BUDGET DE L’ÉTAT ET DES OPéRATEURS
->Données générales sur les finances publiques
La désinflation est en bonne voie
Dans une note publiée le 14 décembre, l’INSEE indique que l’épisode inflationniste a pris la forme d’une « bosse » en France et d’un « pic », plus intense, chez ses principaux partenaires. Ces différences s’expliquent en partie par le calendrier et les modalités des mesures de limitation des hausses de prix, comme le bouclier tarifaire en France. Au total, et relativement à ses principaux partenaires, le cumul de la hausse des prix depuis 2019 apparaît à ce stade un peu inférieur en France (près de +16 % en octobre 2023 par rapport à 2019, s’agissant de l’indice des prix à la consommation harmonisé, contre près de +19% pour la zone euro dans son ensemble, près de +20 % aux États-Unis et plus de +22 % au Royaume-Uni). Les indicateurs avancés (prix à la production, soldes d’opinion des enquêtes de conjoncture auprès des entreprises) suggèrent que le reflux de l’inflation se poursuivrait au cours des prochains mois en France, même s’il ne serait pas forcément continu. Selon l’INSEE, le glissement annuel de l’indice des prix à la consommation s’établirait ainsi aux alentours de 2,5 % à partir du printemps 2024.
Troisième trimestre 2023 : la dette publique s’établit à 3 088,2 Md€
Dans une note publiée le 22 décembre, l’INSEE indique qu’à la fin du troisième trimestre 2023, la dette publique au sens de Maastricht s’établit à 3 088,2 Md€, soit une augmentation de 41,3 Md€, après +34,5 Md€ au trimestre précédent. Exprimée en pourcentage du produit intérieur brut (PIB), elle s’établit à 111,7 %, comme au deuxième trimestre 2023. L’augmentation de la dette brute des administrations publiques résulte en grande partie de celle de l’État. Au troisième trimestre 2023, la dette publique de l’État augmente de 45,3 Md€, après +57,0 Md€ au trimestre précédent. La dette des administrations de sécurité sociale, des organismes divers d’administration centrale et des administrations publiques locales diminue. La dette publique des organismes divers d’administration locale augmente légèrement (+0,2 Md€). À l’instar du trimestre précédent, l’augmentation de la dette publique s’accompagne d’une baisse de la trésorerie des administrations publiques (-17,3 Md€), si bien que la dette nette augmente davantage que la dette brute (+61,0 Md€) et s’établit à 102,9 % du PIB.
À quoi l’argent public a-t-il servi en 2022 ?
Le 21 décembre, le site spécialisé FIPECO a publié une étude sur la base de la décomposition des dépenses publiques publiées chaque année par l’INSEE. Cette répartition des dépenses par politique publique permet de savoir à quoi ont servi chaque année 1 000 € de prélèvements obligatoires (impôts et cotisations sociales), donc à quoi « l’argent public » a servi, en supposant que les prélèvements obligatoires et les autres ressources des administrations publiques financent les mêmes dépenses. Pour 1 000 € de prélèvements obligatoires en 2022, les dépenses de protection sociale s’élèvent à 563 € (elles représentent en effet 56,3 % des dépenses publiques), dont 247 € pour les retraites, 209 € pour la santé, 37 € pour les familles et 29 € pour les allocations de chômage ; les dépenses d’enseignement sont de 90 € ; le soutien des activités économiques est de 116 € (les aides et subventions aux ménages et entreprises hors transports sont de 81 € et les dépenses de transport sont de 35 €) ; les dépenses des « services généraux » (fonctions supports des administrations) sont de 67 € ; les dépenses militaires sont de 31 € ; les intérêts de la dette publique sont de 34 €. Pour François Ecalle, magistrat honoraire de la Cour des comptes, cette répartition des dépenses publiques s’est « déformée » de 1995 à 2022 au profit notamment des retraites, de la santé, des soutiens aux activités économiques hors transports, de la fonction « loisirs, sports et culture », la lutte contre l’exclusion et de la protection de l’environnement. Sur ce dernier thème par exemple, les dépenses sont passées de 11 à 19 € (toujours pour 1 000 € de prélèvements obligatoires). Cette « déformation » s’est faite au détriment de la défense, de la recherche fondamentale, des transports, des services généraux, de la politique familiale et de l’enseignement. À noter que la part des intérêts de la dette publique a aussi fortement diminué grâce à la baisse des taux.
->Procédure budgétaire
La loi du 29 décembre 2023 de finances pour 2024
La loi de finances pour 2024 a été promulguée le 29 décembre 2023 par le Chef de l’État puis publiée au Journal officiel (L. n° 2023-1322 du 29 déc. 2023 de finances pour 2024, JORF n° 0303 du 30 déc. 2023). Le 16 décembre, l’Assemblée nationale a adopté sans vote en nouvelle lecture la partie « recettes » du PLF, après rejet de la motion de censure du groupe LFI et recours à l’article 49 alinéa 3 de la Constitution par la Première ministre le 14 décembre. Le 18 décembre, l’Assemblée nationale a adopté sans vote la partie « dépenses » et l’ensemble du PLF en nouvelle lecture, après rejet de la motion de censure du groupe LFI et recours à l’article 49 alinéa 3 de la Constitution par la Première ministre le 16 décembre. Le 19 décembre, le Sénat a rejeté le projet de loi en nouvelle lecture. Après rejet de la motion de censure déposée après l’usage du « 49.3 » par la Première ministre le 19 décembre, le projet de loi de finances a été définitivement adopté le 21 décembre à l’Assemblée nationale. Saisi le 22 décembre par des députés et des sénateurs, le Conseil constitutionnel a rendu sa décision de non-conformité partielle le 28 décembre 2023. Le Conseil constitutionnel a censuré douze « cavaliers budgétaires ». Le Conseil constitutionnel censure notamment comme n’ayant pas leur place en loi de finances : l’article 197 relatif à l’orientation de l’épargne réglementée (sommes collectées par le Livret A et le Livret d’épargne populaire) vers certaines entreprises de l’industrie de défense, l’article 208 concernant la sécurisation de l’extraction des déchets des Mines de potasse d’Alsace et l’article 233 relatif à la création de pôles d’appui à la scolarité. Les juges de la rue Montpensier ont également censuré des dispositions relatives à l’exonération de certains impôts bénéficiant aux fédérations sportives internationales reconnues par le Comité international olympique et à leurs salariés. Parmi les principales mesures de cette loi de finances pour 2024, il est possible de citer : l’indexation sur l’inflation du barème de l’impôt sur le revenu, la prolongation du prêt à taux zéro, la suppression de la « niche fiscale AirBnb » (v. infra « Rubrique Fiscalité et procédures fiscales »), la sortie progressive du bouclier tarifaire, le crédit d’impôt « Industrie verte », l’impôt minimum sur les grandes entreprises, ou encore la revalorisation des traitements des professeurs et fonctionnaires.
La loi du 18 décembre 2023 de programmation des finances publiques pour 2023-2027
La loi de programmation des finances publiques pour les années 2023 à 2027 a été promulguée le 18 décembre 2023 par le Chef de l’État, puis publiée au Journal officiel (L. n° 2023-1195 du 18 déc. 2023 de programmation des finances publiques pour les années 2023 à 2027, JORF n° 0293 du 19 déc. 2023). Le Conseil constitutionnel a rendu sa décision de conformité sur ce texte le 14 décembre 2023. La loi définit la trajectoire pluriannuelle des finances publiques jusqu’en 2027 et les moyens qui permettront de l’atteindre, dans un contexte de sortie de crise économique et sanitaire liée à la Covid-19. Un retour du déficit public sous la barre des 3 % du PIB est prévu d’ici 2027 par le texte (contre 4,9 % en 2023). Dans le détail, le législateur table sur une croissance de 1,4 % en 2024 et à un rythme un peu plus important à partir de 2025 (1,7 % en 2025 et 2026 et 1,8 % en 2027). La loi prévoit de ramener le déficit public sous la barre des 3 % du PIB d’ici quatre ans. Après une stabilisation à 4,8 % en 2022 et 4,9 % en 2023, le déficit public serait ramené à 4,4 % en 2024, à 3,7 % en 2025 puis 3,2 % en 2026 pour atteindre 2,7 % en 2027. Parallèlement, la dette publique serait relativement stable à 109,7 % du PIB en 2023 et 2024, à 109,6 % en 2025, à 109,1 % en 2026 avant de baisser à 108,1 % en 2027 (contre 111,8 % pour 2022). A noter qu’une des dispositions du texte prévoit une diminution de l’impact environnemental du budget de l’État en réduisant de 30 % le ratio entre les dépenses défavorables à l’environnement et les dépenses dont l’impact est favorable et mixte, entre la loi de finances pour 2022 et le projet de loi de finances pour 2027 (contre 10 % dans le projet de loi initial).
