’Assemblée nationale. La Cour des comptes souligne que, bien que la croissance prévue pour 2025 ait été revue à la baisse (0,7 % contre 0,9 %) par le Gouvernement, les recettes fiscales, elles, ont été relevées à 1 300 Md€. Cette incohérence entre la conjoncture et les prévisions rend le texte budgétaire vulnérable et cela annonce de probables et futures mauvaises surprises en fin d’exercice. Le Gouvernement justifie son choix en s’appuyant sur l’avis du Haut conseil des finances publiques (HCFP), qui juge les hypothèses globalement cohérentes. Mais ce même HCFP avait aussi alerté sur une prévision de recettes « un peu élevée » et sur l’abandon des marges de sécurité initialement prévues dans ses avis initiaux à l’automne. La Cour des comptes critique notamment l’hypothèse d’élasticité fiscale (la sensibilité des recettes à la croissance), passée de 0,8 à 1. Ce changement, moins prudent selon elle, ne reflète pas les résultats récents : l’élasticité n’était que de 0,4 en 2023. Enfin, les magistrats financiers jugent irréalistes ou risqués certaines prévisions d’impôts (comme l’impôt sur les sociétés ou la TVA) et estiment que le montant des nouvelles mesures fiscales reste incertain. Les mêmes risques persistent.

Le Sénat souhaite redresser les comptes publics sans un recours massif à la fiscalité

Une semaine avant la présentation par le Premier ministre de son plan de redressement des finances publiques, le Sénat a transmis au Gouvernement ses propositions de redressement des comptes publics. Objectif : ramener le déficit public à 4,6 % du PIB en 2026, contre 5,4 % cette année, grâce à 30 à 50 Md€ de mesures de corrections budgétaires. Les sénateurs privilégient massivement la réduction des dépenses publiques, estimant qu’environ 45 Md€ peuvent être corrigés de cette manière. La fiscalité ne serait sollicitée qu’en dernier recours, par un possible gel du barème de l’impôt sur le revenu ou un renforcement de la lutte contre la fraude fiscale (notamment le dispositif anti « CumCum », v. Repères, juin 2025). Les collectivités territoriales ne seraient sollicitées qu’à hauteur de 2 Md€, le Sénat jugeant limitée leur implication dans l’endettement public national. En revanche, il propose de simplifier les compétences partagées entre l’État et les collectivités, une réforme estimée à 7,5 Md€ de mesures de correction sur deux ans. Ce document sénatorial n’a pas vocation à s’imposer, mais à influencer les choix budgétaires du Gouvernement. Il propose des orientations « exigeantes » mais jugées nécessaires par la majorité sénatoriale pour assainir durablement les finances publiques de la France.

Les précisions complémentaires de Bercy sur les annonces du Premier ministre

Lors de son audition, après le 14 juillet, par la commission des finances de l’Assemblée nationale, la ministre chargée des comptes publics, A. de Montchalin, a dévoilé les rendements budgétaires de quelques mesures fiscales phares prévues pour le projet de loi de finances pour 2026. Après les annonces du Premier ministre, la ministre a fourni des explications et plusieurs précisions sur la nature de l’effort fiscal prévu au prochain PLF. Les mesures « d’équité fiscale » viendraient générer 4,2 Md€ de recettes fiscales, la seule contribution frappant les contribuables les plus aisés par un élargissement de l’actuelle assiette de la contribution des hauts revenus, rapporterait 2 Md€ supplémentaires. Les mesures envisagées sur les niches fiscales et sociales représenteraient 3,4 Md€. Enfin, les mesures relatives à la lutte contre les fraudes ont été évaluées à 2,3 Md€. Ainsi, le Gouvernement prévoit officiellement 9,9 Md€ de « mesures de justice fiscales et sociales » au PLF pour 2026. Le recours à la fiscalité est potentiellement plus étendu, si l’on y ajoute l’enveloppe de 4,2 Md€ chiffrée au titre des deux jours fériés travaillés, qui donneront lieu à une contribution des entreprises qui reste à définir. La fiscalité représenterait alors « un tiers de l’effort » d’environ 44 Md€, selon le rapporteur du budget à la commission des finances de l’Assemblée nationale, le député C. de Courson.

