repere_2024

REPÈRES (JANVIER 2024) – REVUE-GFP N°2 – 2024

BUDGET DE L’ÉTAT ET DES OPÉRATEURS
->Données générales sur les finances publiques

Le PIB reste globalement stable au quatrième trimestre 2023

Dans une note publiée le 30 janvier 2024, l’INSEE indique que le PIB est stable au quatrième trimestre 2023. En moyenne sur l’année 2023, le PIB augmente de 0,9 % (après +2,5 % en 2022 et +6,4 % en 2021). Cette croissance annuelle provient surtout de la forte hausse au deuxième trimestre 2023, l’activité ayant été stable sur le reste de l’année.

En janvier 2024, les prix à la consommation augmentent de 3,1 % sur un an

Dans une note publiée le 31 janvier 2024, l’INSEE précise que sur un an, selon l’estimation provisoire réalisée en fin de mois, les prix à la consommation augmenteraient de +3,1 % en janvier 2024, après +3,7 % en décembre. Cette baisse de l’inflation serait due au ralentissement sur un an des prix de l’énergie, de l’alimentation et des produits manufacturés. À l’inverse, les prix des services et du tabac accéléreraient.

Sur un mois, les prix à la consommation se replieraient légèrement en janvier 2024 ( 0,2 % après +0,1 % en décembre). Cette baisse serait due à celle des prix des produits manufacturés, notamment ceux de l’habillement et des chaussures. Les prix du tabac seraient en forte hausse, tandis que ceux de l’alimentation, des services et de l’énergie augmenteraient légèrement sur un mois.

Interview du Gouverneur de la Banque de France

François Villeroy de Galhau, Gouverneur de la Banque de France, était l’invité du journal La Tribune ce dimanche 28 janvier 2024. Interrogé sur un certain nombre de sujets, le Gouverneur est revenu sur l’endettement public et le déficit budgétaire. Selon lui, « il est désormais important de fixer un cap dans la durée : moins de dette et plus d’emplois ». Son analyse est pragmatique : « il y a un peu plus de quarante ans, la dette française représentait 20  % du PIB. C’est aujourd’hui 112  %. Nous transmettons à nos enfants et aux jeunes la facture ! ». Le Gouverneur invite en conséquence à sortir des boucliers tarifaires, puisque les prix de l’énergie ont baissé. Il reconnaît néanmoins que la décision du Gouvernement d’augmenter le tarif de l’électricité au 1er février n’était pas facile, mais qu’elle est nécessaire et compatible avec la baisse de l’inflation. Sur l’objectif de ramener le déficit budgétaire en dessous de 3 % en 2027 il estime qu’il s’agit d’un minimum pour enfin stabiliser la dette. François Villeroy de Galhau constate que la France a présenté un programme pluriannuel pour y parvenir et qu’il serait particulièrement bienvenu que cette fois les engagements prévus soient respectés. Le Gouverneur d’ajouter : « le modèle social de nos voisins européens est semblable au nôtre, mais ils y réussissent en dépensant moins. Regardons ce qui fonctionne le mieux ailleurs pour nous en inspirer ».

->Procédure budgétaire

Réunions techniques et lancement de la procédure budgétaire pour 2025

Par une circulaire datée du 16 janvier 2024 relative au lancement de la procédure budgétaire pour 2025, la direction du budget adresse aux ministères des informations destinées à lancer les premières réunions techniques qui se dérouleront jusqu’au 1er mars dans le cadre de la procédure d’élaboration du projet de loi de finances pour 2025. Les travaux d’élaboration de ce projet s’inscrivent dans la trajectoire pluriannuelle définie par la loi de programmation des finances publiques 2023-2027. La circulaire indique à ce titre que le plafond du périmètre des dépenses devra être respecté, ce qui implique de réaliser 6 Md€ d’économies.

La circulaire attire notamment l’attention sur le sujet de la mobilisation des fonds européens. Les ministères sont invités à prioriser le financement de mesures nouvelles par des fonds européens plutôt que des crédits nationaux dès que cela est possible. Le document invite également les gestionnaires concernés à dresser le bilan des engagements réalisés dans le cadre de la mission « Plan de relance » et d’examiner le cas échéant les conditions de reprise des trop-versés.

COMPTABILITÉ PUBLIQUE
->Responsabilité des gestionnaires publics

Premier arrêt de la Cour d’appel financière

Le 12 janvier 2024, la Cour d’appel financière a rendu son premier arrêt sur l’appel que le procureur général avait formé contre le jugement de la chambre du contentieux de la Cour des comptes « Société Alpexpo » du 11 mai 2023 (v. Repères de déc. 2023). Sur les deux points contestés par le ministère public, le juge d’appel a confirmé la solution que la chambre du contentieux avait donnée à l’affaire, tout en en précisant la portée. La Cour a estimé, en premier lieu, qu’est nouvelle l’infraction d’octroi d’avantages injustifiés à soi-même créée par l’ordonnance du 23 mars 2022 et qu’elle ne peut dès lors, en application du principe de la non-rétroactivité de la loi répressive (art. 8 de la Déclaration des droits de 1789), s’appliquer à des faits antérieurs au 1er janvier 2023, date d’entrée en vigueur de ladite ordonnance. Il a donc été jugé, comme en première instance, que la directrice de fait d’Alpexpo ne pouvait pas être sanctionnée sur le fondement de cette infraction.

La Cour d’appel financière a, en second lieu, précisé la notion de « préjudice financier significatif », nouvelle condition posée par l’ordonnance du 23 mars 2022 pour sanctionner les gestionnaires publics qui enfreignent les règles d’exécution des recettes et des dépenses ou de gestion des biens. Elle a indiqué que l’ordre de grandeur de ce préjudice doit pouvoir, d’une part, être évalué avec une précision suffisante et, d’autre part, être apprécié au regard d’éléments financiers pertinents, qui peuvent différer selon le régime juridique et comptable de chaque entité ou service concerné. Elle a estimé qu’au cas d’espèce, le préjudice allégué n’était pas significatif au regard des éléments financiers ressortant des comptes annuels de la société, tels qu’attestés par les rapports du commissaire aux comptes. Sans se prononcer sur la réalité et la gravité des fautes alléguées des présidents-directeurs généraux successifs de la société Alpexpo, elle a donc confirmé leur relaxe.

FINANCES LOCALES
->Données générales sur les finances locales

Situation mensuelle comptable des collectivités locales (SMCL)

Cette situation comptable, la dernière de l’année, permet d’avoir une première vision de la situation financière des collectivités fin 2023. La santé financière apparaît dégradée par rapport à 2022 avec un effet ciseaux assez net lié à des recettes de fonctionnement qui augmentent de +3 %, soit +6,1 Md€ sur l’année et des dépenses de fonctionnement, qui sont en hausse de +5,9 %, soit +10,4 Md€.

Ce constat s’explique par les éléments suivants : frais de personnel (+4,9 %), achats et charges externes (+8,4 %, €) ou encore des aides à la personne (+3,8 %, soit +0,8). Dans le même temps, la politique d’investissement se poursuit avec une hausse pour toutes les strates de collectivités : +7,6 % pour le bloc communal +5,8 % pour les régions et +2,8 % pour les départements.

Il est donc normal dans ce contexte que la trésorerie des collectivités locales baisse, elle passe de 2022 (56,9 Md€) à 51,8 Md€ à fin décembre 2023.

->Secteur public local

Circulaire fonds d’accélération de la transition écologique dans les territoires pour 2024

Dans une circulaire parue le 28 décembre 2023, le Gouvernement détaille les évolutions pour 2024. D’un point de vue technique, les préfets devront s’appuyer sur les demandes déjà formulées au titre de la DSIL ou de la DETR. L’un des innovations pour 2024 réside dans la volonté de mieux accompagner les EPCI et régions dans la démarche de transition écologique avec la prise en compte des plans climat-air-énergie territoriaux (PCAET) par les EPCI. Une enveloppe spéciale de 250 M€ est dédiée à cet objectif. Les préfets de régions demeurent les acteurs clef de la mise en place de ce fonds. Dans tous les cas, les préfets sont invités à s’interroger sur l’effet levier des projets envisagés. En matière de la politique de la ville, chaque projet présenté devra comporter au moins 15 % des crédits du fonds vert.