->Patrimoine de l’État
La politique immobilière de l’État
La Cour des comptes a été saisie par le Comité d’évaluation et de contrôle des politiques publiques de l’Assemblée nationale d’une demande d’enquête sur la politique de l’État pour la gestion des 192 000 bâtiments de son parc immobilier. La Cour publié son rapport le 7 décembre. Ce rapport comprend trois parties respectivement consacrées à une description de ce parc, au retard pris dans la rationalisation des surfaces de bureaux et dans la mise aux normes des bâtiments au regard notamment des enjeux climatiques, et à l’organisation institutionnelle et budgétaire de la fonction immobilière issue de la réforme de 2016. La Cour constate que l’organisation et les moyens actuels ne permettront pas de faire face au « mur d’investissement » qui se présente dans un contexte de nécessaire rationalisation et de préparation du changement climatique. La Cour considère que la mise en œuvre efficace des investissements à venir exige au préalable que soient mieux garantis les intérêts de l’État-propriétaire. Elle impose également que la gestion immobilière soit davantage professionnalisée tout en satisfaisant les besoins des occupants. Le rapport invite à définir une stratégie beaucoup plus claire et volontaire et propose trois scénarios de réforme. Le premier scénario est celui d’un renforcement de la direction de l’immobilier de l’État (DIE) en tant que représentante de l’État-propriétaire : il consisterait à l’associer davantage à la procédure budgétaire en confortant le rôle et la portée des conférences immobilières et en rendant obligatoire la « labellisation » interministérielle de toutes les opérations financées sur le budget de l’État. Le deuxième scénario consisterait à organiser une séparation des responsabilités de propriétaire et d’occupant, en opérant une centralisation des opérations du propriétaire sur une ou plusieurs structures professionnelles placées sous l’autorité de la DIE. Le troisième scénario, le plus réformateur, propose de transférer la propriété des biens à une ou plusieurs foncières, externes à l’administration mais détenues par l’État et soumises à son contrôle, qui factureraient des loyers réels aux ministères occupants. Quel que soit le scénario retenu, la Cour considère qu’il doit s’appliquer au parc de bureaux, puis dans un second temps aux logements. En l’état, le constat de la Cour demeure particulièrement critique.
COMPTABILITÉ PUBLIQUE
->Responsabilité des gestionnaires publics
Première audience publique à la Cour d’appel financière
La Cour d’appel financière s’est réunie en audience publique le vendredi 22 décembre, pour juger un appel formé contre l’arrêt de la chambre du contentieux de la Cour des comptes « Société Alpexpo » du 11 mai 2023. La formation de jugement était présidée par Pierre Moscovici, Premier président de la Cour des comptes, Président de la Cour d’appel financière. Pour l’occasion, la Cour a publié le 20 décembre 2023 un communiqué de presse pour annoncer cette audience. Il s’agit en effet de la première audience de la Cour d’appel financière, créée par l’ordonnance du 23 mars 2022 relative au régime de responsabilité financière des gestionnaires publics, et installée le 18 juillet 2023. Cette juridiction nouvelle associe des juges professionnels (conseillers d’État et conseillers maîtres à la Cour des comptes) et non professionnels (personnalités qualifiées). Ce premier appel émane du Procureur général près la Cour des comptes, ministère public près la Cour d’appel financière. Dans le cadre de cet appel, la Cour pourrait être amenée à déterminer dans quelle mesure il serait possible de reprocher à un gestionnaire public de s’être octroyé à lui-même un avantage injustifié, lorsque les faits en cause sont antérieurs au 1er janvier 2023, date d’entrée en vigueur de la loi nouvelle. La Cour pourrait être également conduite à se prononcer sur la mise en œuvre de la condition nouvelle de « préjudice financier significatif », désormais nécessaire pour caractériser une infraction aux règles d’exécution des recettes et des dépenses ou concernant la gestion des biens de l’organisme. L’arrêt sera rendu au cours des premières semaines de l’année 2024 (NDLR : la Cour a rejeté la requête du Procureur général ; voir nos commentaires dans les Repères de janvier).
FINANCES LOCALES
->Dépense publique locale
Les dépenses locales dans la loi de programmation des finances publiques pour 2023-2027
Après l’échec de l’automne 2022, le Gouvernement a réussi à faire voter le projet de loi de programmation des finances publiques pour les années 2023-2027. Contrairement à la loi de programmation pour les années 2018-2022, il n’y a aucun dispositif contraignant ou « pseudo-contractuel » pour les collectivités pour la période actuelle. Cette loi permet de fixer le cadre pour les dépenses publiques. Notons pour les collectivités territoriales les éléments suivants en matière de dépenses et d’endettement : solde effectif (0,0 en 2022 ; -0,3 en 2023 et 2024 ; -0,2 en 2025 et 2026 et 0,4 en 2027) ; dépense publique locale (295 Md€ en 2022 ; 312 Md€ en 2023 ; 322 Md€ en 2024 ; 329 Md€ en 2025 et 2026 ; 331 Md€ en 2027) soit une évolution de la dépense publique locale en volume (0,1 % en 2022 ; 1 % en 2023 ; 0,9 % en 2024 ; 0,2 % en 2025 ; -1,9 % en 2026 et -1 % en 2027).
->Transferts de l’État
Les transferts dans la loi de programmation des finances publiques pour 2023-2027
Compte de tenu de ces objectifs, l’État souhaite limiter sa participation aux éléments suivants : un total des concours financiers de l’État aux collectivités territoriales de 54,9 Md€ en 2023 ; de 54,3 Md€ en 2024, de 54,9 Md€ en 2025, de 55,6 Md€ en 2026, et 56,0 Md€ en 2027. Hors mesures exceptionnelles, le total des concours financiers de l’État aux collectivités territoriales est programmé à 52,8 Md€ pour 2023 ; 53,9 Md€ pour 2024 ; 54,9 Md€ pour 2025 ; 55,6 Md€ pour 2026 et 56,0 Md€ pour 2027. Parmi ces concours financiers de l’État aux collectivités territoriales, on retrouve le fonds de compensation pour la taxe sur la valeur ajoutée programmé à 6,7 Md€ pour 2023 ; 7,1 Md€ pour 2024 ; 7,6 Md€ pour 2025 ; 7,8 Md€ pour 2026 et 7,7 Md€ pour 2027. Mais aussi le total de la mission « Relations avec les collectivités territoriales » (hors mesures exceptionnelles) : 4,0 Md€ pour 2023 ; 4,1 Md€ pour 2024 à 2027. Mais également le prélèvement sur les recettes de l’État au profit des collectivités territoriales (hors mesures exceptionnelles) programmé à 36,9 Md€ pour 2023 ; 37,3 Md€ pour 2024 ; 37,5 Md€ pour 2025 ; 37,8 Md€ pour 2026 et 38,0 Md€ pour 2027. Enfin au titre de la taxe sur la valeur ajoutée affectée aux régions (ex-DGF) la programmation prévoit : 5,0 Md€ pour 2023 ; 5,3 Md€ pour 2024 ; 5,5 Md€ pour 2025 ; 5,7 Md€ pour 2026 et 6,0 Md€ pour 2027.
->Données générales sur les finances locales
Les finances des régions et des collectivités territoriales uniques en 2022
Dans cette nouvelle note, la DGCL examine la situation financière des régions en 2022. Cette analyse peut certes sembler anachronique début 2024… De façon générale, au cours de cette année, l’épargne brute est en hausse (+8,1 %, après +13,9 % en 2021). Toutefois, elle est en baisse par rapport au niveau de 2019 (-3,4 %). Cette amélioration en 2022 s’explique par des recettes de fonctionnement plus dynamiques (+4 %) que les dépenses (+3 %). L’évolution des dépenses de fonctionnement devra se réduire dès 2024 pour respecter les perspectives de la loi de programmation des finances publiques. En matière de dépenses d’investissement, celles-ci baissent de 1 % malgré l’inflation, révélant une tendance à la baisse. Les recettes d’investissement, quant à elles, se stabilisent. Au final la situation s’avère plutôt saine avec un encours de dette favorable et une amélioration de la capacité de désendettement. Demeure l’incertitude en matière d’investissement car les régions constituent un point central dans la transition énergétique.
La loi de finances de fin de gestion pour 2023 et les finances locales
Cette loi de finances, sans être bien évidemment la plus importante de la fin d’année, apporte malgré tout son lot de nouveautés (L. n° 2023-1114 du 30 nov. 2023 de finances de fin de gestion pour 2023, JORF n° 0278 du 1er déc. 2023). La dotation titres sécurisés (DTS) va faire l’objet de versements exceptionnels pour les communes éligibles (art. 11) pour un montant de 27,5 M€ pour le budget de l’État, portant cette dotation de 72 à 100 M€ en 2023. Cette loi de finances crée également un fonds de reconstruction après les violences urbaines du début de l’été d’un montant de 64,3 M€. Notons par ailleurs d’autres crédits comme la réfection des ponts (20 M€), pour la rénovation du réseau d’eau potable (50 M€ destinés aux agences de l’eau) ou encore pour la réfection du réseau routier communal et départemental.