->Fiscalité locale

Une note de la Gazette des communes sur la taxe sur les friches commerciales

Intitulée « Taxe sur les friches commerciales (TFC), une petite menace qui fait ses preuves », la Gazette des communes est revenue, début juillet, sur le dispositif fiscal facultatif frappant les friches commerciales, qui est mis à disposition des communes afin de leur permettre de mieux recenser les locaux mais aussi de renforcer leurs relations avec les propriétaires pour des solutions pérennes. Lorsqu’elles sont confrontées à des problématiques croissantes de centres-villes désertés et désirant engager des programmes ambitieux de diversification, les communes encouragent la remise en exploitation des locaux inoccupés depuis deux ans en s’appuyant sur la TFC, fiscalité locale facultative créée en 2006. Elle est instituée par délibération des communes ou des établissements publics de coopération intercommunale (EPCI) avant le 1er octobre de l’année n pour une application à compter de l’année suivante en n+1. Elle s’applique locaux commerciaux soumis à plusieurs conditions cumulatives suivantes comme être passible de la taxe foncière sur les propriétés bâties (TFPB – CGI, art. 1498), il peut donc s’agir d’immeubles de bureaux ou utilisés pour une activité commerciale, lieux de dépôt ou de stockage, etc. ; ne plus être affecté à une activité entrant dans le champ d’application de la cotisation foncière des entreprises (CFE ; CGI, art. 1447 du CGI) ; être inexploité pendant au moins deux ans au 1er janvier de l’année d’imposition et être resté inoccupé au cours de la même période. Ainsi, pour les impositions établies au titre de 2025, le local doit être inexploité et inoccupé depuis le 1er janvier 2023. Cette contribution n’est pas due lorsque l’absence d’exploitation des biens est indépendante de la volonté du contribuable (biens mis en location ou en vente à un prix n’excédant pas celui du marché et ne trouvant pas preneur ou acquéreur par exemple). La contribution est due par le redevable de la taxe foncière (propriétaire, usufruitier, etc.). Les personnes qui disposent de plusieurs locaux vacants sont redevables de la taxe pour chacun d’entre eux. L’assiette est déterminée à partir des valeurs locatives cadastrales (CGI, art. 1388). Son taux est évolutif : 10 % la 1re année d’imposition, 15 % la 2e année d’imposition, 20 % la 3e année d’imposition. Les collectivités locales peuvent décider d’augmenter les taux sous réserve de ne pas dépasser le double du montant fixé, soit au maximum 20 %, 30 % et 40 %. Ce sont les collectivités qui établissent et qui transmettent la liste des biens susceptibles d’être concernés par cette taxe à l’administration fiscale. La liste ainsi établie doit être transmise avant le 1er octobre de l’année qui précède l’année où sera perçue la contribution. Celle-ci est due au 1er janvier de l’année d’imposition.

Projet de loi constitutionnelle pour une Corse autonome au sein de la République

C’est en mars 2022, après le décès d’Yvan Colonna, agressé en prison, lequel était condamné pour l’assassinat du préfet Claude Erignac commis en 1998, que le ministre de l’Intérieur, G. Darmanin, annonce être prêt à envisager l’autonomie de la Corse, alors que des manifestations s’intensifient et que des bâtiments publics sont dégradés régulièrement. L’Exécutif, craignant d’être déstabilisé à quelques jours du scrutin présidentiel, afin de calmer le jeu, n’a jamais clairement, depuis l’origine, répondu à « la question » qui est de savoir ce que contiendrait cette autonomie. Deux ans plus tard, le Gouvernement se met d’accord avec les élus corses sur le principe des « écritures constitutionnelles » pour assurer un « statut d’autonomie » à l’île de beauté (v. Repères, mars 2024). Si l’accord ne mentionne pas une « autonomie fiscale » de la Corse toutes les discussions portent dessus. Le Gouvernement a consulté la collectivité de Corse le 26 mars 2024 sur ce texte. L’Assemblée de Corse a exprimé son adhésion à ces écritures et à ce processus politique inédit à la quasi-unanimité de ses membres. C’est ce texte qui a été présenté en conseil des ministres le 30 juillet 2025. Ainsi, le projet de loi constitutionnelle comporte une disposition unique, insérant au sein du titre XII de la Constitution, un nouvel article 72-5. Ce nouvel article de la Constitution est composé de six alinéas. Ce projet de loi constitutionnelle reconnaît un statut d’autonomie à la collectivité de Corse et les spécificités de la Corse. Ce statut d’autonomie se caractérisera par l’octroi de pouvoirs normatifs d’adaptation et d’édiction des normes, pour que la collectivité de Corse puisse adapter ou fixer les normes en prenant en compte ses spécificités sans méconnaître ni les autres principes constitutionnels, parmi lesquels la souveraineté nationale et l’indivisibilité de la République et le fait que la langue de la République est le français, ni le droit de l’UE. Forte de ce nouveau pouvoir normatif, la collectivité de Corse ne pourra cependant pas intervenir dans les domaines régaliens relevant de l’État, ni dans les domaines relevant des communes. De même l’adaptation ou la fixation de normes qui lui sont propres ne pourront intervenir lorsque sont en cause les conditions essentielles d’exercice d’une liberté publique ou d’un droit constitutionnellement garanti. Le projet de loi constitutionnelle précise également les modalités de contrôle de ces nouveaux pouvoirs, avec l’intervention du Conseil d’État et du Conseil constitutionnel, en renvoyant à une loi organique le soin de fixer les conditions dans lesquelles seront exercées ces nouvelles compétences normatives et leur champ d’intervention. Enfin, ce projet de loi constitutionnelle peut permettre la consultation des électeurs inscrits sur les listes électorales de Corse, sur le projet de statut de la Corse fixant les pouvoirs normatifs défini par la loi organique après avis de l’Assemblée de Corse. Avancée majeure pour la reconnaissance des spécificités de la Corse, fruit d’un processus politique inédit, ce projet de loi constitutionnelle la fait bénéficier d’un régime d’autonomie propre, conforme à sa singularité d’île méditerranéenne, au sein de la République. Si l’insularité doit être prise en considération (et elle l’est déjà à travers des dispositifs fiscaux spécifiques à la Corse parfaitement justifiés), doit-elle pour autant être consacrée dans la loi fondamentale comme marqueur d’une appartenance spécifique ? Les effets de contagion sont prévisibles pour les autres territoires qui réclameront à n’en pas douter un statut comparable demain (Bretagne, Alsace-Moselle, Pays Basque, Savoie, etc.) …