Comité d’évaluation du plan France Relance – Rapport final

Dans ce rapport, France Relance examine en profondeur les crédits et les politiques mises en place dans l’après-covid-19. Les collectivités territoriales ont été impactées sur la fiscalité locale. La suppression de la part régionale de la CVAE et la réforme partielle de la CFE ont abouti à des pertes de recettes fiscales estimées sur 2021-2022 à 14,8 Md€ pour la CVAE, 3,5 Md€ pour la TFPB et 4 Md€ pour la CFE soit un montant total de l’ordre de 22 Md€. Pour ce rapport, cette mesure a été efficace, « le ciblage constaté dans l’analyse des données suggère que la réforme permet de renforcer la compétitivité des entreprises françaises ». Le point du plan de relance concerne la rénovation des bâtiments publics estimée à 4 Md€. Pour ce rapport, « avec une moyenne de 14 euros par habitant, les projets sont, globalement, bien répartis ».

FINANCES SOCIALES
->Situation des comptes sociaux

Rapport du Haut Conseil pour le financement de la protection sociale

Le Haut Conseil pour le financement de la protection sociale a publié une note sur l’état des lieux du financement de la protection sociale à la fin de 2023. Le Haut conseil souligne d’abord le net redressement des comptes des régimes obligatoires de base et du FSV en 2023, dont le déficit devrait s’établir à -8,7 Md€ du fait de la hausse de la masse salariale et de la fin des mesures exceptionnelles liées à la crise sanitaire. Mais il relève que l’année 2024 va marquer un coup d’arrêt dans cette amélioration puisque le déficit va remonter à -10,5 Md€, à cause de mesures de redressement peu ambitieuses en LFSS (-1,6 Md€ contre -4,4 Md€ en moyenne sur la période 2016-2020) ; cette dégradation se poursuivrait les années suivantes, du fait du déficit croissant des régimes de retraite (la réforme d’avril 2023 n’opérant qu’une correction partielle à hauteur de 6 Md€ d’amélioration en 2027) et de la situation de plus en plus préoccupante de la CNRACL. En revanche, la note souligne le retour à bonne fortune de l’UNEDIC en raison de la réforme des règles d’indemnisation intervenue en 2022, ainsi que la bonne tenue des comptes des régimes complémentaires de retraite. Le Haut Conseil marque son inquiétude sur les perspectives d’évolution des recettes du Régime général à cause du risque de ralentissement de la croissance et de la baisse de la productivité du travail, ainsi que de la difficulté à maîtriser les dépenses de santé du fait du vieillissement de la population. S’agissant enfin de la dette sociale, si le Haut conseil note que l’impact de la hausse des taux d’intérêt sera moindre pour les administrations de Sécurité sociale que pour l’État, il relève que la reconstitution rapide de la dette sociale rendra peu crédible la perspective d’extinction de la CADES en 2033 sans mesures supplémentaires importantes, une question en suspens étant celle de l’avenir des exonérations de cotisations, notamment celles du « bandeau famille » dont l’effet sur l’emploi a été en débat lors de l’examen du PLFSS 2024 (v. Repères de sept. 2023).

Conférence de presse du Président de la République et déclaration de politique générale du Premier Ministre

Le changement de gouvernement intervenu au début janvier 2024 a été l’occasion de donner un éclairage sur les orientations des politiques sociales qui seront mises en œuvre d’ici la fin du quinquennat, le travail et l’emploi restant la priorité majeure. Dans ces domaines, lors de sa conférence de presse du 16 janvier, le Président de la République a mis notamment l’accent sur la reconnaissance du travail qui doit payer mieux que l’inactivité, sur l’incitation forte à la reprise d’activité par la poursuite de la réforme de l’Assurance chômage, sur l’accès aux soins, et, priorité nouvelle, sur la relance de la natalité. Dans sa déclaration de politique générale du 30 janvier, le nouveau Premier Ministre, Gabriel Attal, a fait des annonces dans trois domaines. Premièrement, sur la question des bas salaires, en se prononçant pour la « désmicardisation », et en mettant la pression sur les professions qui n’ont pas encore revu leurs accords de branche. Deuxièmement, sur l’incitation à la reprise d’activité (pour mettre fin aux « trappes à inactivité »), en demandant aux partenaires sociaux d’aller plus loin dans la réforme de l’Assurance chômage de façon à prendre en compte le décalage de 2 ans des bornes de durée d’indemnisation du fait de la réforme des retraites, ainsi qu’en annonçant la suppression de l’Allocation spéciale de solidarité (1,65 Md€ en 2024) attribuée aux chômeurs en fin de droits, et son basculement dans le RSA rénové (voir ci-dessous). Troisièmement, en matière de santé, en se prononçant pour la régularisation de la situation des médecins étrangers hors UE, l’obligation pour les départements de se doter d’un « service d’accès aux soins » (avec, à défaut, la menace d’instaurer une obligation de garde pour les médecins libéraux) et, enfin, la mise en en œuvre d’une pénalité pour les rendez-vous médicaux non honorés (« taxe lapin »).

->Politiques d’allègement des charges et coût du travail

La « prime Macron » poursuit sur sa lancée

Selon des informations publiées dans Les Échos, les résultats de la distribution de la « prime Macron » (devenue « Prime de partage de la valeur » en 2023) devraient être au moins aussi bons en 2023 qu’en 2022, année durant laquelle 4,7 millions de salariés en avaient bénéficié. Cette tendance pourrait s’infléchir cette année, avec, depuis le 1er janvier 2024, la limitation du bénéfice de l’exonération fiscale et sociale de la prime aux seules entreprises de moins de 50 salariés, et, ce, jusqu’au 31 décembre 2026 ; la contrepartie de cet avantage sera l’obligation de mettre en place un mécanisme de redistribution des profits, sous forme soit de la participation soit de l’intéressement fondé sur les performances collectives.

->Formation professionnelle

Coup de frein sur l’apprentissage en 2023

Selon des informations publiées dans Les Échos, l’apprentissage a marqué un coup de frein en 2023. Le nombre de nouveaux contrats signés aura été de 860 000, soit une progression annuelle de +2,9 % après + 14,2 % en 2022, cela alors même que la prime à l’embauche a été maintenue à 6000€. Les entrées en apprentissage comptent pour un tiers dans le total des créations d’emploi, mais elles souffrent du ralentissement général des embauches constaté depuis plusieurs mois. Dans ces conditions, l’objectif d’un million d’entrées annuelles en apprentissage en 2027 que s’était fixé le Gouvernement paraît à présent difficile à atteindre.

->Dépenses de santé/hôpital/assurance maladie

Rapport de l’OCDE sur la soutenabilité des dépenses de santé

Une publication de l’OCDE fait le bilan, depuis 2000, de l’évolution des dépenses de santé, dont la part dans le PIB, pour l’ensemble des pays membres, est passée de 7 % du PIB à près de 9 % en 2019 (le ratio pour la France est de 12 %) ; cette croissance est due à l’évolution des revenus, au vieillissement de la population et à l’innovation technologique dans le domaine médical. L’OCDE appelle l’attention sur le fait que cette proportion pourrait globalement atteindre 12,4% en 2040, avec un rythme de progression supérieur à celui prévu pour les économies et les recettes publiques, ce qui va poser des problèmes de soutenabilité budgétaire, surtout si se reproduisent des chocs de l’ampleur de celui de la pandémie de la Covid-19. Face à ce défi, l’OCDE envisage plusieurs options assez « classiques », une proposant une révision de la frontière entre dépense de santé publique et dépense de santé privée, une autre la recherche de gains d’efficience prenant notamment en compte la transformation numérique et l’intelligence artificielle, ces mesures pouvant permettre d’espérer limiter la part des dépenses de santé dans les PIB à 10,6% en 2040 ; l’Organisation assortit ces perspectives de recommandations de bonnes pratiques budgétaires, fondées sur la programmation à moyen terme et l’évaluation.