La loi de finances pour 2024 et les finances locales
Cette loi de finances n’est pas une loi de rupture mais plutôt d’accompagnement des précédentes réformes. Parmi les mesures emblématiques, notons l’allongement de la suppression de la CVAE sur quatre ans au lieu de deux ans comme initialement envisagé. En termes de montant, les prélèvements opérés sur les recettes de l’État au profit des collectivités territoriales sont évalués à 45,057 Md€ (art. 137) contre 45,590 Md€ en loi de finances pour 2023. En matière de DGF, celle-ci s’élève à 27,245 Md€ contre 26,931 Md€ en loi de finances pour 2023 soit une hausse de 314 M€. Les hausses concernent principalement les parts dites de péréquation avec notamment 140 M€ qui seront fléchés vers la DSU, 150 M€ vers la DSR et 30 M€ vers la dotation d’intercommunalité. En matière d’exonération, les zones de revitalisation rurale (ZRR) laissent désormais place à « France Ruralités Revitalisation » avec notamment des critères d’éligibilité revus, composé d’un niveau socle et d’un niveau renforcé dénommé FRR+ pour les communes les plus fragiles.
->Contrôle des budgets
Obligation de certification au plan local : la Cour des comptes hausse le ton
Le 11 décembre, la Cour des comptes a rendu public un référé adressé au ministre de l’économie, au ministre délégué chargé des comptes publics et au ministre délégué chargé des collectivités territoriales, demandant de rendre la certification des comptes obligatoire pour les collectivités les plus importantes. La Cour estime que l’absence de certification est incohérente avec l’obligation de certification touchant les autres administrations (Sécurité sociale, établissements publics) et estime que cette démarche se justifie par ses apports en matière de qualité des comptes publics. Le Gouvernement préfère maintenir le caractère facultatif de la certification. Dans sa réponse au référé, le ministre délégué chargé des collectivités territoriales dit partager l’objectif d’amélioration de la qualité comptable mais explique préférer d’autres options telles que la généralisation du référentiel M57 ou encore le développement du compte financier unique (CFU).
FINANCES SOCIALES
->Situation des comptes sociaux
La protection sociale en France et en Europe en 2022
La DREES a publié le 14 décembre le rapport sur la protection sociale en France et en Europe en 2022 (NB : les comptes de la protection sociale couvrent un périmètre sensiblement plus large que celui des lois de financement de la SS). En France, les dépenses de la protection sociale ont augmenté de 1,7 % en 2022, après +2,6 % en 2021 et +6,9 % en 2020, confirmant ainsi la forte diminution des besoins entrainés par la crise sanitaire, cette progression restant sensiblement inférieure à celle de l’inflation. En Europe, l’augmentation a été de +2,5 %, après +3,1 % en 2021 et +8,3 % en 2020 ; la part des dépenses sociales dans le PIB a baissé, mais elle reste, en France, sensiblement supérieure (32,2 % du PIB en 2022) à celle qui est constatée dans l’UE-27. Les dépenses consacrées à la vieillesse continuent de représenter, dans notre pays, la majeure part des dépenses de la protection sociale (44,2 % en 2022), devant les dépenses de santé (37%). La part des dépenses consacrées à l’emploi a diminué, du fait de la sortie progressive des dispositifs de soutien exceptionnel, et celle des dépenses consacrées à la pauvreté et à l’exclusion est restée stable. Du fait de la forte croissance des recettes consécutive à la reprise économique et à l’inflation, le solde de la protection sociale, en France, est redevenu, en 2022, pour la première fois depuis 2019, excédentaire (+11 Md€), après les déficits record de 2020 (-50 Md€) et de 2021 (-17 Md€).
->Loi de financement de la Sécurité sociale
Publication de la LFSS pour 2024
La loi n° 2023-1250 du 26 décembre 2023 portant LFSS pour 2024, définitivement adoptée par le Parlement le 4 décembre après mise en œuvre de l’article 49 alinéa 3 de la Constitution, a été publiée au Journal Officiel du 27 décembre. Dans sa décision du 21 décembre, le Conseil constitutionnel a censuré un petit nombre de dispositions de la LFSS ainsi que divers cavaliers sociaux ; la censure la plus importante a porté sur le renforcement du contrôle des prescriptions d’arrêt-maladie, sur lequel le gouvernement comptait pour freiner le dérapage des indemnités journalières : le Conseil a en effet rejeté la possibilité de faire suspendre le versement des indemnités journalières par un contrôle à l’initiative de l’employeur de la prescription d’arrêt de travail délivrée par le médecin du salarié. Dans la LFSS 2024 (dont les principales dispositions ont déjà été analysées ; v. Repères de sept. 2023) le solde prévisionnel 2024 des régimes obligatoires de base et du FSV s’établit finalement à -10,5 Md€, soit un peu moins que les -11,2 Md€ du projet initial du Gouvernement du fait d’économies réalisées sur l’Assurance maladie.
->Politique de l’emploi
Les projets du ministre du Travail.
Dans un entretien aux « Échos » du 15 décembre, le ministre du Travail, Olivier Dussopt, a précisé ses orientations pour la poursuite de l’action en faveur du plein-emploi. Après avoir rappelé les réformes déjà intervenues qui concourent à cet objectif-réforme de l’indemnisation du chômage avec notamment l’introduction de la contracyclicité, création de France Travail, réforme du partage de la valeur, report de l’âge légal de la retraite à 64 ans, il a annoncé plusieurs nouvelles étapes: validation de la nouvelle convention UNEDIC issue des travaux des partenaires sociaux (v. Repères de nov. 2023) sous réserve de l’aboutissement de la négociation sur l’emploi des seniors et de la prise en compte des effets de la réforme des retraites pour la fixation des bornes d’âge d’indemnisation, augmentation des places en formations courtes opérationnelles avant embauche pour les demandeurs d’emploi, simplification des dispositifs de reconversion. Il a également esquissé les contours de l’acte II de la réforme de l’emploi, qui donnerait lieu à une nouvelle loi, avec les mesures sur l’emploi des seniors actuellement en cours de discussion (cf. infra) chez les partenaires sociaux sur la base du document d’orientation que leur a transmis le gouvernement (v. Repères de nov. 2023), la simplification des procédures de licenciement, la réforme des ruptures conventionnelles, les aménagements à apporter à l’apprentissage et au compte personnel de formation, et, plus largement, des réflexions sur la pérennité du financement de la protection sociale.
Publication de la loi sur le plein emploi
Au Journal Officiel du 19 décembre a été publiée la loi n° 2023-1196 du 18 décembre 2023 sur le plein emploi. Ce texte comporte quatre volets. Premièrement, au 1er janvier 2024 le nouvel opérateur « France Travail » va remplacer Pôle Emploi, avec une mission fortement centrée sur l’accompagnement des chômeurs dans la recherche d’un emploi, et des entreprises dans leurs recrutements ; autour de France Travail s’articulera un « réseau pour l’emploi », qui associera l’État, les collectivités locales, les missions locales et Cap Emploi ; un « comité national pour l’emploi » en définira les orientations au niveau national. Deuxièmement, il s’agit d’une mesure très largement commentée : une inscription systématique à France Travail sera mise en œuvre pour tous les demandeurs d’emploi, et en particulier pour les bénéficiaires du RSA, qui sont très nombreux à ne pas faire cette démarche; ceux-ci devront signer un contrat d’engagement, qui comportera une obligation d’au moins 15 heures d’activité par semaine (travail ou formation…), durée qui pourra toutefois être adaptée à la situation personnelle et familiale de l’intéressé (cette mesure étant actuellement à l’expérimentation dans 18 départements) ; le non-respect de l’engagement pourra être sanctionné par la suspension totale ou partielle de l’allocation. Troisièmement, on retrouve la facilitation de l’accès à l’emploi des travailleurs handicapés dans les entreprises ordinaires, les orientations de ceux-ci seront prononcées par les maisons départementales des personnes handicapées (MDPH) sur préconisation de France Travail, en privilégiant l’accès en milieu ordinaire simple ou accompagné. Enfin, quatrièmement, on retrouve des mesures en faveur de l’accueil des jeunes enfants de façon à supprimer les freins à la reprise d’activité des parents, les communes se voyant confier le rôle d’autorité organisatrice de l’accueil du jeune enfant, en même temps que le contrôle des crèches sera renforcé suite à un récent rapport de l’IGAS. Auparavant le Conseil Constitutionnel, dans sa décision du 14 décembre, n’avait procédé qu’à des réserves mineures sur le texte qui lui avait été soumis.
Début de la négociation interprofessionnelle sur l’emploi des seniors
Corollaire indispensable de la réforme des retraites intervenue au printemps, le traitement de la question de l’emploi des seniors va faire l’objet d’une négociation entre les partenaires sociaux, qui s’est ouverte le 22 décembre. Celle-ci va se dérouler sur la base du document de cadrage envoyé par le Gouvernement (v. Repères de nov. 2023), qui comporte trois thèmes : le compte épargne temps universel (CTU), la progression des carrières et l’usure, et les reconversions professionnelles. La négociation devrait se poursuivre jusqu’au 26 mars, après quoi le gouvernement examinera ses conditions de transposition dans une loi.