->Impôts sur le revenu

Vers une réforme de l’abattement fiscal pour les retraités ?

Dans le cadre de son plan de redressement des finances publiques, le Gouvernement envisage de réformer l’abattement fiscal de 10 % dont bénéficient les retraités depuis 1978. A ce jour, l’abattement de 10 % sur les pensions pour la déclaration 2025 (revenus 2024) demeure avec un plafond de 4 321 € par foyer. Cette déduction serait remplacée par un forfait fixe de 2 000 € par contribuable, quelle que soit sa pension, ce qui concernerait 1,5 million de foyers. Autant dire que le changement envisagé est limité. Environ 1 Md€ de recettes est attendu si la réforme ne concerne que l’impôt sur le revenu, mais avec un effet redistributif plus limité que si elle était étendue aux aides sociales. Cette réforme, déjà critiquée, par les parlementaires, pourrait faire l’objet de discussions vives à l’automne au Parlement. A suivre…

->Procédures fiscales

Le Sénat crie au sabotage de son dispositif anti « CumCum » (suite et fin ?)

Après le cri du Sénat sur le sabotage de son dispositif anti « CumCum » (v. Repères, juin 2025), Bercy a rétropédalé en retirant son interprétation sur le texte fiscal relatif à ces montages fiscaux décriés, afin d’éteindre la colère des sénateurs. Répondant à la demande du président de la commission des finances du Sénat, le sénateur Raynal, et du rapporteur général de la commission des finances du Sénat, le sénateur Husson, le ministre de l’économie et des finances, E. Lombard a indiqué devant la presse qu’il accédait à leur demande de retrait d’une instruction fiscale publiée par ses services mi-avril concernant l’imposition sur les dividendes. Cette précision officielle avait suscité le mécontentement des sénateurs de la commission des finances du Sénat, reprochant le sabotage du dispositif antifraude voté dans la loi de finances pour 2025. Ces précisions ont été considérées par le Sénat comme portant le risque de dénaturer le texte législatif, ce qui n’était évidemment pas l’objectif, a expliqué le ministre, qui a donc décidé de « retirer le texte en question ». Le Gouvernement craignait que des exemptions ou une interprétation trop souple rendent le dispositif inefficace. Finalement, le Gouvernement a choisi de s’aligner sur la position du Sénat pour restaurer la portée de la loi telle que votée par le Parlement, sans les précisions introduites au BOFIP en avril dernier.

