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VIVE L’IMPÔT !

Le dogme macronien de la stabilité des prélèvements obligatoires a été rompu lors de la difficile élaboration du budget 2025. Il est apparu que l’effort d’assainissement des finances publiques devait reposer à la fois sur la maîtrise des dépenses publiques et sur un supplément de recettes fiscales. Au cours de l’année 2024, un véritable « concours Lépine » de la fiscalité a vu émerger de multiples propositions : le gel du barème de l’impôt sur le revenu, la hausse de la contribution sur la rente infra-marginale des producteurs d’électricité, la taxation des rachats d’action, la limitation du crédit impôt-recherche, l’aggravation de la progressivité de la CSG, la taxation des super-profits et des super-patrimoines… Michel Barnier a prudemment proposé de « renforcer la justice fiscale », ce qui résonne mieux aux oreilles des contribuables que « augmenter les impôts ».

Mais le levier fiscal rencontre plusieurs limites : le taux élevé des prélèvements obligatoires en France par rapport aux autres pays européens (qui ne s’explique que partiellement par les spécificités du modèle social), la complexité croissante du système fiscal (notamment des impôts locaux) et, surtout, l’érosion du consentement à l’impôt. Michel Bouvier a montré que le contribuable se considère de plus en plus comme un consommateur de services publics et de moins en moins comme un citoyen1. La conception de l’impôt-solidarité rencontre moins d’adhésion. Le contribuable moyen « en veut pour son argent » et veut « faire payer les riches » (c’est-à-dire les plus riches que lui).

Le plus récent sondage sur le sujet montre que 68 % des personnes interrogées ont le sentiment erroné que leurs impôts ont augmenté et que 80 % ignorent le taux marginal d’imposition de leurs revenus2. Les débats techniques pour concilier au mieux les objectifs budgétaires, économiques et sociaux du système fiscal sont bien entendu justifiés. Mais, pour restaurer la citoyenneté fiscale, il faut aller au-delà et clarifier les enjeux.

Cette explicitation de la politique fiscale serait aussi une invitation à réfléchir au rôle de l’État et à la conception de la solidarité au sein de la société. Voici quelques orientations à moyen terme qui pourraient renforcer le consentement fiscal :

– afficher une détermination sans faille pour lutter contre la fraude et l’optimisation fiscale ;

– affecter les recettes de la fiscalité écologique au financement de la transition écologique dans une optique de justice sociale ;

– clarifier les transferts financiers entre l’État et les collectivités locales et attribuer une part importante des recettes en relation avec les compétences de chaque niveau des collectivités (les impôts fonciers au bloc communal ; la CSG aux départements ; les impôts économiques aux régions…) ;

– élargir le financement du modèle social en fonction de la distinction entre les prestations de solidarité qui relèvent d’un financement par l’impôt et les prestations assurantielles liées aux revenus professionnels ;

– clarifier les options de financement des retraites (répartition, capitalisation) qui, à une période donnée, sont en fait toujours effectivement payées par les actifs ;

– préciser les conséquences de l’explosion de la dette qui est moins un report de remboursement du capital sur les générations futures qu’une ponction budgétaire immédiate pour payer les intérêts ;

– faire des efforts de pédagogie, de transparence, de consultation, voire de participation en matière budgétaire et fiscale.

Vive l’impôt !

MLC

1 Michel Bouvier, L’impôt sans le citoyen, le consentement à l’impôt, un enjeu crucial pour la démocratie, LGDJ,2019

2 Sondage Opinion Way pour Les Echos et Le Conservateur, publié le 25 février 2015.