Les contrats aidés et leur impact sur l’emploi
Le site FIPECO a actualisé sa fiche sur les contrats aidés. Initiés en 1984 avec les « travaux d’utilité collective » ; les contrats aidés ont vu leur nombre culminer à près de 900 000 dans les années 1996-2000, puis très fortement diminuer jusqu’en 2010, avant de remonter jusqu’à 400 000 en 2014-2020 surtout dans le secteur non-marchand, puis retomber à un niveau très faible en 2020, et, enfin, rebondir un peu lors de la crise sanitaire avec le dispositif des « Parcours emploi compétences » ; ceux-ci ont bénéficié au secteur public et associatif, dans le cadre du plan « Un jeune, une solution » (toutefois, il convient de réintroduire dans ces volumes les contrats passés par les entreprises d’insertion par l’activité économique, qui ressemblent fortement aux contrats aidés « classiques » et qui ont fortement augmenté durant la période récente). La fiche passe ensuite en revue les différentes évaluations qui ont été faites de l’utilité des contrats aidés- celle-ci apparaissant plus incertaine dans le secteur non-marchand-et, enfin, elle apporte des éléments de comparaison internationale.
->Dépenses de santé, hôpital, assurance maladie
Remise du rapport sur l’aide médicale d’État
Patrick Stefanini et Claude Evin ont remis le 4 décembre leur rapport sur l’aide médicale d’État (AME). Très controversé pour son coût (1 Md€ en 2022) et pour l’effet d’attraction qu’il exercerait sur l’immigration illégale, ce dispositif, qui vise à prendre en charge les frais médicaux des étrangers en situation irrégulière a été au cœur des débats sur le projet de loi immigration. En novembre 2023, le Sénat, dans le cadre de l’examen en première lecture du projet de loi gouvernemental, l’avait remplacé par une aide médicale d’urgence (AMU) beaucoup plus ciblée. Le rapport relève d’abord que le dispositif actuel est globalement maîtrisé, même si le nombre des bénéficiaires a fortement augmenté (+39 %) entre 2015 et 2023, que tous les bénéficiaires ne sont pas nécessairement en situation irrégulière et que leur répartition est fortement concentrée sur quelques territoires (Région parisienne, Outremer – particulièrement la Guyane-auxquels s’ajoutent un petit nombre de départements de métropole). Il indique que le contrôle de la délivrance des droits a été renforcé par la mise en œuvre des conclusions du rapport IGF-IGAS de 2019. Il conteste la proposition d’AMU votée par le Sénat en pointant le fait que l’AME n’apparaît pas en soi comme un facteur d’attractivité pour les candidats à l’immigration, mais qu’elle peut toutefois contribuer, par l’octroi d’avantages annexes, au maintien en situation irrégulière d’étrangers dont elle constitue parfois le seul droit. La mission énonce une série de propositions de réforme de l’AME, dont les principales sont le resserrement de la vérification des conditions d’accès, l’organisation d’un bilan de santé à l’arrivée des demandeurs d’asile, l’extension du recours à l’accord préalable, l’ouverture d’une réflexion pour réduire les risques d’initialisation de soins chroniques et lourds, l’exclusion du bénéfice de l’AME des personnes frappées d’éloignement du territoire pour des motifs d’ordre public. À la fin du débat sur la loi immigration, la Première ministre a disjoint les dispositions sur l’AME, en s’engageant à ce que le sujet soit traité au début de 2024.
Les cliniques privées et les EHPAD demandent une revalorisation des salaires
Selon des informations parues dans « les Échos » les fédérations des cliniques et EHPAD privés, qui rassemblent plus de 250 000 salariés, ont trouvé un accord pour revoir les grilles de salaire dans leur branche, dans la ligne de ce que réclame le gouvernement pour la remise en ordre des salaires dans les branches qui ont des salaires en dessous du SMIC. Toutefois, pour ces fédérations, cette remise à plat ne pourra être appliquée à partir de 2024 sans un soutien financier de l’État, qu’elles évaluent à 700 M€, mais rien n’est prévu à ce titre par la loi de financement de la Sécurité sociale pour 2024 qui vient d’être votée par le Parlement, le gouvernement donnant plutôt la priorité à la compensation de l’inflation pour les budgets de fonctionnement des établissements de santé tant publics que privés.
Étude de la DREES : un bénéficiaire du RSA sur cinq reste les dix années suivantes dans la prestation
Alors que la loi sur le plein emploi qui vient d’être publiée (v. supra) impose aux bénéficiaires du RSA des engagements en matière d’activité et de formation, une étude de la DREES vient éclairer la trajectoire de ceux-ci sur une période de 10 ans. Il en ressort que deux sur cinq des bénéficiaires ont connu une sortie et une nouvelle entrée dans le dispositif, deux sur cinq l’ont quitté définitivement sans y revenir et un sur cinq est resté dans la prestation pendant les 10 ans. Il apparaît également que plus l’ancienneté dans le RSA est élevée, plus le bénéficiaire risque d’y rester longtemps, du fait d’une moindre qualification, de problèmes de santé, et que les plus âgés et les plus jeunes perçoivent plus de fois la prestation que les personnes entre 25 et 40 ans. Enfin, les bénéficiaires qui se trouvaient déjà en emploi salarié au début de la période ont quitté plus facilement le dispositif.
Limitation des contrats d’intérim à l’hôpital
Une proposition de loi de la majorité présidentielle (« proposition Valletoux ») visant à limiter le travail en intérim en début de carrière dans les hôpitaux et les établissements médico-sociaux pour les professionnels de santé vient d’être définitivement adoptée par le Sénat. Ce mode de recrutement qui s’est développé du fait des pénuries de personnels hospitaliers s’avère particulièrement coûteux pour les établissements. Cette initiative fait suite à la décision du gouvernement, au printemps dernier, de plafonner la rémunération des médecins intérimaires.
Note de la DREES : les suppressions de lits à l’hôpital
Une note de la DREES fait le point sur la capacité d’accueil des établissements hospitaliers en 2022. Celle-ci fait apparaître que le nombre de lits en état d’accueillir des patients continue de reculer (-1,8 % en 2022), à un rythme même plus rapide qu’avant la crise sanitaire (-0,9 % par an en moyenne sur la période 2013-2019) ; depuis fin 2013, le nombre cumulé de suppressions de lits a été de 39 000 et le nombre de lits en soins critiques diminue, mais reste supérieur à celui qui était recensé fin 2019. En revanche le nombre de places d’hospitalisation partielle, ainsi que les capacités d’accueil de l’hospitalisation à domicile, progressent plus vite qu’avant la crise sanitaire. Ces résultats traduisent la poursuite du mouvement vers l’ambulatoire des établissements hospitaliers.
Rapport 2023 sur la situation des complémentaires santé et bras de fer entre celles-ci et le Gouvernement
La DREES a publié son rapport annuel sur la situation en 2022 des organismes de complémentaires santé. Comme les années précédentes, l’étude relève la poursuite du mouvement de concentration. Le montant des prestations versées a continué d’augmenter, mais à un rythme moindre (+3,8 %) après le rattrapage enregistré en 2021 ; les produits des cotisations ont augmenté de près de 3 % en 2022, à un rythme équivalent à celui de 2021, le ratio des charges de gestion dans le produit de ces cotisations restant stable – autour de 20 % – depuis 2015. Comme en 2021, le résultat technique des organismes est quasiment à l’équilibre, et leur degré de solvabilité au regard des ratios (Solvabilité 2) est jugé solide. Ce bilan intervient à un moment où un bras de fer s’est engagé entre le gouvernement et les complémentaires santé, au vu des prévisions de revalorisation des cotisations de ceux-ci pour 2024, qui sont jugés excessives par le ministère de la Santé (+8 % en moyenne) malgré les justifications des organismes qui invoquent le dynamisme des dépenses de santé et les effets de la prise en charge à 100 % pour certaines prestations notamment pour le dentaire.
->Dépenses liées à la Famille
Rapport du Haut Conseil de la famille, de l’enfance et de l’âge sur le pouvoir d’achat des familles face à l’inflation
Le rapport du Haut conseil de la famille, de l’enfance et de l’âge (HCFEA) publié par France Stratégie relève que, depuis le retour de l’inflation en 2022, ce sont les familles avec enfants qui ont été le plus exposées aux conséquences de l’augmentation des prix, du fait de la hausse plus substantielle du panier de biens et services qui fait une part importante à l’alimentation et à l’énergie ; les familles nombreuses et monoparentales ont été le plus affectées, avec une précarité alimentaire plus élevée dans les ménages avec enfants. Le rapport fait un bilan contrasté des mesures d’aide exceptionnelles intervenues en 2021-2022 pour le soutien au pouvoir d’achat: l’indemnité inflation, très coûteuse (3 Md€) mais trop peu ciblée, a peu soutenu le niveau de vie des familles ; l’effet des mesures tarifaires (bouclier électricité-gaz, remise carburant…), qui ont coûté 21 Md€ sur 2021-2022, a été plus marqué pour les ménages avec deux adultes et a progressé en fonction du nombre d’enfants, mais n’a pas suffi à compenser la perte de pouvoir d’achat. En revanche, la revalorisation anticipée des prestations de solidarité et des prestations familiales s’est avérée la mesure la plus efficace, même si ces prestations ont enregistré une perte de pouvoir d’achat de 4 % entre 2021 et 2034. Le rapport fait un certain nombre de propositions, comme un rattrapage exceptionnel des prestations familiales et de solidarité au 1er avril 2024, assorti d’une proposition de révision automatique dès que l’inflation dépasse 2 %, ainsi que des mesures de soutien aux associations, en particulier d’aide alimentaire.