MANAGEMENT PUBLIC
->Fonction Publique d’État

Un rapport parlementaire dresse un bilan sévère des sur les agences de l’État

Le 3 juillet, la commission d’enquête sénatoriale sur les missions des agences, opérateurs et organismes consultatifs de l’État a rendu son rapport. Elle dresse un constat assez critique d’une tendance à « l’agencification » de l’action publique française – accentuée par le mouvement du New Public Management – et formule plusieurs recommandations structurantes. La commission met en lumière la multiplication des structures publiques (434 opérateurs, 317 organismes consultatifs ; 1 153 organismes publics nationaux…) sans stratégie d’ensemble, souvent créées de manière opportuniste. Le rapport pointe une absence de vision consolidée de leurs finances, de leurs effectifs et de leurs missions – l’État ne sait pas précisément combien d’agents n’y travaillent ni évaluer leurs coûts complets. La commission pointe du doigt des rapports de force parfois déséquilibrés avec certaines agences disposant de plus de moyens, d’autonomie et d’expertise que leurs ministères de tutelle, allant parfois jusqu’à concevoir des politiques publiques. Le rapport estime que cette multiplication génère une communication éclatée et non coordonnée, contribuant à brouiller l’action de l’État et des complexités pour les collectivités locales : multiplicité d’interlocuteurs, procédures de financement fragmentées, manque de lisibilité de l’action publique. Face à ces constats, la commission préconise de renforcer la tutelle de l’administration centrale (un seul ministère pilote par agence, généralisation des contrats d’objectifs, lettres de mission, suivi renforcé des données financières et des agents), de centraliser la communication sous le seul logo de l’État, de désigner les préfectures comme guichets uniques locaux pour l’ingénierie et les aides, avec recentralisation des effectifs d’agences comme Agence nationale de la cohésion des territoires, de rationaliser les structures (fusions, transferts, suppressions, mutualisation des fonctions support…) ou encore d’évaluer tous les cinq ans la pertinence du maintien de chaque agence et fixer par défaut une date d’extinction lors de leur création. La commission avertit toutefois que ces réorganisations n’apporteront pas d’économies massives et doivent viser avant tout une action publique plus lisible et plus efficace.

Le renforcement des pouvoirs des agents et des inspection générales par le législateur

La loi n° 2025-594 du 30 juin 2025 contre toutes les fraudes aux aides publiques vise à renforcer la prévention, la détection et la répression des fraudes aux aides publiques. Elle introduit plusieurs outils nouveaux tels que la possibilité pour les agents publics de suspendre temporairement le versement d’une aide en cas de soupçon de fraude, le renforcement des taux de pénalités administratives applicables en cas de fraude ou encore la facilitation du retrait ou du refus d’aides déjà accordées. Elle crée aussi un cadre juridique clair pour l’échange d’informations entre administrations (services fiscaux, inspection du travail, inspection des finances, police judiciaire, etc.) afin de mieux croiser les données et détecter les fraudes. Par ailleurs, la loi étend les pouvoirs de contrôle des inspections générales (finances, administration, affaires sociales, éducation) sur les organismes publics, parapublics ou privés bénéficiant de fonds publics. Elle prévoit un accès élargi aux documents, données et archives et possibilité d’astreintes en cas de refus de communication. Elle prévoit aussi des dispositifs de sanction administrative graduée (suspension d’agréments, publicité des sanctions, sanctions pécuniaires proportionnées au chiffre d’affaires, interdictions temporaires d’accès aux aides). La loi s’applique aussi à des secteurs spécifiques fortement subventionnés (formation professionnelle, transition énergétique, rénovation énergétique des logements), en encadrant strictement la sous-traitance, la qualification des opérateurs et leurs obligations de transparence, tout en permettant la suspension des paiements en cas de soupçon de fraude.

Une commission d’enquête sénatoriale appelle à se saisir d’urgence du levier économique que représente la commande publique

Le 8 juillet, la commission d’enquête sénatoriale sur les coûts et modalités effectives de la commande publique a rendu son rapport. Elle note que la commande publique est un levier économique majeur – avec un poids considérable de 400 Md€/an (14 % du PIB) surtout porté par les collectivités – mais mal piloté (absence de pilote national, compétences dispersées entre directions de l’État, cadre juridique complexe et instable perçu comme risqué par les élus locaux). Le rapport regrette que l’intégration des transformations écologique, sociale et numérique dans la commande publique soit en échec. En effet, il constate un faible respect des obligations environnementales (Loi Egalim, Loi Agec, Loi Climat et Résilience), une forte hétérogénéité de professionnalisation et des défaillances emblématiques de l’État (carte d’identité électronique excluant les PME françaises ; dépendance aux solutions étrangères (ex. Health Data Hub confié à Microsoft). Le rapport regrette également que le cadre européen soit inadapté et qu’il ne favorise ni l’innovation ni l’accèdes des PME aux marchés publics. Enfin, le rapport met en lumière certaines difficultés systémiques telle que la complexité procédurale et les délais/retards de paiement qui dissuadent les entreprises, ou encore des acheteurs peu formés, dépendants d’AMO, paralysés par la peur du risque pénal. Face à ce constat, la commission préconise de renforcer le pilotage stratégique de la commande publique, d’accélérer les transitons, de professionnaliser les acheteurs, d’assurer la souveraineté numérique ou encore de refonder le cadre européen.