Mise en œuvre du doublement des franchises médicales

Un communiqué du Gouvernement a confirmé le 22 janvier le doublement, entre mars et juin de cette année, des franchises à la charge des patients sur les consultations médicales, la délivrance des boîtes de médicaments et les transports sanitaires. La mise en œuvre de cette mesure, évoquée depuis l’été dernier, avait été à plusieurs reprises reculée par le Gouvernement Borne. Les pouvoirs publics en escomptent 800 M€ sur les 6 Md€ d’économies qui seront nécessaires pour tenir les objectifs de dépenses de la LFSS pour 2024.

->Retraites

La crise agricole et les retraites des agriculteurs

La question des retraites des exploitants agricoles a été une des revendications majeures lors de la crise de la fin janvier avec les agriculteurs. Début 2023, une proposition de loi à l’initiative des Républicains, votée à l’unanimité par le Parlement, a décidé de calculer la pension sur les 25 meilleures années (et non la totalité de la carrière) à partir de 2026, ce texte faisant suite notamment aux « lois Chassaigne » qui avaient prévu de porter le minimum de pension à 85 % du SMIC et de revaloriser les retraites des conjoints collaborateurs; mais c’est au gouvernement, à présent, de préciser la mise en œuvre de la réforme, à partir d’un rapport détaillant les scénarios et les paramètres pour son application. Celui-ci rédigé par les inspections générales des Affaires sociales et de l’Agriculture, serait prêt, mais le gouvernement aurait hésité à le rendre public en raison d’effets qui se révèleraient anti-redistributifs. Le Premier ministre, dans sa déclaration de politique générale, a confirmé sa volonté d’aboutir rapidement sur ce sujet.

->Dépenses liées à la Famille

Un blog de l’OFCE sur la fécondité et les aides financières aux familles

Un blog de l’OFCE fait le point sur l’effet des incitations financières aux familles et le taux de fécondité des femmes en Europe. Les dernières statistiques de l’INSEE ont fait apparaître que le taux de fécondité avait baissé pour la neuvième année consécutive en 2023 en France, pour s’établir à 1,68 enfants par femme, la moyenne européenne étant de 1,53 enfants. Cela s’inscrit dans un renversement de tendance en Europe depuis 20 ans, les États ayant historiquement les taux de fécondité les plus élevés (France et Irlande) ont vu celui-ci reculer sensiblement en deçà de 2 enfants par femme, alors que des États d’Europe centrale et orientale qui étaient en bas du classement, comme la République tchèque et la Roumanie, affichent à présent des taux supérieurs à 1,8. Certains États continuent de présenter une situation très dégradée comme l’Espagne (1,19) et l’Italie ( 1,25) – avec un taux moyen inférieur à 2,1, le renouvellement des générations n’est plus assuré. Le pourcentage des transferts financiers aux familles par rapport au PIB varie sensiblement au sein de l’Union Européenne, de 1,4 % du PIB en Espagne à 3,4 % en France, Suède et Luxembourg ; le blog relève que si les différentes études convergent sur un effet certes positif des transferts financiers sur la fécondité, l’impact réel de ceux-ci serait finalement assez limité et relativement transitoire, surtout si la politique familiale manque de continuité. D’autres facteurs, tels que les mesures favorisant l’emploi des mères de famille (aide à la garde d’enfants…) pourraient avoir un effet plus structurel.

->Solidarité/Lutte contre la pauvreté/Revenu universel

Retours sur l’expérimentation du « RSA sous conditions ».

Un deuxième groupe de départements devrait s’ajouter bientôt aux dix-huit premiers d’entre eux ayant expérimenté depuis un an le « RSA sous conditions », qui, dans une logique de « droits et devoirs » garantit aux allocataires d’être orientés rapidement contre l’obligation de s’astreindre à 15 heures d’activité par semaine. Selon l’association « Départements de France », les premiers retours ont été satisfaisants, une proportion significative d’allocataires (environ un tiers) aurait décroché un emploi de plus d’un mois dans les cinq mois. Le Premier ministre, dans sa déclaration de politique générale, a annoncé la généralisation de ce dispositif dont la mise en place va constituer une mission essentielle de « France Travail ».

Une note de l’Institut des politiques publiques : indexation sur l’inflation des barèmes de l’IR et implications sur la redistribution.

Une note de l’Institut des politiques publiques analyse l’effet redistributif de l’indexation sur les prix des seuils des tranches de barème de l’impôt sur le revenu. Cette mesure traditionnelle des lois de finances a d’autant plus de résonance dans les périodes de forte inflation, comme c’est le cas depuis 2021-2022. Si l’effet de cette mesure tend à être perçu comme une baisse d’impôt, ce n’est plus vrai – selon la note – si la hausse des revenus est supérieure à l’inflation : dans ce cas le taux global d’imposition tend à augmenter et la progressivité de l’impôt se trouve de fait réduite, car les impôts sont moins concentrés en haut de la distribution en raison de la baisse relative du seuil dans lequel on entre dans l’impôt. L’effet inverse paraît se constater si les salaires croissent moins vite que l’inflation, comme cela a été le cas sur la période 2021-juin 2023, où les salaires ont pris du retard (+8,2 % par rapport à 10,2 % d’inflation). Dès que les salaires opèreront un rattrapage par rapport à l’inflation, le taux global d’imposition recommencera à augmenter.

FISCALITÉ ET PROCÉDURES FISCALES
->Politique fiscale

Septième cérémonie de vœux pour le ministre de l’économie et des finances à Bercy

Bruno Le Maire a finalement battu le record de longévité en tant que ministre de l’économie et des finances. Ses mots, formulés lors de sa précédente cérémonie de vœux l’an passé, résonnent désormais comme un principe : « même lieu, même décor, même ministre. La stabilité règne » (v. Repères, janv. 2023). En poste depuis plus longtemps que Ch. Lagarde ou P. Bérégovoy, depuis le début de la Ve République, il égale désormais V. Giscard d’Estaing qui a tenu ce portefeuille aux finances sans discontinuité de 1959 à 1966, et de 1969 jusqu’au décès du président Pompidou. Battra-t-il le record de son ancien homologue allemand Wolfgang Schäuble qui a été ministre des finances pendant presque huit ans outre-Rhin, décédé dernièrement fin décembre ? Remaniement après remaniement, les chefs de Gouvernement changent quand le ministre des finances reste. Il incarne désormais une forme de continuité au ministère des finances et au sein du Gouvernement. C’est le message qui a été véhiculé à l’occasion des vœux du ministre des finances aux acteurs économiques. À cette occasion, le ministre des finances a évoqué pour le printemps 2024 un projet de loi sur l’attractivité de la France et de nouvelles mesures pour la simplification des normes à destination des entreprises ; il a promis « fermeté et autorité » pour la lutte contre les fraudes aux finances publiques – avec un durcissement pour le recouvrement des amendes ou le gel des avoirs des trafiquants de stupéfiants. Il a reformulé sa proposition de revoir à la baisse la durée d’indemnisation du chômage des travailleurs de plus de 55 ans, qu’il juge indispensable pour aller vers le plein-emploi. Il souhaite lutter contre la « smicardisation » de notre société. Enfin, il a annoncé une forme d’intransigeance sur les annonces ministérielles non financées. La préparation de la loi de finances pour 2025 s’annonce donc bien difficile…

Jeu de chaises musicales à la tête de l’administration financière et fiscale

Le précédent directeur général du Trésor, Emmanuel Moulin, a laissé vacant son siège après avoir été nommé directeur de cabinet du nouveau Premier ministre. L’ancien directeur de cabinet du ministre des finances, Bertrand Dumont, a donc été nommé en conseil des ministres à la direction du Trésor en janvier 2024. Et c’est donc le directeur général des finances publiques, Jérôme Fournel, qui a été choisi comme directeur de cabinet du ministre des finances. Et son adjoint, Antoine Magnant, exerce à ce jour les fonctions de directeur général des finances publiques par intérim.