FISCALITÉ ET PROCÉDURES FISCALES
->Politique fiscale
Une mission d’information parlementaire sur la situation fiscale des classes moyennes
La commission des finances de l’Assemblée nationale a lancé une mission d’information parlementaire sur la rémunération de l’épargne populaire et des classes moyennes. Selon le député Lefèvre, co-rapporteur issu de la majorité, il s’agit de lancer des réflexions sur « le reste à vivre des travailleurs de la classe moyenne », de faire le bilan de la prime d’activité mise en place depuis une dizaine d’années et des exonérations de charges patronales sur les bas salaires. En 2022, le nombre d’allocataires de la prime d’activité s’est accru de 3,5 % avec 4,8 M de foyers bénéficiaires, selon la direction de la recherche, des études de l’évaluation et des statistiques (DREES), service statistique ministériel dans les domaines de la santé et du social, pour un coût global de 9,8 Md€, dont les moyens dévolus à ce dispositif se sont accrus en 2019 en réponse à la crise dite des « gilets jaunes ». Si ces dispositifs couteux pour les finances publiques ont joué un rôle d’amortisseur social durant les crises, le risque de saupoudrage budgétaire est aussi patent à la sortie de celles-ci. La mission d’information réfléchit ensuite à un crédit d’impôt ciblé répondant à l’objectif d’incitation au retour au travail, afin de préparer les mesures fiscales à hauteur de 2 Md€ envisagées par le Président Macron au printemps 2023 après la réforme des retraites (v. Repères, mars 2023). La baisse d’impôt pour les classes moyennes serait prévue dans le cadre de la préparation de la loi de finances pour 2025. L’objectif de la mission est d’éviter de reproduire le précédent risque de saupoudrage budgétaire observé avec la baisse de 4 Md€ de l’impôt sur le revenu, décidée lors du premier quinquennat Macron sans grand impact politique. Pour éviter une mesure qui consisterait à baisser une tranche de l’impôt sur le revenu en bas de barème, au risque de passer politiquement inaperçue, la réflexion porterait plutôt sur un crédit d’impôt ciblé qui aurait vocation à être un vecteur puissant d’incitation à la reprise d’activité…
Les nouvelles prévisions de recettes de la Banque de France
La Banque de France avait publié le 18 septembre 2023 ses projections macroéconomiques. La croissance devrait être plus élevée que les précédentes estimations en 2023, cependant elle devrait être « suivie d’une reprise plus progressive ». La Banque de France estimait en effet que la hausse du PIB devrait atteindre 0,9 % en 2023 soit une hausse de 0,2 point par rapport aux prévisions de juin. Dans sa note actualisée mi-décembre, la Banque de France a légèrement réduit sa prévision de croissance, de 0,9 % à 0,8 % pour 2023. Elle a en revanche maintenu inchangées ses projections de croissance pour 2024 (0,9 %). Selon elle, la croissance française souffrirait de la hausse des prix de l’énergie et de la baisse de la demande mondiale adressée à la France. C’est donc moins que celle espérée par le Gouvernement, loin de l’accélération nécessaire pour atteindre les objectifs budgétaires (1,4 % pour ramener le déficit public à 4,4 % en 2024), ce qui interroge sur la sincérité des prévisions contenues en loi de finances pour 2024, alors que l’examen parlementaire du projet de loi de finances pour 2024 a accru la charge publique. « C’est un ralentissement incontestable, mais ce n’est pas la récession que l’on craignait » selon le gouverneur de la Banque de France. Il faut espérer que le reflux de l’inflation se confirme…
Fiscalité : la décision du Conseil constitutionnel sur la loi de finances pour 2024
Après que le Parlement ait examiné le projet de loi de finances pour 2024 dans les conditions prévues par la Constitution et la LOLF, et que le Gouvernement ait eu recours à plusieurs reprises aux dispositions de l’article 49 alinéa 3 de la Constitution pour en achever l’examen parlementaire, 60 députés et sénateurs du groupe LR et 60 députés de la NUPES ont saisi le Conseil constitutionnel de la loi de finances pour 2024 dont ils ont critiqué la procédure d’adoption et la sincérité budgétaire de ses prévisions (Cons. const., décis. n° 2023-862 DC, 28 déc. 2023). Le Conseil constitutionnel a validé la très grande partie du projet de loi de finances pour 2024. Il a censuré douze dispositions qualifiées de cavaliers budgétaires. Il a également censuré, comme méconnaissant le principe d’égalité devant les charges publiques, l’article 31 de la loi déférée modifiant le cadre fiscal particulièrement avantageux concernant les fédérations sportives internationales reconnues par le Comité international olympique ainsi que leurs salariés.
Le retour de la « soupe parlementaire » en matière fiscale et budgétaire ?
« C’est le budget que je veux dire, ou le débat sur le budget. Il tient une terrible place dans la soupe parlementaire et on n’en vient jamais à bout. Que fait la Chambre aujourd’hui ? Elle discute le budget. Que faisait-elle hier ? Elle discutait le budget. Que fera-t-elle demain ? Elle discutera le budget ». Ce constat, dressé en 1913 par Jean Jaurès, n’est plus aujourd’hui d’actualité avec la rationalisation parlementaire mise en œuvre en matière financière sous la Ve République. Toutefois, certains observateurs parlent de « grand bazar » pour évoquer l’examen de la loi de finances pour 2024 à l’Assemblée nationale. Cet examen peut en effet être qualifié de chaotique. « Ça fait trente ans que je siège au sein de la commission des finances, je n’ai jamais vu cela », a soupiré le député de Courson, rendu célèbre par la bataille sur les retraites, pour résumer le marathon budgétaire de l’automne 2023. « La clarté de nos débats et la lisibilité des priorités des uns et des autres n’ont pas toujours été au rendez-vous », a regretté le rapporteur général du budget. Quelques chiffres suffisent à éclairer ce constat. Au total, si l’on additionne ceux de la commission des finances et de la séance publique, 17 602 amendements ont été déposés par les députés à l’automne. A titre de comparaison, il y en avait eu 11 142 en 2022, ce qui était déjà significatif. En moyenne, 9 800 amendements avaient été déposés sous la législature précédente, ce qui constituait déjà un net accroissement par rapport à la situation des précédentes législatures. L’obstruction parlementaire a fait son entrée à l’Assemblée nationale dans les débats budgétaires depuis 2017. « Sans la Constitution, il aurait fallu aller jusqu’à Pâques pour examiner tous les amendements », a souligné la députée Dalloz dans « Les Échos ». Les débats budgétaires et fiscaux à l’Assemblée nationale semblent être désarticulés. Comment sortir de cette impasse ? Le ministre des comptes publics a proposé d’avancer les discussions de plusieurs mois, y compris avec les oppositions. Au lieu d’attendre le printemps, le « cadrage » avec les ministères et la majorité pourrait commencer dès le début de l’année, avant des discussions dès février avec les oppositions pour voir « dans quelles conditions » elles pourraient s’abstenir sur le vote du budget. La voie semble être pour le moins insolite. Il y a deux ans, le Gouvernement avait déjà proposé « Les Dialogues de Bercy » pour discuter avec les oppositions avant la présentation du projet de loi de finances, ce qui semble assez singulier (v. la tribune de A. Baudi et X. Cabannes, « Associer l’opposition au budget ? Quelle drôle d’idée ! », Le Point, sept. 2022). Les parlementaires de l’opposition sont restés perplexes. Si le Gouvernement veut obtenir l’abstention de l’opposition parlementaire, il faudrait qu’il accepte de vraies concessions et donc de se lier les mains, ce qui est contraire à l’esprit de la Ve République en matière financière ! Non sans contradictions, le président de la commission des finances de l’Assemblée nationale, qui appartient au rang de l’opposition parlementaire, souhaite que les débats budgétaires et fiscaux ne soient pas embolisés par les amendements, tout en affirmant qu’il est opposé à ce qu’on limite le droit des députés à déposer des amendements. Et la discipline imposée par l’article 40 de la Constitution au titre des irrecevabilités financières ?
->Impôt sur le revenu
Crédit d’impôt des services à la personne : vers une limitation de l’avance immédiate ?