->Transitions

Le Haut conseil pour le climat dresse un constat sévère sur l’action climatique de l’État

Le 7 juillet, le Haut conseil pour le climat (HCC) a mis en ligne son rapport annuel intitulé « Relancer l’action climatique face à l’aggravation des impacts et à l’affaiblissement du pilotage ». Il constate que le réchauffement s’accélère et que ses effets s’amplifient, rendant urgente une adaptation renforcée. Il souligne le rôle central des territoires dans l’action climatique qui ont été progressivement intégrés aux stratégies nationales depuis les années 2000 et disposent aujourd’hui de compétences clés en matière d’atténuation et d’adaptation. Le HCC rappelle que leur mobilisation est indispensable pour atteindre la neutralité carbone. Le rapport déplore la complexité du pilotage de l’action climatique de l’État et la fragmentation de l’architecture actuelle de planification (SNBC, PNACC, PPE, SFEC, Sraddet, PCAET, CRTE…). Le HCC regrette un foisonnement de documents, des financements éclatés ou encore des diagnostics lacunaires. Cette situation nuit à l’efficacité de l’action locale et à l’adaptation, notamment face aux risques côtiers. Le HCC appelle à une rationalisation des outils et annonce une évaluation globale de la territorialisation de l’action climatique, rendue obligatoire tous les trois ans par la Loi climat et résilience de 2021. Le rapport pointe aussi le retard du cadre d’action climatique national (lenteur de publication de la SNBC 3 et de la PPE 3, absence de trajectoires financières claires, articulation insuffisante entre fiscalité énergétique et objectifs climatiques, manque de planification pour sortir des énergies fossiles ou développer les renouvelables thermiques). Aussi, le HCC propose d’élaborer une stratégie pluriannuelle de financement (SPAFTE), de renforcer les dispositifs de suivi (SGPE, DGEC, territoires) et de mettre en place un plan de lutte contre la désinformation climatique. Il appelle à consolider le cadre d’action climatique pour rendre cohérentes les politiques nationales et territoriales, garantir leur financement et assurer une transition bas-carbone socialement juste et efficace.

Le regard contrasté de la Cour des comptes sur la consommation d’énergie de l’État

Le 22 juillet, la Cour des comptes a publié un rapport sur la consommation d’énergie de l’État intitulé « La consommation d’énergie de l’État : des objectifs ambitieux, un suivi à fiabiliser ». Engagée dans une trajectoire de sobriété énergétique et de décarbonation, la France vise une réduction de 40 % des émissions de gaz à effet de serre d’ici 2030. La Cour note qu’entre 2018 et 2024, les dépenses énergétiques de l’État ont augmenté de 24 % (1,365 Md€ à 1,694 Md€), avec un pic en 2023 (2,226 Md€), principalement en raison de l’envolée des prix de l’énergie. Toutefois, les volumes consommés dans les bâtiments de l’État auraient baissé de 14 % entre 2018 et 2023 (-24 % pour le gaz, -32 % pour fioul, -6 % pour l’électricité). La consommation de carburants (concentrée à 95 % au ministère des Armées) est restée globalement stable. Les magistrats saluent également le verdissement du mix énergétique de l’État, marqué par une baisse du gaz au profit de réseaux de chaleur et de froid. Cependant, la Cour note également une grande hétérogénéité ministérielle avec une baisse marquée au ministère de l’Économie et des Finances (réduction des surfaces et effectifs), une baisse sensible au ministère de l’Intérieur malgré hausse d’effectifs, une baisse limitée au ministère de la Justice et une baisse notable au ministère des Armées. Le Cour fustige également la faiblesse du pilotage de l’État en ma matière marqué par des données en volume peu fiables, un faible déploiement des outils de suivi, la formation insuffisante des gestionnaires énergie. Plus globalement, elle doute de la capacité de l’État à atteindre ses objectifs (-22 % en 2027, -40 % en 2030). Dans ce cadre, la Cour des comptes émet plusieurs recommandations tels que former des gestionnaires énergie dans chaque administration, clarifier et stabiliser les objectifs de sobriété et de décarbonation, confirmer le rôle de chef de file du Commissariat général au développement durable (CGDD) et renforcer la mobilisation interministérielle. En matière de pilotage, elle appelle également à fiabiliser les données (alimentation automatique de l’OSFI, harmonisation des points de livraison, rapprochement données volumes/prix, cohérence avec la comptabilité) et à achever le déploiement des outils de suivi (OSFI, ODRIVE, État bas carbone).

FISCALITé EUROPéENNE ET INTERNATIONAL
->Fiscalité européenne

TVA : adoption des nouvelles règles à l’importation

Le 18 juillet, le Conseil adopte formellement les nouvelles règles simplifiant la perception de la taxe à l’importation en permettant aux fournisseurs établis en dehors de l’UE à utiliser le guichet unique pour les importations (IOSS) pour la déclaration et la perception de la TVA.