Après la Banque de France, la Cour des comptes exige de nouvelles prévisions de recettes

Les projections de croissance pour 2024 de la Banque de France ont été dernièrement établies à +0,9 % car la croissance française souffrirait de la hausse des prix de l’énergie et de la baisse de la demande mondiale adressée à la France. C’est donc moins que celle espérée par le Gouvernement à +1,4 % pour ramener le déficit public à -4,4 % en 2024 (v. Repères, déc. 2023). Cela interroge sur la sincérité des prévisions contenues en loi de finances pour 2024… Le premier président de la Cour des comptes a appelé le Gouvernement, lors de ses vœux à la presse le 18 janvier, à « faire la vérité des prix » de l’énergie et à réviser la prévision de croissance pour 2024. Quelques jours plus tôt, lors de sa conférence de presse, le 16 janvier, le Président Macron ne semblait pas avoir placé le redressement des comptes publics au premier plan, orientant sa stratégie budgétaire et financière sur le retour de la croissance économique : « le cœur de la bataille budgétaire, c’est une bataille pour l’activité et la création d’emplois et de richesse ». Et la revue des dépenses publiques ? Le Gouvernement a déjà annoncé qu’il veillerait à diminuer les charges de 12 Md€ pour le futur projet de loi de finances pour 2025, ce qui annonce une préparation « d’une importance cruciale et sans doute inédite » aux yeux des magistrats financiers. Qu’en sera-t-il pour 2024 ? Le Premier président de la Cour des comptes a demandé au Gouvernement de corriger rapidement la prévision de croissance, jugée « trop optimiste », sur laquelle il a bâti son projet de loi de finances pour 2024.

Net recul des recettes fiscales à la fin de l’année 2023

En conseil des ministres, à la fin du mois de janvier, le ministre des finances a annoncé que le déficit budgétaire de l’État pour l’année 2023 s’était finalement établi à 173,3 Md€, soit une dégradation de 2,1 Md€ par rapport à ce qui était prévu en novembre dans la loi de finances de fin de gestion (v. Repères, nov. 2023), lequel témoignait d’une dégradation de 6,4 Md€ par rapport à la loi de finances initiale pour 2023. Le rythme d’encaissement des recettes fiscales s’est progressivement ralenti. Il en va ainsi de l’impôt sur le revenu avec un rendement inférieur de 1,4 Md€ par rapport aux prévisions du fait d’un taux de prélèvement à la source issus des déclarations de l’été 2023 moindres qu’attendu selon le Gouvernement. Le rendement de l’impôt sur les sociétés se révèle inférieur de 4,4 Md€ à la prévision en raison d’un acompte de décembre moindre qu’escompté et d’un bénéfice fiscal peu dynamique. Enfin, les recettes de TVA, généralement sensibles aux fluctuations économiques, sont également décevantes, avec 1,4 Md€ de moins que ce qui était prévu par le Gouvernement en loi de finances. Cette situation fiscale dégradée vient compliquer davantage le redressement des finances publiques pour le Gouvernement. Le maintien du niveau de déficit public à -4,9 % pour 2023 semble compromis et le niveau de déficit pour 2024 à -4,4 % apparait de plus en plus inaccessible. Les mauvaises nouvelles de 2023 risquent de se répercuter mécaniquement sur les recettes fiscales pour 2024…

Publication de la deuxième édition du « baromètre des prélèvements fiscaux » du CPO

En 2021, une première édition du « baromètre des prélèvements fiscaux » du Conseil des prélèvements obligatoires (CPO) avait été rendue publique avec pour ambition d’œuvrer à la consolidation du civisme fiscal et à la bonne acceptation des prélèvements obligatoires (v. Repères, février 2022). La deuxième édition de ce baromètre, rendue publique en janvier, semble démontrer que le « ras-le-bol fiscal » demeure toujours d’actualité en France. Trois quarts des sondés estiment que le niveau des impôts ou des charges sociales est trop élevé, soit une proportion qui n’a pas varié depuis la première édition du baromètre du CPO. Selon les premiers enseignements de cette nouvelle édition du baromètre, le système fiscal et social français serait beaucoup trop redistributif (32 % des sondés, soit 5 points de plus qu’en 2021). Le président du CPO note également un attachement aux services publics et au consentement de l’impôt. Le paradoxe des citoyens est toutefois identifié par le baromètre : ils jugent majoritairement le niveau des prélèvements obligatoires trop élevé et une majorité refuse une baisse des dépenses publiques en échange d’une baisse des prélèvements. Une accoutumance à la dette publique ? De manière surprenante, le baromètre note une forme de tolérance des citoyens à l’égard de la fraude et de l’optimisation fiscale. Heureusement, 80 % des Français considèrent le paiement de l’impôt comme étant un geste citoyen. Comme l’a souligné le président du CPO « c’est une grande force. Et même probablement ce qui nous sauve. Si nous n’avions pas des recettes qui rentraient extrêmement bien, ce serait la catastrophe absolue pour les finances publiques ». Un moyen de justifier l’utilité de la revue des dépenses publiques afin de poursuivre les baisses d’impôts ?

->Impôt sur le revenu

Impôts des particuliers : les principales mesures contenues en loi de finances pour 2024

La loi de finances pour 2024 (L. n° 2023-1322 du 29 déc. 2023, JORF, 30 déc. 2023) prévoit : l’indexation sur l’inflation du barème de l’impôt sur le revenu. Les tranches de revenus du barème de l’impôt sur le revenu sont réévaluées de 4,8 %, conformément à la prévision d’évolution de l’indice des prix à la consommation hors tabac. Cette hausse concerne également les grilles de taux par défaut du prélèvement à la source (art. 2) ; un régime fiscal du plan d’épargne avenir climat qui exonère d’impôt sur le revenu et de prélèvements sociaux les revenus générés par le nouveau plan d’épargne avenir climat, réservé aux moins de 21 ans. Il supprime la possibilité pour les mineurs d’ouvrir un plan d’épargne retraite (art. 3) ; une prolongation jusqu’au 31 décembre 2026 de la réduction d’impôt pour souscription en numéraire au capital des sociétés prévue à l’article 199 unvicies du CGI (art. 13) ; un maintien du plafond de 1000 € pour les dons aux associations caritatives qui viennent en aide aux personnes en difficulté ouvrant droit à une réduction d’impôt de 75 %. Ce plafond de 1000 € est maintenu jusqu’à fin 2026 (art. 15) ; une défiscalisation des pourboires versés par les clients pour le service sont exonérés de cotisations et contributions sociales, ainsi que d’impôt sur le revenu depuis 2022. Cette exonération est prolongée pour 2024 (art. 28).

->Fiscalité environnementale

Fiscalité verte : les principales mesures contenues en loi de finances pour 2024

La loi de finances pour 2024 (L. n° 2023-1322 du 29 déc. 2023, JORF, 30 déc. 2023) prévoit : un crédit d’impôt en faveur de l’industrie verte au titre des investissements dans l’industrie verte de secteurs stratégiques. Il concerne la production de batteries, de panneaux solaires, de turbines éoliennes et de pompes à chaleur, pour des projets agréés par l’administration fiscale et l’ADEME (art. 35) ; la modification des tarifs d’accise sur les énergies. Pour la période du 1er février 2024 au 31 janvier 2025, le tarif d’accise sur l’électricité est maintenu au niveau minimum, afin d’accompagner la sortie du bouclier tarifaire. Le tarif d’accise sur le gaz naturel à usage combustible pourra être relevé par arrêté dans la limite de 8 €/MWh, après évaluation de l’évolution des prix hors taxes (art. 92) ; l’extension progressive des dépenses fiscales défavorables à l’environnement. Les tarifs d’accise sur le gazole non routier et sur le gazole consommé pour les besoins des travaux agricoles seront augmentés progressivement jusqu’en 2030, avec des mesures pour accompagner le secteur agricole. Dès 2024, les tarifs réduits d’accise sont supprimés sur les produits pétroliers (hors gaz naturels et charbons) consommés par les entreprises grandes consommatrices d’énergie, ainsi que sur les charbons consommés par les entreprises exposées à la concurrence internationale (art. 94) ; l’évolution de la taxe d’incitation relative à l’incorporation d’énergie renouvelable dans les transports (TIRUERT) en 2025. Les objectifs d’utilisation d’énergie renouvelable pour les catégories fiscales des essences et des gazoles sont rehaussés (art. 95) ; le durcissement de la fiscalité applicable aux véhicules polluants (art. 97) ; l’établissement à compter du 1er janvier 2024, d’une taxe sur l’exploitation de certaines infrastructures de transport de longue distance dans le cadre du « plan d’avenir pour les transports » (art. 100) ; réforme des redevances des agences de l’eau avec la création, à compter du 1er janvier 2025, d’une redevance sur la consommation d’eau potable et de deux redevances pour la performance des réseaux d’eau potable et des systèmes d’assainissement collectif et le renforcement de la redevance pour pollutions diffuses (produits phytopharmaceutiques) et la modification de la redevance pour prélèvement sur la ressource en eau (art. 101).