Pour lutter contre la fraude, le Gouvernement envisageait de resserrer le dispositif de crédit d’impôt instantané pour les services à la personne, deuxième dispositif de dépense fiscale le plus coûteux pour les finances publiques. L’idée consistait à limiter l’avance immédiate de ce crédit d’impôt. Le Gouvernement a été convaincu d’y renoncer pour ne pas freiner le succès du dispositif. Les mesures d’encadrement ont donc disparu du PLFSS pour 2024. Le crédit d’impôt est égal à 50 % des dépenses effectivement supportées, retenues dans une limite annuelle de 12 000 €, éventuellement majorée (enfant à charge ou rattaché, membre du foyer âgé de plus de 65 ans, etc.). La limite majorée ne peut pas excéder 15 000 €. Les dépenses sont retenues dans la limite de 20 000 € lorsque l’un des membres du foyer fiscal est titulaire d’une carte d’invalidité d’au moins 80 %. Depuis 2022, le solde est directement pris en charge par l’État, grâce au dispositif d’avance immédiate. Au lieu d’attendre un an pour être remboursé, ce crédit d’impôt instantané permet aux particuliers de ne pas avoir à avancer la trésorerie : ils ne paient plus que ce qui restera effectivement à leur charge (c’est-à-dire 6 000 € dans le cas classique). Malheureusement, ce dispositif novateur a été détourné par des fraudeurs, qui ont monté des sociétés fantômes et facturé des prestations fictives à des clients complices ou victimes d’usurpation d’identité, pour toucher l’avance immédiate de l’État sans réelle contrepartie. L’URSSAF a identifié plusieurs de ces structures pour un préjudice de plusieurs millions d’euros. Pour mettre un terme à cette fraude, le Gouvernement avait prévu plusieurs garde-fous dans le PLFSS pour 2024 (abaissement du plafond, contrôle des flux par l’URSSAF, etc.). Face aux professionnels du secteur, comme le groupe Domia (Acadomia et Shiva), le Gouvernement n’a pas souhaité freiner un dispositif qui rencontre un grand succès. Après 370 M€ d’avance immédiate versés en 2022, l’URSSAF devrait décaisser 850 M€ en 2023. Si ce dispositif semble permettre de créer de nombreux emplois (environ 360 000 sur la période 2022-2026) et de réduire d’autant le travail dissimulé, il doit être sérieusement contrôlé pour éviter les fraudes massives…
->Fiscalité locale
Vers une évolution de l’assiette foncière à 3,9 % en 2024 et un report de la RVLLP à 2026…
Depuis 2018 (L. n° 2017-1837 de finances pour 2018 du 30 déc. 2017), les valeurs locatives cadastrales sont revalorisées chaque année au moyen d’un coefficient forfaitaire qui tient compte de l’indice des prix à la consommation harmonisé (IPCH) publié par l’INSEE au mois de novembre précédent la taxation. En 2023, compte tenu de la valeur de l’IPCH constatée en novembre 2022, le coefficient de revalorisation a été fixé à 1,071, soit une augmentation forfaitaire de 7,1 % de la base de calcul des propriétés bâties et non bâties (hors locaux professionnels). La taxe d’enlèvement des ordures ménagères a été impactée de la même façon. En ce qui concerne les taux applicables, les collectivités territoriales concernées peuvent, chaque année, décider de les faire varier, ce qui induit un impact sur le niveau de la cotisation, comme cela a été par exemple observé pour la Ville de Paris cette année (v. Repères de sept. 2023). L’INSEE a publié en décembre l’indice des prix à la consommation harmonisé du mois de novembre 2023, soit une augmentation forfaitaire de 3,9 %. Quant à l’actualisation des valeurs locatives cadastrales des locaux professionnels, elle a été discrètement décalée d’un an et n’interviendra pas avant 2026. L’amendement est passé relativement inaperçu. Nul ne s’en est préoccupé, car il remet à plus tard un problème politique, qui embarrasse autant le Gouvernement que les parlementaires et les élus locaux.
Une note de l’INSEE sur les taxes foncières
Une note de l’INSEE publiée en décembre pointe la dégressivité des taxes foncières. Elle est largement due à l’obsolescence des valeurs locatives cadastrales utilisées pour déterminer le montant de la taxe foncière à acquitter. Les taxes foncières correspondent-elles à un impôt juste ? C’est un sujet récurrent analysé par la doctrine (v. D. Ytier, Recherche sur la fiscalité locale au prisme de l’égalité, Dalloz, 2021). Selon cette note de l’INSEE, les taxes foncières pèsent davantage sur les petits propriétaires que sur les plus fortunés. Les auteurs de cette note se sont appuyés sur une nouvelle base de données, détaillant le patrimoine immobilier des ménages français en 2017. Lorsqu’ils rapportent les montants de taxe foncière supportés par rapport aux revenus disponibles, il apparaît clairement que le taux d’effort des propriétaires modestes est bien plus élevé. De manière continue, le taux d’imposition décroît à mesure que la valeur des actifs immobiliers augmente. La première explication de cet apparent paradoxe est que la taxe foncière est calculée à partir de la valeur locative du bien. Cette déconnection est en partie liée au caractère obsolète de ces valeurs locatives, fixées dans les années 1970.
Un rapport du CPO pour une fiscalité du logement plus cohérente
Le rapport du Conseil des prélèvements obligatoires (CPO) est publié conjointement avec deux études inédites de l’INSEE et de l’Institut des politiques publiques (IPP), sur lesquelles il s’appuie. Des impôts sont prélevés sur tout le cycle de vie du logement, de la construction à la cession, pour un montant total de 92 Md€ en 2022. Orientée historiquement vers le financement des services publics, notamment locaux, cette fiscalité s’est progressivement complexifiée avec l’instauration d’avantages en faveur de la construction, puis d’aides à l’accès au logement, et en dernier lieu, de dispositifs de soutien à la rénovation énergétique du bâti. En conséquence, les dépenses fiscales se sont multipliées, jusqu’à représenter 15 Md€ en 2022. Le CPO recommande de les borner dans le temps et de les évaluer systématiquement. Selon le CPO, l’outil fiscal n’est pas le plus adapté pour répondre à la conjoncture du marché immobilier et doit être utilisé de façon sélective face aux enjeux structurels, notamment environnementaux, du bâti en France. Alors que les dépenses fiscales sur le logement sont nombreuses (70 en 2022) et coûteuses (15 Md€ en 2022), leurs effets sur le marché du logement paraissent globalement faibles. Le CPO recommande à ce titre de traiter de manière plus homogène la fiscalité du logement, d’une part, en taxant davantage la détention que les transactions via notamment une bascule des DMTO vers la taxe foncière, d’autre part, en corrigeant le traitement fiscal dans le temps des plus-values immobilières afin de tenir compte de l’érosion monétaire et des travaux d’amélioration réalisés par le vendeur et, enfin, en rapprochant puis en unifiant à terme les régimes fiscaux de la location meublée et de la location nue. Une telle refonte serait progressive et ne pourrait pas aboutir avant 2028.
Une note de l’IPP sur la suppression de la TH
La suppression progressive de la taxe d’habitation s’est traduite par une hausse des prix immobiliers et des loyers au bénéfice des propriétaires, mais pour des gains modestes, révèle une étude récente de l’IPP. Cette baisse d’impôt inédite se voulait une mesure de soutien au pouvoir d’achat. Une partie, certes limitée, du gain de pouvoir d’achat a été captée par une augmentation des prix immobiliers et des loyers. Selon l’IPP, les communes n’ont pas augmenté à due concurrence la taxe foncière pour les propriétaires.
->Impôts sur le capital
La controverse autour de la disparition de la niche fiscale « Airbnb »
Depuis cet été, une controverse est née depuis que le ministre des finances a annoncé vouloir rapprocher l’abattement fiscal bénéficiant aux locations touristiques de celui appliqué aux locations classiques. Le ministère du logement et plusieurs députés avaient plaidé pour un alignement total. Lors de l’examen du projet de loi de finances pour 2024 au Sénat, un amendement sénatorial a ramené à 30 % au lieu de 71 % l’abattement sur les revenus locatifs pour les meublés touristiques. Selon cet amendement, la fiscalité sur les meublés de tourisme serait ainsi alignée sur celle des logements nus traditionnels. Et le plafond passerait de 188 700 € à 15 000 €. Le Gouvernement a assuré qu’il maintiendrait la fiscalité préférentielle des meublés touristiques en 2024, en dépit de sa suppression « par erreur » dans la loi de finances pour 2024 qui vient d’être publiée au Journal officiel. De nombreux spécialistes s’interrogent donc sur la mise en œuvre de cette disposition législative dans le temps…
->Fiscalité environnementale
Le rehaussement possible des taxes sur l’électricité
Le Gouvernement n’a pas caché sa volonté de sortir du dispositif du bouclier tarifaire progressivement dès 2024. Le niveau des taxes sur l’électricité, quasiment nul depuis 2022, devrait amorcer une normalisation dès 2024, grâce à un amendement au projet de loi de finances pour 2024. La hausse des prix restera cependant limitée à 10 % maximum en février 2024. Avant la guerre en Ukraine, les taxes sur l’électricité étaient fixées à 32 €/MWh pour les particuliers. Depuis février 2022, elles ont été abaissées au minimum permis par le droit de l’Union européenne, soit 1 €/MWh pour les particuliers (et la moitié pour les entreprises). Le poids budgétaire de cette mesure pour les finances publiques est considérable : environ 9 Md€ par an. Il a semblé plus raisonnable au Gouvernement d’augmenter progressivement la fiscalité sur l’électricité, sans dépasser une hausse de 10 %. Selon les dernières projections du Gouvernement, les prix de gros de l’électricité se sont suffisamment repliés ces derniers mois pour que les tarifs régulés (TRVE) qui seront proposés par la Commission de régulation de l’énergie (CRE) pour une application au 1er février 2024 soient conformes à la loi. Par rapport au tarif actuellement en vigueur, la progression serait contenue autour de 2 ou 3 %. Le Gouvernement n’aurait ainsi aucun mal à respecter sa promesse d’une hausse de la facture d’électricité inférieure à 10 % pour les Français. C’est ainsi qu’il a été possible de rétablir progressivement les taxes sur l’électricité. En remontant la TICFE à 15 €/MWh, soit la moitié de son niveau normal, la hausse atteindrait environ 130 € sur an, et donc le plafond de 10 % que le Gouvernement s’est engagé à respecter. Soit jusqu’à 4 Md€ dans les caisses de l’État…
MANAGEMENT PUBLIC
->Fonction publique d’État
L’élargissement des pouvoirs de l’IGF retoqué par le Conseil constitutionnel
Le mois précédent (v. Repères de nov. 2023), nous revenions sur l’amendement retenu par le Gouvernement visant à étendre les pouvoirs de l’Inspection générale des finances (IGF) en instaurant un droit de communication des documents et en lui permettant de prononcer des astreintes financières. Le Conseil constitutionnel a finalement décidé de censurer la mesure, la considérant comme un cavalier budgétaire. Les sages ont estimé que cette mesure n’avait pas sa place dans un projet de loi de finances au motif qu’elle ne concernait « ni les ressources, ni les charges, ni la trésorerie, ni les emprunts, ni la dette, ni les garanties de l’État, ni la comptabilité publique » et qu’elle n’était pas non plus relative au régime de la responsabilité pécuniaire des agents des services publics ou à l’information et au contrôle du Parlement sur la gestion des finances publiques.