->Relations multilatérales

« Accord » commercial entre l’Union européenne et les États-Unis sur les droits de douane

Le 27 juillet, malgré le rappel des moyens européens de rétorsion en cas de guerre commerciale, la Commission européenne a signé avec l’administration Trump un accord commercial acceptant, sans mesure de réciprocité, des droits de douane de principe à 15 % sur les produits européens importés aux États-Unis. Sans en avoir la compétence, elle s’est aussi engagée, pour compenser l’excèdent commercial européen, à ce que l’Union européenne achète 750 Md$ d’achats d’énergie et opère 600 Md$ d’investissements supplémentaires aux États-Unis, contreparties bien vagues. Comme l’explique la Commission, il s’agit avant tout d’éviter les droits plus importants dont les produits de l’Union étaient menacés. Contrairement à l’Italie ou à l’Allemagne, États craignant davantage une guerre commerciale avec les États-Unis, où l’industrie pèse encore environ 20 % de leur richesse nationale, les autorités françaises ont réagi de façon critique.

->Fiscalité internationale

Travaux de l’OCDE en matière de fiscalité

Le 2 juillet, l’OCDE a publié son rapport annuel « Inspecteurs des impôts sans frontières » consacré à « Dix ans d’assistance pratique aux pays en développement ». Le 17 juillet, l’OCDE et le Forum mondial ont publié leur rapport à l’intention des ministres des Finances et des gouverneurs de banque centrale du G20, dressant le bilan des progrès réalisés en matière de transparence et d’échange de renseignements à des fins fiscales.

->Monnaies

La Fed maintient ses taux malgré les critiques

Le 30 juillet, en raison des tensions inflationnistes, malgré les mauvais chiffres de l’emploi et les insultes répétées du président américain à l’égard de son président Jérôme Powell, la Fed a maintenu ses taux d’intérêts. Fait notable, deux membres du comité de politique monétaire, nommés par Donald Trump, se sont désolidarisé de cette décision.

FINANCES PUBLIQUES EUROPEENNES
Politique européenne

Le financement de la défense européenne

Le Conseil « Ecofin » du 18 juillet a été appelé à approuver les recommandations de la Commission autorisant 15 États membres (Belgique, Bulgarie, Croatie, Danemark, Estonie, Finlande, Grèce, Hongrie, Lettonie, Lituanie, Pologne, Portugal, République tchèque, Slovénie et Slovaquie) à activer la clause dérogatoire du Pacte de stabilité et de croissance afin de pouvoir dévier de leur trajectoire budgétaire nationale à hauteur maximale de 1,5% de leur PIB chaque année sur la période 2025-2028. L’Allemagne souhaite également activer cette clause mais doit encore présenter un projet de budget et une trajectoire budgétaire pluriannuelle. L’activation de cette clause, introduite lors de la révision des règles budgétaires en 2024, est possible en cas de circonstances exceptionnelles hors du contrôle de l’État membre concerné. En l’espèce, ces circonstances exceptionnelles résultent de la nécessité de réarmer les États membres face à la menace russe et aux conséquences d’un désengagement américain en Ukraine. La déviation de trajectoire ne devra pas avoir pour effet de mettre en cause la soutenabilité budgétaire à moyen terme (v. Repères, juin 2025). Les prêts européens que les États membres solliciteront dans le cadre de l’instrument SAFE (doté de 150 Md€) seront pris en compte dans le calcul de la déviation budgétaire plafonnée à 1,5 % du PIB national. Selon la Commission européenne, 18 États membres (Belgique, Bulgarie Chypre, Croatie, Espagne, Finlande, France, Grèce, Hongrie, Italie, Lettonie, Lituanie, Pologne, Portugal, République tchèque, Roumanie, Slovénie et Slovaquie) ont officiellement fait appel, le 29 juillet, aux prêts de l’instrument SAFE. Les demandes cumulées représenteraient d’ores et déjà 127 Md€ pour une dotation qui est plafonnée à 150 Md€. D’autres demandes pourraient être présentées, notamment par le Danemark.