Le maintien de l’avantage fiscal sur le gazole non routier des agriculteurs

Face aux agriculteurs en colère, le Gouvernement a renoncé à retrancher l’avantage fiscal sur le gazole non routier comme cela est prévu à l’article 94 de la loi de finances pour 2024. Pour apaiser la grogne du monde agricole, le Premier ministre a mis un terme à la hausse progressive des taxes sur le gazole non routier (GNR) négociée à l’automne avec la FNSEA (v. Repères, sept. 2023). Le « gazole rouge » des agriculteurs bénéficie d’une ristourne fiscale de 57 centimes par litre par rapport au diesel des particuliers. Quand les agriculteurs s’acquittent de 3,86 centimes de TICPE, les particuliers en supportent plus de 60 centimes. La réduction d’un tiers de cette niche fiscale grise représentait presque 500 M€ d’ici à 2030. Ce n’est plus d’actualité. « On va arrêter avec cette trajectoire de hausse sur le GNR », a déclaré le chef du Gouvernement vendredi, à l’occasion d’un déplacement à Montastruc-de-Salies en Haute-Garonne en janvier. Soit un coût de 1,4 Md€ pour les finances publiques.

->Fiscalité locale

Fiscalité locale : les principales mesures fiscales contenues en loi de finances pour 2024

La loi de finances pour 2024 (L. n° 2023-1322 du 29 déc. 2023, JORF, 30 déc. 2023) prévoit : le soutien aux territoires ruraux et à la politique de la ville par une prorogation et une adaptation des différents régimes zonés bénéficiant aux territoires ruraux en difficulté, avec un zonage unique, dénommé « France Ruralités Revitalisation », et des allègements fiscaux simplifiés. Il prolonge une série de dispositifs liés à la politique de la ville (art. 73) ; la réforme a minima de la contribution sur la valeur ajoutée des entreprises (CVAE). Engagée en 2023, la suppression progressive de la CVAE sera finalement échelonnée sur quatre années. Le taux d’imposition maximal est abaissé à 0,28 % en 2024, 0,19 % en 2025, 0,09 % en 2026, puis à 0 en 2027. Le taux du plafonnement de la contribution économique territoriale (CET) est également abaissé sur quatre ans. La cotisation minimum sur la valeur ajoutée des entreprises est supprimée dès le 1er janvier 2024 (art. 79) ; un mécanisme d’ajustement à la baisse du tarif de l’imposition forfaitaire sur les entreprises de réseaux (IFER), afin de compenser les effets du remplacement des lignes en cuivre par la fibre optique et d’éviter une répercussion sur les consommateurs des hausses de coûts pour les opérateurs redevables (art. 81).

->Impôts sur le capital

Fiscalité du logement : les principales mesures contenues en loi de finances pour 2024

La loi de finances pour 2024 (L. n° 2023-1322 du 29 déc. 2023, JORF, 30 déc. 2023) prévoit : l’aménagement de la fiscalité du logement avec le prêt à taux zéro (PTZ) qui est prolongé jusqu’en 2027, et qui est recentré pour limiter l’artificialisation des sols et exclure les chauffages fonctionnant aux énergies fossiles. L’éco-PTZ est simplifié et renforcé : couplage de l’éco-PTZ Copropriétés avec MaPrimeRénov’ Copropriétés, hausse des plafonds d’aide et de la durée de remboursement maximale pour certaines opérations. Une aide à l’accessibilité et à l’adaptation du logement (MaPrimAdapt’) entre en vigueur en 2024 pour les personnes aux revenus modestes ; le crédit d’impôt en faveur de l’adaptation des logements, prorogé, est recentré sur les ménages intermédiaires, avec un montant calqué sur « MaPrimeAdapt’ ». Un renforcement et un élargissement de l’appui au logement locatif intermédiaire, étendu à l’ancien rénové. Une exonération de longue durée de taxe foncière sur les propriétés bâties pour la rénovation lourde du parc locatif social ancien est prévue (art. 71) : la prolongation de la réduction d’impôt du dispositif Denormandie jusqu’au 31 décembre 2026 (art. 72).

Note de l’IGF sur les réductions d’impôts « Malraux » et « Denormandie dans l’ancien »

Les réductions d’impôt « Malraux » et « Denormandie dans l’ancien » visent à soutenir l’investissement locatif dans l’ancien en réduisant l’impôt sur le revenu des propriétaires de biens qui améliorent ou restaurent leur bien destiné par la suite à la location. Le dispositif dit « Malraux » incite depuis 1977 les propriétaires bailleurs à la restauration d’immeubles dans les sites patrimoniaux remarquables ; il a été étendu en 2010 et en 2018 à 93 quartiers prioritaires de la politique de la ville. Le dispositif « Denormandie dans l’ancien » a été créé en 2019 sur le modèle du dispositif « Pinel » pour accompagner la revitalisation des cœurs de ville ; il a été précisé et étendu en 2020. La fin de la réduction d’impôt « Denormandie dans l’ancien » et du volet de la réduction d’impôt « Malraux » relatif aux quartiers prioritaires de la politique de la ville avait été programmée au 31 décembre 2023. Mais l’Inspection générale des finances (IGF) a été amenée à évaluer ces deux dépenses fiscales dans un rapport rendu public le 8 janvier 2024 à la suite d’une demande conjointe du Parlement et du Gouvernement. Aussi ces dispositifs ont été reconduits à titre transitoire par la loi de finances pour 2024. L’IGF conclut à la nécessité de faire évoluer les deux dispositifs fiscaux si le Gouvernement souhaite durablement les maintenir afin de les inscrire dans le cadre plus large d’une refonte de la fiscalité et des aides au logement.

->mpôts sur les sociétés

Impôts des entreprises : les principales mesures contenues en loi de finances pour 2024

La loi de finances pour 2024 (L. n° 2023-1322 du 29 déc. 2023, JORF, 30 déc. 2023) prévoit : l’imposition minimale des multinationales et grands groupes nationaux. La directive (UE) 2022/2523 vise à instaurer un niveau minimum d’imposition sur les bénéfices des multinationales et des grands groupes nationaux, fixé à 15 %. Cet article transpose la directive et crée un impôt complémentaire, distinct de l’impôt sur les sociétés, dès 2024 (art. 33) ; l’évolution du régime de la franchise de TVA par une transposition de la réglementation européenne relative au système commun de TVA pour les petites entreprises. En 2025, le régime de franchise de TVA bénéficiera aux entreprises de l’Union européenne dans tous les États membres, jusqu’à 100 000€ de chiffre d’affaires européen. En France, le plafond national de chiffre d’affaires pour le bénéfice de la franchise est abaissé à 85 000 € et les modalités de sortie du régime sont simplifiées et accélérées (art. 82).