La circulaire « Services publics écoresponsables » apparaît décevante
Dans un article publié le 11 décembre, le média Acteurs Publics revient sur le contenu de la circulaire « Services publics écoresponsables » adressée le 21 novembre par la Première ministre à l’ensemble des ministres, secrétaires d’État, secrétaires généraux, préfets et dirigeants d’établissements et opérateurs de l’État. Chaque ministère doit identifier les leviers d’action les plus pertinents et assurer le bon déploiement du plan auprès de ses administrations respectives. Les préfectures de région ont quant à elles la charge de veiller à la mise en œuvre des mesures au sein de l’administration territoriale. Le plan de la Première ministre contient 15 mesures concernant le suivi et la réduction des émissions carbone, le verdissement des déplacements, la formation et la promotion des comportements éco-responsables, la gestion des déchets, la préservation des ressources en eau, ou encore la réduction de la consommation énergétique des bâtiments. Pour certains acteurs, cette feuille de route est décevante. D’une part, elle reprend surtout des mesures déjà présentes dans d’autres plans nationaux et règlementaires et ne présente pas de mesures réellement innovantes. D’autre part, elle prend la forme d’une liste de mesures, mises en œuvre de façon descendante, manquant d’une vision globale et stratégique et n’impliquant pas suffisamment les agents.
->Transitions
Les avancées de la feuille de route de planification écologique du système de santé
Le 15 décembre a eu lieu la deuxième réunion du comité de pilotage de la planification écologique du système de santé, organisée six mois après le lancement de la feuille de route. Ce comité de pilotage a permis de signer officiellement la convention de planification écologique engageant les parties prenantes (ministre de la fonction publique et ministre de l’industrie notamment) pour une durée de cinq ans. Cette rencontre a également permis de faire un état d’avancement et d’annoncer la mise en place courant 2024 d’un outil de suivi (« Mon observatoire du développement durable ») qui permettra de disposer de tableaux de bord nationaux, régionaux et par établissement, ainsi qu’un nouvel outil de calcul carbone. Les ARS devront également mettre en place des comités de pilotage régionaux. Par ailleurs, un nouvel axe sur le verdissement de la commande publique est ajouté aux sept axes préexistants (Bâtiment et énergies, Industries et produits de santé, soins écoresponsables, déchets, formation et recherche, transports et mobilités, numérique et impact environnemental).
Un état des lieux décevant pour les PCAET
Le 1er décembre, l’association Intercommunalités de France a publié un état des lieux des plans climat-air-énergie (PCAET). Alors que la loi de transition énergétique pour la croissance verte (LTECV) du 17 août 2015 a rendu obligatoire la réalisation et le vote d’un PCAET pour les intercommunalités, ainsi que la réalisation d’un rapport à mi-parcours, l’étude révèle qu’un certain nombre de collectivités ne se sont pas saisies de cette obligation. En effet, les chiffres de la direction générale énergie-climat (DGEC) du ministère de la transition écologique montrent que seulement 57 % des intercommunalités soumises à l’obligation ont adopté un PCAET (même si 97 % ont toutefois « initié la démarche »). Le rapport regrette que trop peu de collectivités se soient saisies des rapports à mi-parcours pour mener une véritable évaluation de leur politique climat-air-énergie. À ce titre, l’étude propose une évaluation, basée sur des retours d’expérience, pour accompagner les intercommunalités dans cette démarche
Un bilan sur le déploiement de l’IA dans les services publics
Le 12 décembre a eu lieu la 4e rencontre d’Alliance, l’incubateur IA animé par la direction interministérielle du numérique (DINUM) en présence du ministre de la Transformation et de la Fonction publique. L’occasion de faire un bilan sur les deux mois d’expérimentation de l’utilisation de l’IA pour répondre aux avis et commentaires en ligne d’usagers dans le cadre du programme Services Publics+ (voir Repères de sept. 2023). L’utilisation de l’IA par les 1 000 agents volontaires a été jugée utile avec une réponse sur deux facilitée par l’IA, (2) un délai moyen de réponse réduit de 7 jours à 3 jours et un taux de 70 % des agents se disant satisfaits de l’utilisation de l’IA et un taux de 74 % des usagers se disant satisfaits de la réponse apportée. Cet évènement a également été l’occasion de revenir sur « Albert », l’IA générative développée sous l’égide de la DINUM (par l’incubateur public-privé ALLIance, v. Repères d’oct. 2023), modèle d’IA souveraine qui ne pourra produire des réponses aux usagers que sur la base de données provenant de l’administration. Albert sera testé par les agents des France Services, et d’autres cas d’application possibles dans l’administration sont à l’étude.
Les impacts de l’IA sur l’emploi seraient plus forts dans le secteur public
Une étude publiée par le cabinet Roland Berger analyse les impacts que pourrait avoir l’IA sur l’emploi. L’étude identifie les métiers les plus exposés à l’IA générative (employés administratifs, employés de bureau, employés de réception) et estime que ceux-ci pourraient voir leurs effectifs diminuer fortement (-800 000 emplois). À l’inverse, les métiers comprenant à la fois des tâches exposées et des tâches non exposées pourraient voir leurs effectifs augmenter (professions intellectuelles et scientifiques), l’IA leur permettant de libérer du temps pour des tâches à plus forte valeur ajoutée. L’étude montre que le secteur public pourrait être plus durement touché que le secteur privé avec une diminution des emplois de -37 % (contre 32 % dans le privé). L’impact devrait être également plus fort pour les femmes, surreprésentées dans les métiers à fort potentiel d’automatisation (54 % chez les femmes contre seulement 49% chez les hommes).
EUROPE
->Politique européenne
La Cour des comptes européenne publie son programme de travail pour 2024
Le 12 décembre, la Cour des comptes a notamment publié son programme de travail pour 2024. Elle a par ailleurs publié trois rapports spéciaux : le 4 décembre, son rapport n°28/2023 constatant à propos des marchés publics dans l’UE, le recul de la concurrence pour les contrats de travaux, de biens et de services passés entre 2011 et 2021. Le 6 décembre, elle a publié son rapport spécial n°27/2023 relatif au filtrage des investissements directs étrangers dans l’UE. Elle considère que le cadre existant connaît des « limites importantes empêchent une gestion efficace des risques pour la sécurité et l’ordre public ». Enfin, le 13 décembre, est paru son rapport n°29/2023 critiquant l’imprécision de l’aide de l’UE en faveur des biocarburants durables dans les transports.
Nouvelles règles générales pour les aides d’État
Le 13 décembre, la Commission européenne a adopté deux règlements modifiant les règles générales relatives aux aides de faible montant (règlement de minimis) et aux aides de faible montant pour les services d’intérêt économique général, notamment les transports publics et les soins de santé (règlement de minimis relatif aux SIEG). Les règlements modifiés, qui exemptent les aides de faible montant du contrôle des aides d’État exercé par l’UE étant donné qu’elles sont réputées n’avoir aucune incidence sur la concurrence et les échanges dans le marché unique, entrent en vigueur le 1er janvier 2024 et sont applicables jusqu’au 31 décembre 2030. Pour l’essentiel, les plafonds sont relevés à 300 000 € (pour les aides d’États) et à 750 000 sur trois ans pour la compensation des prestataires des SIEG. Par ailleurs, les États membres sont dans les deux cas tenus d’enregistrer les aides de minimis dans un registre central mis en place au niveau national ou au niveau de l’UE à partir du 1er janvier 2026.