Les priorités de la présidence danoise du Conseil de l’Union européenne

Le Danemark a pris, le 1er juillet, la présidence du Conseil de l’Union européenne pour une période de six mois. Il entend articuler ses priorités autour du thème d’une « Europe forte dans un monde en changement ». Sa dernière présidence remontait au premier semestre 2012. Chypre lui succédera à compter du 1er janvier 2026. La présidence danoise se déploiera autour de deux piliers : « une Europe sûre : autonomie stratégique, défense et résilience démocratique » ; une « Europe verte et compétitive : concilier transition et croissance durable ». Dans le domaine de la défense, le Danemark souhaite renforcer la capacité de l’UE à assurer sa propre sécurité en renforçant l’industrie européenne de défense. Cette priorité se traduira en particulier dans la mise en œuvre et l’accélération du plan Réarmer l’Europe (qui prévoit 800 Md€ pour moderniser la défense européenne d’ici 2030) et une coopération accrue avec l’OTAN. La présidence danoise entend par ailleurs renforcer la compétitivité de l’UE tout en poursuivant les objectifs climatiques et de durabilité. Cette priorité, qui fait écho aux conclusions du rapport de Mario Draghi, animera les négociations sur le CFP post-2027, que la nouvelle présidence devra conduire. Elle posera en particulier la question de l’allègement des charges et des entreprises et de la mise en place d’une Union de l’épargne et de l’investissement destinée à mobiliser davantage les capitaux privés.

->Budget européen

Le cadre financier pluriannuel post-2027

Le 16 juillet, la Commission européenne a présenté sa proposition de cadre financier pluriannuel (CFP) post-2027 (v. Repères, juin 2025). Le budget pluriannuel atteindrait 2 000 Md€ sur la période 2028-2034 (1,26% du revenu national brut – RNB – européen) contre 1 270 Md€ pour la période 2021-2027. Il convient toutefois de rappeler que le précédent CFP avait été complété par le plan de relance Next Generation EU à hauteur de plus de 800 Md€. La Commission européenne propose donc de pérenniser ce soutien exceptionnel en l’agglomérant dans le prochain CFP.

Animée d’un souci de simplification, la Commission propose la mise en place de plans de partenariats régionaux et nationaux. Ces plans seraient conçus « sur mesure » pour chaque État ou région. Ils se substitueraient à une dizaine de fonds jugés redondants. Selon la Commission, ils rendraient les aides européennes plus puissantes et plus lisibles. Ils pourraient représenter jusqu’à la moitié du budget (soit 1 000 Md€) avec un plancher fixé à 800 Md€. Cette proposition est déjà contestée car elle est assimilée par beaucoup à une forme de renationalisation de l’action européenne.

De manière très originale, la Commission propose également de centraliser dans une même enveloppe les fonds de la politique agricole commune (PAC) et de la politique de cohésion, qui constituent historiquement les deux principaux postes de dépenses du budget européen. Le soutien à l’agriculture atteindrait 300 Md€ contre 387 Md€ entre 2021 et 2027 (dont 270 Md€ d’aides directes aux agriculteurs). La Commission entend mieux cibler les aides en visant prioritairement les jeunes et les nouveaux exploitants, tout en prévoyant plus de souplesse. Les fonds attribués à la cohésion devraient représenter 450 Md€.

Par ailleurs, la compétitivité est au cœur de la proposition de la Commission, dans la suite des conclusions du rapport présenté par Mario Draghi. Un nouveau fonds européen de compétitivité serait doté de 409 Md€ pour soutenir plusieurs priorités, notamment la défense (130 Md€), le programme-cadre de recherche et d’innovation Horizon Europe dont le montant serait doublé (175 Md€), le financement des infrastructures énergétiques dont les moyens seraient multipliés par cinq. En outre, les États membres pourraient recourir à des prêts garantis pour financer les objectifs européens, en particulier dans le domaine de la défense et des infrastructures énergétiques. Un instrument « Europe mondiale » serait doté de 200 Md€. Consacré à l’action extérieure de l’UE, il permettrait en particulier de soutenir les États candidats à l’adhésion. Une réserve de 15 Md€ serait destinée à financer les crises et les besoins imprévus. Une autre réserve de 100 Md€ serait dédiée au soutien à l’Ukraine.

L’exécution du prochain CFP sera marquée par les remboursements de l’emprunt européen contracté pour le financement du plan de relance Next Generation EU. Ce remboursement débutera en 2028 pour s’achever en 2058. La Commission propose de prévoir un montant annuel de 24 Md€ en prix courants. Cette contrainte pose avec acuité la question de l’identification de nouvelles ressources propres, surtout dans un contexte où les États membres demeurent toujours très réticents à une augmentation de leurs contributions budgétaires. Dans sa proposition, la Commission envisage de nouvelles sources de financement à hauteur de 58 Md€. Une contribution forfaitaire annuelle serait en particulier imposée aux grandes entreprises, dont le chiffre d’affaires net est supérieur à 100 M€. Cette contribution serait proportionnelle au chiffre d’affaires réalisé.