->Procédures fiscales

Lutte contre la fraude : les principales mesures contenues en loi de finances pour 2024

La loi de finances pour 2024 (L. n° 2023-1322 du 29 déc. 2023, JORF, 30 déc. 2023) prévoit : le renforcement des moyens de l’administration fiscale en matière de détection et de sanction de la fraude fiscale et du cadre juridique applicable aux fraudes à la TVA, en l’adaptant aux enjeux de l’économie numérique (art. 112) ; la création d’un délit de mise à disposition d’instruments de facilitation de la fraude fiscale (art. 113) ; le renforcement de la réponse pénale aux fraudes, avec une peine complémentaire de privation des droits à réductions et crédits d’impôt sur le revenu et sur la fortune immobilière (art. 114) ; le renforcement du contrôle des prix de transfert des entreprises multinationales (art. 116) ; l’amélioration des conditions matérielles de réalisation des contrôles fiscaux externes (art. 117).

Approbation de l’avenant à la convention fiscale bilatérale avec le Luxembourg à propos du télétravail des frontaliers français

Le 17 janvier, en conseil des ministres, un projet de loi a été présenté par le ministre de l’Europe et des affaires étrangères en vue d’autoriser l’approbation de l’avenant à la convention entre la France et le Grand-duché du Luxembourg relatif à la double imposition en matière d’impôts sur le revenu et la fortune la prévention de l’évasion et de la fraude fiscales. Signé le 7 novembre 2022, cet avenant porte de 29 à 34 jours le forfait prévu par la convention fiscale bilatérale afin de tenir compte du développement du télétravail pour les travailleurs, résidents d’un des deux États et employés par une entreprise située dans l’autre État. Les jours de travail effectués dans cette limite de 34 jours seront considérés et imposés comme s’ils avaient été effectués dans l’État de situation de l’employeur. Ces dispositions ont vocation à bénéficier essentiellement aux nombreux frontaliers qui se rendent quotidiennement au Luxembourg pour y travailler. Elles s’appliquent à compter des revenus perçus en 2023, le temps de définir, avant la fin de l’année 2024, une solution pérenne.

MANAGEMENT PUBLIC
->Fonction publique d’État

Création de la DILOAP

Le deuxième comité du logement des agents publics (CILAP) s’est tenu dernièrement à Paris. Il a acté la création de la délégation interministérielle au logement des agents publics visant à l’amélioration de l’accès au logement pour les fonctionnaires (DILOAP). Elle aura pour mission de « porter une politique de logement coordonnée entre les différents employeurs publics, développer des dispositifs favorisant l’accès au logement pour les agents publics, mieux identifier et mobiliser le foncier public, informer les agents sur les mesures mises en place et sur les dispositifs disponibles » (Ministère de la transformation et de la fonction publiques).

Résultat de la deuxième édition des consultations citoyennes de la Cour des Comptes

Le 18 janvier, la Cour des comptes a publié les thèmes retenus pour la deuxième campagne de participation citoyenne. Cette deuxième édition a été un succès avec près de 20 000 participants et 622 nouvelles propositions de thèmes de contrôle et d’enquête pour les juridictions financières. Dix thèmes ont été retenus par la Cour des Comptes et quinze par les Chambres régionales et territoriales des comptes. Parmi eux, on retrouve quelques sujets controversés tels que la lutte contre la corruption, le contrôle des polices ou encore le passage entre le secteur public et le secteur privé.

La Cour des comptes dresse un bilan mitigé d’Action Publique 2022

Dans un rapport publié le 26 janvier, la Cour des comptes exprime des réserves sur la politique de transformation de l’État au cours des cinq dernières années, regrettant son manque de cohérence et d’ambition, ainsi que la relégation de l’objectif d’économies budgétaires. Pour les magistrats financiers, malgré des avancées méthodologiques, les mesures mises en œuvre se limitent à des actions classiques de simplification et de numérisation, sans répondre de manière décisive aux défis de fragmentation de l’action publique locale. Pour la Cour, il est essentiel de mobiliser davantage ce levier de modernisation pour améliorer le service rendu aux citoyens tout en maîtrisant les dépenses. Elle recommande notamment de renforcer la coordination interministérielle, de recentrer le financement des grands projets sur un fonds unique, d’intégrer des mesures de modernisation dans les revues de dépenses et d’améliorer le suivi des décisions de transformation.

->Fonction publique territoriale

Amélioration de la transparence dans les collectivités territoriales

Le 15 janvier 2024, l’ONG Transparency International France a publié son évaluation à mi-mandat des engagements pris par les élus locaux lors des élections de 2020 (municipales) et de 2021 (régionales). Le bilan est plutôt positif avec des avancées notables sur la publication du montant de rémunération des élus, sur l’open data, sur l’encadrement des frais de représentation ou encore sur la prévention de la corruption. En revanche, les chantiers les moins avancés concernent la transparence des rencontres avec les lobbyistes et la mise en œuvre d’un registre public des déports. Des collectivités telles que Paris, Lyon, Bordeaux, Rennes, Toulouse, Strasbourg ou encore la région Ile-de-France ont mis en place tous leurs engagements en matière de transparence. A l’inverse, les villes de Caen, Avignon, Gardanne, Limoges ou Poitiers semblent être très en retard.

->Fonction publique hospitalière

Un indicateur des grandes tendances du développement durable dans les établissements de santé

Le 10 janvier 2024, le Comité pour le développement durable en santé (C2DS) et l’Agence nationale d’appui à la performance (ANAP) ont publié leur indicateur unique visant à mesurer les grandes tendances en matière de RSE dans les établissements de santé. Douze tendances sont mesurées telles que la gouvernance, l’énergie, le transport, l’eau, les déchets ou encore la qualité de vie au travail. Cet outil permet à chaque établissement de faire un diagnostic de sa politique RSE et de se comparer aux autres structures. Les travaux du CD2S et de l’ANAP permettent également de mettre en lumière les avancées des établissements mais également de pointer du doigt les (nombreux) domaines dans lesquels les établissements ne respectent pas encore la loi ou les standards de la certification HAS.

->Transitions

La Cour des Comptes pointe le retard des établissements d’enseignement supérieur en matière de transition écologique

Dans un récent rapport publié, la Cour des comptes s’inquiète du retard pris par les établissements d’enseignement supérieur en matière de transition écologique. Malgré des actions croissantes, le manque de cohérence, de suivi et d’indicateurs fiables persiste, notamment en raison d’une gouvernance défaillante et d’une implication tardive du ministère de l’enseignement supérieur. La Cour des comptes recommande de renforcer le management environnemental des établissements en mettant en place des tableaux de bord, des indicateurs et une gouvernance spécifique pour coordonner et suivre efficacement les actions écologiques. Les magistrats ajoutent que la généralisation des contrats d’objectifs, de moyens et de performance (COMP) à partir de 2024 représente une opportunité pour intégrer formellement la transition écologique dans les objectifs stratégiques des établissements d’enseignement supérieur.

Les priorités de 2024 sur les critères d’attribution du « Fonds Vert »

Dernièrement, le ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires a envoyé une circulaire aux préfets de région et de département pour leur communiquer les priorités et les modalités du « Fonds Vert » pour 2024 (Circ. du 28 déc. 2023 relative à la gestion 2024 du fonds d’accélération de la transition écologique dans les territoires). Le dispositif, géré par les préfets de région et de département, vise à intensifier les actions des collectivités territoriales en faveur de la transition écologique. La circulaire met l’accent sur la rénovation énergétique des écoles. Elle appelle également les préfets à assurer un suivi précis des financements accordés et évaluer les impacts des projets financés.

Une plateforme pour assister les administrations dans la mise en œuvre du ZAN

Alors que le ZAN continue d’inquiéter bon nombre d’élus locaux, la start-up d’État « Mon diagnostic artificialisation » offre un outil numérique pour évaluer la consommation d’espace naturel et l’artificialisation des sols. Conçu pour les collectivités et les services de l’État, cet outil répond aux exigences légales et favorise la gestion territoriale durable. En quelques clics, les utilisateurs peuvent obtenir un diagnostic clair de leur territoire et suivre son évolution jusqu’en 2031, aligné sur les objectifs de réduction de l’artificialisation des sols. La plateforme du ministère de la transition écologique et de la cohésion des territoires anticipe un pic d’activité en 2024.