La Cour annule le plan de sauvetage d’Air France-KLM
Le 20 décembre, à la demande de Ryanair, la CJUE a annulé par son arrêt dans les affaires T-216/21, T-494/21 les décisions approuvant les aides massives de la France à Air France et Air France-KLM pendant la crise sanitaire, estimant que la Commission européenne avait commis une « erreur dans la définition des bénéficiaires ». Reste à savoir quelles seront les conséquences de cet arrêt puisque la compagnie a déjà remboursé avec intérêts ces aides.
->Pacte de stabilité
Accord du Conseil sur une réforme des règles budgétaire
Le 21 décembre, les ambassadeurs des États membres auprès de l’UE ont officiellement marqué leur accord sur la proposition de réforme du cadre de gouvernance économique de l’UE en approuvant un mandat de négociation avec le Parlement européen en ce qui concerne le règlement relatif au volet préventif et un accord de principe en vue de consulter le Parlement européen sur le règlement relatif au volet correctif et la directive sur les exigences applicables aux cadres budgétaires nationaux. Cet accord tardif était devenu difficile notamment en raison des désaccords franco-allemands constatés au début du mois et finalement réglés le 20. Sans surprise, l’objectif général du cadre consiste toujours à réduire les taux d’endettement et les déficits d’une manière progressive, réaliste, durable et propice à la croissance, tout en protégeant les réformes et les investissements dans des domaines stratégiques tels que le numérique, l’écologie, le social ou la défense. Très attendu, l’accord valide une approche différenciée à l’égard de chaque État membre avec la mise en place de trajectoires propres d’une durée de quatre ou cinq ans. Comme annoncé, les fameux critères de Maastricht demeurent, faute de pouvoir réformer les traités. Par ailleurs, concernant la procédure de sanction, le Conseil a convenu que l’amende en cas de non-respect irait jusqu’à 0,05 % du PIB et s’accumulerait tous les six mois jusqu’à ce qu’une action suivie d’effets soit engagée. Ce montant plus réduit qu’aujourd’hui rend plus probable son application. Par contre, la possibilité d’une conditionnalité du versement des fonds européens au respect du cadre européen n’a pas été retenue.
->Budget européen
Le Parlement adopte son rapport annuel 2022 sur la lutte contre la fraude
Le 5 décembre, la Commission du contrôle budgétaire du Parlement européen a adopté son rapport sur la lutte contre la fraude aux fonds européens. Elle considère que celle-ci doit être renforcée. Elle regrette que les journalistes, utiles pour traquer la fraude, ne soient pas mieux protégés, que l’aide à l’Ukraine et les versements de la facilité pour la reprise et la résilience (FRR) ne soient pas suffisamment suivis. Elle considère à ce propos que les 6,3 Md€ n’auraient pas dû être débloqués pour Budapest. Enfin, les députés demandent au Danemark, à la Hongrie, à l’Irlande, à la Pologne et à la Suède de rejoindre sans délai le Parquet européen, qui devrait se voir accorder un budget autonome, afin de protéger au mieux les intérêts de l’Union.
Accord entre le Conseil et le Parlement sur la révision du règlement financier
Le 7 décembre, le Conseil et le Parlement européen sont parvenus à un accord provisoire sur le règlement financier de l’UE. La principale raison de cette révision ciblée est la nécessité d’aligner le règlement financier sur l’actuel cadre financier pluriannuel (CFP) 2021-2027. En outre, des améliorations et simplifications ciblées sont introduites, telles qu’une meilleure protection des intérêts financiers de l’Union, des dispositions relatives à la passation de marchés en situation de crise et une simplification des règles.
Maintien des mesures relevant de la conditionnalité budgétaire à l’égard de la Hongrie
Le 13 décembre, la Commission européenne adopte deux décisions concernant la Hongrie et la situation de l’État de droit dans cet État membre. Elle considère que la réforme judiciaire menée par la Hongrie remédie aux lacunes en matière d’indépendance de la justice, mais maintient à son égard les mesures relevant de la conditionnalité budgétaire car celle-ci n’a pas remédié aux violations du principe de l’État de droit ayant conduit à l’adoption de mesures de protection par le Conseil en décembre 2022 (voir Repères de déc. 2022). Dès lors, si la Hongrie peut demander des remboursements pour un montant de 10,2 Md€ (voir les présents Repères infra), 21 Md€ restent bloqués.
Volte-face de la Hongrie sur le dossier ukrainien et blocage de l’aide européenne
Le 14 décembre, la Hongrie a exécuté un changement de pied inattendu par ses partenaires. Alors qu’elle s’opposait à l’ouverture de négociations d’adhésion avec l’Ukraine, elle a finalement accepté à la satisfaction de ses partenaires, qui avaient pour cela accepté de débloquer plus de 10 Md€ de fonds européens à l’égard de Budapest. Mais ceux-ci n’avaient pas anticipé que la Hongrie changerait brusquement de position en s’opposant aux 70 Md€ d’aide financière nécessaire à Kyiv pour la poursuite de sa guerre contre l’invasion russe. Résultat, Kyiv est privée de l’aide la plus urgente et la plus utile et n’a obtenu qu’une décision certes symbolique mais qui ne concerne qu’un très lointain et hypothétique avenir. En usant des règles d’unanimité, Viktor Orban a parfaitement réussi à tromper ses partenaires à la grande satisfaction de Moscou. Il réclame évidemment le déblocage des 21 Md€ pour lever son veto à l’aide à l’Ukraine.
Conseil européen extraordinaire convoqué en 2024 sur les questions budgétaires
Le 15 décembre, les blocages provoqués par la Hongrie, et les réticences de l’Allemagne et des États membres du Nord de l’Europe à propos de l’augmentation des dépenses européennes demandée par la Commission, n’ont pas permis d’aboutir concernant l’aide à l’Ukraine et la révision du budget européen (le budget 2024 est lui bien adopté depuis novembre). En conséquence, un Conseil européen extraordinaire a été convoqué par Charles Michel pour le 1er février 2024. La solution passera sans doute par un financement de l’aide à l’Ukraine en dehors du budget européen (ce que Budapest demande) et sans doute directement par les principaux États membres (l’Allemagne a budgété 8 Md€).
->Euro
BCE : vers une baisse des taux d’intérêt en 2024 ?
Avant leur réunion du 14 décembre, les membres du directoire de la Banque centrale européenne ont multiplié les déclarations laissant entendre une baisse des taux d’intérêts en 2024. Effectivement, lors de leur conseil du 14 décembre, les gouverneurs ont laissé les taux d’intérêt inchangés, constatant une inflation se rapprochant de l’objectif de 2 %.
->Fiscalité
L’UE prolonge la suspension des droits de douane sur des produits américains
Le 19 décembre, a été publiée au Journal officiel la décision européenne de prolonger jusqu’au 31 mars 2025 la suspension de ses mesures de rééquilibrage des droits de douane sur des produits américains dans le contexte du différend commercial sur l’acier et l’aluminium. Cette prolongation est le résultat d’un accord conclu avec les États-Unis. En contrepartie, les États-Unis prolongent la suspension de leurs droits de douane pour des volumes d’échanges habituels, reflétés dans le système de contingents tarifaires mis en place en janvier 2022. En outre, ils ont convenu de prévoir d’autres exclusions de produits des droits de douane pour les exportateurs de l’UE.
->États-membres
Allemagne : adoption d’un budget impopulaire
Le 20 décembre 2023, La coalition allemande a présenté le budget 2024 après un mois de négociations provoquées par la décision de la Cour constitutionnelle du 15 novembre (voir Repères de nov. 2023). Le déficit budgétaire serait de 1,5 %. La dette de l’État tomberait à 64 % du produit intérieur brut contre 69 % en 20210. « Le taux d’endettement de l’Allemagne sera ainsi au niveau le plus bas des pays du G7 », a souligné le porte-parole du gouvernement Steffen Hebestreit. Cependant, en raison des contraintes imposées par Karlsruhe, ce résultat a été obtenu par la suppression de très nombreuses aides attendues par la population. Outre la fin du bouclier tarifaire renchérissant le chauffage au gaz, le budget a provoqué la grogne dans l’agriculture, l’aérien et le secteur automobile. Ces difficultés budgétaires allemandes font redouter à ses partenaires européens des positions beaucoup plus dures dans les négociations budgétaires.
INTERNATIONAL
->Relations multilatérales
Révision générale des quotes-parts du FMI
Le 18 décembre, le conseil des gouverneurs du FMI a approuvé une augmentation des quotes-parts dans le cadre de la 16e révision générale des quotes-parts.
->Monnaies
FED : annonce d’une baisse des taux d’intérêts en 2024
Lors de sa réunion du 14 décembre, face au ralentissement de l’inflation et à la bonne tenue de l’économie américaine les dirigeants de la Réserve fédérale américaine ont maintenu les taux directeurs pour la troisième fois de suite entre 5,25 % et 5,50 %. Trois ou quatre baisses sont annoncées l’année prochaine pour amener ces taux à 4,6 % fin 2024.
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Aurélien BAUDU (Fiscalité et procédure fiscale – Coordination)
Fabrice BIN (Europe – International)
Florent GAULLIER-CAMUS (Budget de l’État et opérateurs – Comptabilité publique)
Léonard GOURBIER (Management public)
Matthieu HOUSER (Finances locales)
Yves TERRASSE (Finances sociales)