La proposition présentée par la Commission européenne inaugure un cycle de négociations intenses entre les États membres, qui devrait s’étaler sur les deux prochaines années, en vue d’un arbitrage par le Conseil européen, c’est à dire la réunion des Chefs d’État et de gouvernement, et d’un vote par le Parlement européen qui essaiera de faire prendre en compte certaines de ses priorités comme préalable à son approbation du budget pluriannuel. La France et l’Allemagne ont annoncé la mise en place d’un groupe de travail conjoint qui devrait permettre de souligner les points de convergence entre les deux États. Par ailleurs, 14 États membres (Bulgarie, Croatie, Espagne, Grèce, Hongrie, Italie, Lettonie, Lituanie, Pologne, Portugal, République tchèque, Roumanie, Slovénie et Slovaquie) ont plaidé pour le maintien d’une politique de cohésion dotée d’un budget « distinct et robuste », indispensable à leurs yeux pour préserver l’unité à long terme, la compétitivité et la convergence entre les régions de l’UE…

Le soutien financier de l’Union européenne à l’Ukraine

La présidente de la Commission européenne, Ursula Von der Leyen, a annoncé, le 10 juillet, un nouveau soutien de l’UE à l’Ukraine à hauteur de 2,3 Md€ afin d’appuyer les efforts de redressement et de reconstruction du pays. Ce soutien comprendra 1,8 Md€ de garanties de prêt et 580 M€ de subventions. L’UE envisage également de lancer un fonds phare européen pour la reconstruction de l’Ukraine qui serait doté de 220 M€ afin d’attirer les investissements privés, notamment dans l’énergie et les transports, avec l’ambition de mobiliser jusqu’à 500 M€ d’ici 2026. Dans le même temps, l’UE entend rester vigilante sur le processus de réforme conduit en Ukraine. Les aides qu’elle verse sont en effet conditionnée à la mise en œuvre de réformes liées à l’État de droit. C’est ainsi qu’une enveloppe de 4,5 Md€ était conditionnée à l’application de réformes. Face au retard accumulé par l’Ukraine pour trois de ces réformes, une mesure de gel risquait de concerner environ 1,5 Md€ d’aide européenne.

->Euro

L’entrée de la Bulgarie dans la zone euro (suite)

Le 8 juillet, le Conseil de l’UE a finalisé la procédure d’adhésion de la Bulgarie à la zone euro à compter de janvier 2026 (v. Repères, juin 2025). Il a notamment arrêté définitivement le taux de conversion entre l’euro et le lev bulgare à hauteur de 1,95583 lev pour 1 euro. Ce taux correspond au taux central actuel du lev bulgare dans le mécanisme de change européen. En 2026, la zone euro comprendra ainsi 21 États membres. Le ministre bulgare des finances participera désormais aux travaux du Mécanisme européen de stabilité (MES) en qualité d’observateur avant d’en devenir membre à part entière en 2026.

Les priorités stratégiques de la Banque centrale européenne (BCE)

Le Conseil des gouverneurs de la BCE a actualisé, fin juin, sa stratégie de politique monétaire. Cette stratégie permet au Conseil des gouverneurs de réagir efficacement aux changements majeurs de l’environnement de l’inflation. Or le Conseil met en avant des transformations structurelles qui laissent penser que l’environnement de l’inflation sera plus volatil, avec des écarts plus importants par rapport à l’objectif d’inflation symétrique de 2 %. Sont visés en particulier la fragmentation géopolitique et économique, l’utilisation croissante de l’intelligence artificielle, l’évolution démographique et la menace pesant sur la soutenabilité environnementale. Dans ce contexte, des mesures de politique monétaire adéquates doivent contribuer à éviter le désancrage des anticipations d’inflation et la fixation des écarts de l’inflation par rapport à l’objectif. L’ensemble des instruments de politique monétaire dont dispose le Conseil des gouverneurs demeureront. Leur utilisation continuera d’être soumise à une évaluation exhaustive de la proportionnalité. Une flexibilité devra permettre de répondre de manière souple aux évolutions de l’environnement de l’inflation. La BCE indique que, dans ses décisions de politique monétaire, le Conseil des gouverneurs tient compte non seulement de la trajectoire la plus probable de l’inflation mais également des risques et incertitudes qui l’entourent, notamment par le biais de l’utilisation appropriée d’analyses de scénarios et de sensibilité. La BCE entend évaluer à intervalles réguliers la pertinence de sa stratégie de politique monétaire. Elle devrait conduire sa prochaine évaluation en 2030.

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Aurélien BAUDU (Fiscalité et procédure fiscale – Coordination)

Fabrice BIN (International et Fiscalité européenne)

Florent GAULLIER-CAMUS (Budget de l’État et opérateurs – Comptabilité publique)

Léonard GOURBIER (Management public)

Matthieu HOUSER (Finances locales)

Philippe DELIVET (Finances publiques européennes)

Yves TERRASSE (Finances sociales)