FISCALITÉ EUROPÉENNE ET INTERNATIONAL
->Fiscalité européenne

Entrée en vigueur de l’imposition minimale sur les multinationales

Le 1er janvier 2024, l’impôt mondial sur les multinationales entre en vigueur dans l’Union européenne. Négocié et adopté par 140 États dans le cadre de l’OCDE, cette imposition minimale touche les bénéfices des entreprises à 15 % minimum, sans plus tenir compte du lieu où sont déclarés les profits.

->Monnaies

FED : la baisse des taux d’intérêts prévue en 2024 n’est pas immédiate

Comme annoncé début janvier 2024, dans le compte-rendu de la dernière réunion de la Réserve fédérale (Fed), le comité de politique monétaire de la Fed, qui s’est réuni le mercredi 31 janvier 2024 a maintenu ses taux directeurs à leur niveau supérieur à 5 %, jugeant (comme la BCE le 25 janvier) prématurée une baisse et sans dévoiler de calendrier de baisse des taux. A l’inverse, en raison de la maîtrise de l’inflation, la Banque centrale du Brésil a réduit le même jour son taux directeur de 0,5 point, à 11,25%.

FINANCES PUBLIQUES EUROPÉENNES
->Politique européenne

Participation du Royaume-Uni à certains programmes de l’Union européenne

Depuis le 1er janvier 2024, le Royaume-Uni participe, en qualité d’État tiers associé, à certains programmes de l’Union, et ce à l’instar d’autres pays non-membres (V. à ce dernier égard, Cour des comptes européenne, Contributions financières de pays tiers versées à l’UE et à des États membres, Document d’analyse n°3/2021). Expressément prévue dans son principe comme dans ses principales modalités par l’accord de commerce et de coopération du 30 décembre 2020 conclu entre l’ex-État membre d’une part et l’UE ainsi qu’Euratom d’autre part (JOUE n° L 149 du 30 avril 2021, pp. 10-2539), cette participation a donc tardé à se concrétiser pour deux raisons principales. D’une part, la définition de la portée précise de la participation n’avait pu être définitivement arrêtée durant les négociations de l’accord dans la mesure où, à cette période, n’étaient adoptés ni le cadre financier pluriannuel post-2020 ni les actes législatifs définissant les programmes européens potentiellement concernés (V. Déclaration commune sur la participation aux programmes de l’UE, JOUE précité). La participation du Royaume-Uni était donc conditionnée à l’adoption d’un protocole y afférent par un « comité spécialisé chargé de la participation aux programmes de l’UE » et composé des représentants des deux parties. Or, d’autre part, cette adoption a été repoussée, à l’initiative de l’organisation, en raison du différend opposant les deux partenaires à propos de la mise en œuvre des dispositions de l’accord de retrait relatives à l’Irlande du Nord, ce qui avait provoqué l’ire de l’exécutif britannique considérant que l’exclusion des programmes européens de recherche contrevenait aux engagements souscrits par l’Union. Le « cadre de Windsor » ayant, en février-mars 2023, réglé les principales problématiques afférentes à la mise en œuvre du protocole irlandais, un « nouveau chapitre dans les relations » bilatérales pouvait s’ouvrir, dont celui portant sur la participation britannique aux programmes européens. Ainsi, dès septembre 2023, les deux parties scellent un accord politique formalisé par une décision du comité spécialisé en date du 4 décembre 2023 (JOUE n° L 2023/2731 du 5 décembre 2023) laquelle modifie l’accord de commerce et de coopération et lui adjoint les protocoles I et II jusqu’alors laissés en suspens.

Il en résulte qu’à partir donc du 1er janvier 2024, le Royaume-Uni participe, pour la durée du cadre financier 2021-2027 et moyennant réciprocité, au volet « Copernicus » du programme spatial de l’Union  i.e au système opérationnel civil d’observation de la Terre axé sur les utilisateurs placé sous contrôle civil – ainsi qu’au programme-cadre pour la recherche et l’innovation dit « Horizon Europe », à la notable exclusion toutefois de sa déclinaison en matière de défense. Contrairement à ce qui était envisagé durant les négociations de l’accord de commerce et de coopération, il ne participera pas, à sa demande, aux programmes de recherche d’Euratom et à ITER (réacteur thermonucléaire expérimental international). L’association aux programmes européens emportera l’obligation pour le Royaume-Uni de contribuer au budget de l’UE au titre d’une part d’une contribution opérationnelle reposant sur l’application de la clé de participation (PIB du Royaume-Uni/ PIB de l’UE) aux crédits destinés aux dépenses opérationnelles des programmes concernés, et d’autre part au titre d’un droit de participation exprimé en pourcentage de la contribution opérationnelle et passant progressivement de 2 % en 2024 à 4 % à partir de 2027. Le montant annuel de l’obole britannique est évalué par la Commission à 2,6 Md€ en moyenne, sachant qu’en cas de bénéfice net significatif (8 %) et récurrent (deux années consécutives) dans le cadre du programme Horizon Europe, l’application du mécanisme de correction automatique conduira au versement d’une contribution supplémentaire, la réciproque étant également exceptionnellement prévue en cas de contribution nette significative (16 %).

->Pacte de stabilité

La réforme du pacte de stabilité soutenue sous certaines conditions par le Sénat

Dans une résolution européenne du 26 janvier 2024 sur la réforme du pacte de stabilité et de croissance (n°58), le Sénat invite le Gouvernement à défendre dans les négociations au Conseil la nécessité de la réforme d’un pacte comportant de nombreux défauts : procyclicité, recours à des variables inobservables, faible appropriation par les États membres, incapacité à soutenir suffisamment l’investissement public, ineffectivité d’un régime de sanctions lourdes, inadaptation à des finances publiques post-covid dégradées. Soutenant globalement le paquet proposé par la Commission, en particulier l’indicateur des dépenses nettes en remplacement de celui du solde structurel, l’allongement de la durée d’ajustement budgétaire, le Sénat appelle, eu égard au contexte électoral européen, à l’adoption rapide de la réforme de manière à ce qu’elle puisse effectivement s’appliquer dès 2025. Le Sénat regrette et même dénonce la réintroduction, au cours des négociations, de critères quantitatifs ne respectant pas l’esprit de la réforme.

->Protection des intérêts financiers de l’Union européenne

L’obligation de diligence de l’Office européen de lutte antifraude (OLAF)

Dans un arrêt Planistat Europe et Charlot c/ Commission en date du 11 janvier 2024 (Aff. C-363/22 P, ECLI:EU:C:2024:20), la cinquième chambre de la Cour de justice (de l’UE) a, sur pourvoi, annulé pour erreur de droit un jugement du Tribunal statuant sur un recours en indemnité (art. 268 du Traité FUE) formé à l’encontre de la Commission en vue d’obtenir réparation du préjudice que le requérant – le dirigeant d’une société à laquelle Eurostat avait confié entre 1996 et 1999 la gestion de Datashops  aurait subi du fait de la transmission par l’OLAF aux autorités françaises d’informations afférentes à des faits susceptibles de recevoir une qualification pénale. La haute juridiction a considéré que si « l’OLAF a non seulement la faculté, mais aussi l’obligation de transmettre aux autorités compétentes nationales, y compris judiciaires, même avant la clôture de son enquête et la rédaction du rapport final, toute information pertinente, susceptible de justifier l’adoption de mesures par ces autorités, y compris l’ouverture d’une enquête pénale, il n’en demeure pas moins ([…] que, lorsqu’il prend la décision de procéder à une telle transmission, l’OLAF doit tenir compte de son obligation de diligence » (point 75).

Or, tirée du droit à la bonne administration énoncé à l’article 41 de la Charte des droits fondamentaux de l’UE et constituant une norme ayant pour objet de conférer des droits aux particuliers, cette exigence comporte pour l’administration de l’UE celle « d’agir avec soin et prudence » (CJCE, 18 déc. 2008, Masdar, Aff. C-47/07 P, Rec. p. I-9761, points 91 à 93), ce qui emporte deux principales conséquences. D’une part, avant de transmettre, l’Office européen doit s’assurer que les informations en cause présentent « un degré de plausibilité et de vraisemblance suffisant pour justifier l’adoption, par les [autorités nationales destinataires], de mesures relevant de leur compétence, y compris l’ouverture, le cas échéant, d’une enquête judiciaire » (point 76). Aux yeux de la Cour en effet, requise est la prudence dès lors que, doté de pouvoir d’enquête, l’OLAF n’agit pas en qualité de « lanceur d’alerte quelconque » si bien que les informations sont en l’occurrence transmises entre autorités disposant de tels pouvoirs et pourront servir de base à l’engagement de poursuites judiciaires, civiles et pénales (point 75). D’autre part, dans le cadre de son office consistant à déterminer si l’OLAF a respecté son obligation de diligence, le juge de l’UE « doit vérifier que, au moment de cette transmission, l’OLAF disposait de plus d’éléments qu’un simple doute, sans pour autant exiger une preuve caractérisée qui ne nécessite plus d’actes d’enquête ». À défaut d’avoir vérifié la crédibilité, le contenu des informations transmises, l’intention poursuivie par la transmission, la capacité desdites informations à justifier l’ouverture d’une enquête et à constituer des éléments de preuve utiles à l’enquête, le Tribunal a donc commis une erreur de droit. N’étant pas en état d’être jugée, l’affaire lui est renvoyée.

Le recouvrement auprès des bénéficiaires des fonds européens indûment versés

Dans un arrêt préjudiciel Agentsia « Patna infrastruktura » (Agence des infrastructures routières, Bulgarie) en date du 30 janvier 2024 (Aff. C-471/22, ECLI:EU:C:2024:99), la troisième chambre de la Cour de justice (de l’UE) rappelle, sur le fondement de la réglementation applicable ratione temporis, qu’indépendamment du fait qu’ils ont remboursé l’Union, « les États membres ont l’obligation de récupérer les fonds européens indûment perçus en conséquence d’un abus ou d’une négligence de la part des bénéficiaires de ces fonds » (point 38), excepté si « ce recouvrement est devenu impossible en conséquence d’une faute ou d’une négligence de [l’] État en cause » auquel cas ce dernier engage en quelque sorte sa responsabilité financière. L’obligation de procéder au recouvrement des sommes indûment versées auprès des bénéficiaires s’inscrivant en l’occurrence dans la mise en œuvre du droit de l’UE, l’État membre doit y procéder dans le respect de la Charte des droits fondamentaux de l’UE et des principes généraux du droit de l’UE, et en particulier des exigences de bonne administration intégrant le droit de voir ses affaires traitées impartialement et dans un délai raisonnable par l’autorité nationale compétente, des droits de la défense comportant notamment le droit de faire connaître de manière utile et effective son point de vue au cours de la procédure administrative avant l’adoption de toute décision susceptible d’affecter de manière défavorable ses intérêts (points 40 à 44).

Au-delà, conformément au droit à la protection juridictionnelle effective garanti par l’article 47 de la Charte des droits fondamentaux et impliquant notamment le droit, pour toute partie à la procédure, d’évaluer et de contester tout document fourni à la juridiction, la Cour affirme que « lorsqu’une juridiction d’un État membre est saisie d’un recours contre un acte national appliquant une correction financière au bénéficiaire d’un fonds de l’Union européenne, adoptée en exécution d’une décision définitive de la Commission annulant en tout ou en partie la contribution d’un tel fonds, en raison d’une irrégularité, cette juridiction doit pouvoir examiner aussi la validité de cette dernière décision » (point 49). Compte tenu de la compétence exclusive de la Cour de justice de l’UE pour prononcer l’invalidité d’un acte de l’UE, la juridiction nationale doit surseoir à statuer et procéder à un renvoi préjudiciel en appréciation de validité si lui paraissent fondés un ou plusieurs moyens invoqués par les parties ou soulevés d’office à l’encontre de la décision de la Commission.

->Budget européen

Rapport de la Commission sur l’application du règlement 2020/2092 relatif à un régime général de conditionnalité pour la protection du budget de l’UE

Le 12 janvier 2024, la Commission a présenté, comme demandé par les colégislateurs, son rapport sur l’application du règlement dit « conditionnalité » (COM (2024) 17 final). En une vingtaine de pages, « l’exécutif européen » décrit les mesures prises dans ce cadre, et en particulier la procédure ouverte à l’encontre de la Hongrie, examine la complémentarité du dispositif avec les autres instruments pertinents et évalue l’efficacité des mesures adoptées. Sur ce dernier terrain, la Commission estime, à l’aune du seul cas hongrois, que les autres instruments prévus par la législation européenne n’auraient pas permis d’obtenir les mêmes résultats en termes de protection du budget de l’UE comme de mesures correctives de la part de l’État concerné.

->Euro, BCE et UEM

Mise en œuvre du nouveau système d’émission de l’UE (EIS)

Le 17 janvier 2024, la Commission a inauguré son nouveau système d’émission fondé sur l’Eurosystème en levant, au nom de l’Union et d’Euratom, 2,2 Md€ de titres de créance à court terme. Fondé sur un mémorandum conclu par la Commission avec la Banque nationale de Belgique et la Banque centrale européenne, le service d’émission de l’UE (EIS) repose sur la première qui assume les fonctions de dépositaire central de l’ensemble des obligations et titres de créance de l’UE et sur la seconde qui fait office d’organisme payeur.

->États membres

La désapprobation parlementaire de la libération partielle des fonds européens au profit de la Hongrie

Dans une résolution en date du 18 janvier 2024 portant sur la situation en Hongrie et le gel des fonds de l’Union européenne (2024/2512(RSP)) et adoptée à une très nette majorité (345 pour, 104 contre, 29 absentions), le Parlement européen a vivement déploré que, par une décision du 13 décembre 2023, la Commission européenne ait partiellement débloqué, au profit de la Hongrie et à hauteur d’environ 10 Md€, les fonds relevant notamment de la politique de cohésion, et ce au motif qu’ayant pris, à ses yeux, les mesures nécessaires, cet État membre satisfait désormais à « la condition favorisante horizontale » relative à la charte des droits fondamentaux concernant l’indépendance de la justice prévue par la réglementation sectorielle (art. 15 du règlement (UE) 2021/1060 du 24 juin 2021 portant dispositions communes aux fonds européens, JOUE n° L 231 du 30 juin 2021). Se félicitant parallèlement de la décision prise le même jour et conduisant à prolonger, au titre du règlement 2020/2092 dit « conditionnalité liée à l’État de droit », les mesures de protection du budget de l’UE suspendant, à hauteur de 55 %, trois programmes hongrois relevant de la cohésion pour 6,3 milliards d’euros, le Parlement souligne les contradictions politiques de la Commission et plaide pour que les « mesures requises pour libérer le financement de l’UE [soient] considérées comme un train de réformes unique et complet » de sorte que les paiements ne puissent être effectués si, nonobstant les progrès accomplis dans un domaine, des lacunes persistent dans un autre. Se référant à ses prérogatives « constitutionnelles », le Parlement rappelle la Commission à ses fonctions de gardienne des traités, souligne qu’elle est responsable politiquement devant lui – manière élégante de réaffirmer qu’il peut la démettre par le vote d’une motion de censure – et enfin qu’il invite sa commission des affaires juridiques et son service juridique à examiner l’opportunité de saisir la Cour de justice (de l’UE) d’un recours en annulation à l’encontre de la décision litigieuse.

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Aurélien BAUDU (Fiscalité et procédure fiscale – Coordination)

Fabrice BIN (International et Fiscalité européenne)

Florent GAULLIER-CAMUS (Budget de l’État et opérateurs – Comptabilité publique)

Léonard GOURBIER (Management public)

Matthieu HOUSER (Finances locales)

Aymeric POTTEAU (Finances publiques européennes)

Yves TERRASSE (Finances sociales)