reperes2023

REPÈRES (MARS 2023) – REVUE-GFP N°3 – 2023

BUDGET DE L’ÉTAT ET DES OPÉRATEURS
->Données générales sur les finances publiques

Mars 2023 : les prix à la consommation augmentent de 5,6 % sur un an

Dans une note publiée le 31 mars 2023 l’INSEE indique que sur un an les prix à la consommation augmentent de 5,6 % en mars 2023, après +6,3 % le mois précédent. Cette baisse serait essentiellement due au ralentissement des prix de l’énergie (+4,9 % en mars 2023 contre +14,1 % le mois précédent). Les prix à la consommation augmentent de 0,8% en mars 2023, après +1,0 % en février. Ceux des services ralentissent également, du fait notamment du repli des prix des services de transport. Les prix de l’alimentation augmentent au même rythme que le mois précédent. La hausse la plus significative touche le prix du tabac (+7,8 % en mars 2023 contre +0,2 % le mois précédent).

Rapport public annuel de la Cour des comptes et la situation d’ensemble des finances publiques

Ouvrant le rapport public annuel de la Cour des comptes publié le 10 mars 2023, consacré cette année à la performance de l’organisation territoriale française, le premier chapitre analyse la situation d’ensemble des finances publiques. Cette situation est marquée par un taux de croissance de 2,6 % pour l’année 2022 et par un net ralentissement de l’activité économique, en lien avec le choc sur les prix de l’énergie et les conséquences de la guerre en Ukraine. Les perspectives pour 2023 apparaissent encore plus dégradées avec une prévision de croissance de 1 % retenue pour construire le projet de loi de finances.

Pour atténuer les effets des prix élevés de l’énergie sur les ménages et les entreprises, le Gouvernement a pris de nouvelles mesures de soutien qui, combinées à l’environnement économique difficile, conduiraient à un déficit public de 5,0 points de PIB en 2022 et en 2023 selon le projet de loi de financement rectificative de la sécurité sociale pour 2023. Depuis, le déficit budgétaire de l’État pour 2022 est ressorti moins dégradé de près de 20 Md€ par rapport à la loi de finances rectificative de fin d’année, sans qu’il soit possible aujourd’hui d’évaluer quel effet aura cette amélioration sur le déficit public exprimé en comptabilité nationale.

La dette publique atteindrait 111,2 points de PIB en 2023, soit près de 14 points au-dessus de son niveau d’avant crise. Près de trois ans après le début de la crise, la France fait donc partie des pays de la zone euro dont la situation des finances publiques est la plus dégradée alors que la Commission européenne juge que les risques sont élevés sur la soutenabilité de la dette publique française à moyen terme.

La Cour estime donc indispensable de mettre en place une stratégie qui combine le redressement des finances publiques et la préservation du potentiel de croissance à moyen terme. La trajectoire présentée par le Gouvernement dans le projet de loi de programmation des finances publiques (PLPFP) pour les années 2023 à 2027 apparaît peu ambitieuse avec un déficit public qui ne passerait sous les 3 points de PIB qu’en 2027 et une dette qui serait à cette date quasiment au même niveau qu’en 2022.

Malgré les critiques qu’elle exprime sur les objectifs et les hypothèses du projet de loi de programmation des finances publiques, la Cour rappelle, comme elle l’a fait à plusieurs reprises, la nécessité que la France dispose effectivement d’une telle loi pour respecter ses engagements européens et crédibiliser ses objectifs. Pour la Cour, la situation financière actuelle ne permet plus de repousser le nécessaire retour à une trajectoire soutenable et durable. La Cour considère essentiel de faire preuve de sélectivité dans les dépenses, et d’engager des réformes ambitieuses dans certains secteurs clés pour infléchir durablement la dépense, sans repousser les efforts à la fin de la période de programmation.

->Budget des opérateurs

Le Palais de Tokyo

Dans un rapport publié le 2 mars 2023, la Cour des comptes établit un bilan pour les 20 ans d’existence de la Société par Actions Simplifiée Unipersonnelle (SASU) du Palais de Tokyo, dont l’actionnaire unique est l’État. Le Palais de Tokyo gère un bâtiment conçu en 1937 et plusieurs fois réaménagé. Il accueille une programmation artistique relevant de ses missions de service public, mais aussi des concessionnaires permanents et des clients ponctuels dans le cadre de privatisations.

D’emblée, la Cour constate l’absence d’expertise approfondie justifiant la création d’une SASU, comme l’absence de bilan formalisé permettant d’évaluer l’intérêt de ce statut. Pour la Cour, ce statut emporte pourtant des conséquences, notamment sur des questions déontologiques. Et si l’État a souhaité donner une large autonomie au Palais de Tokyo, la Cour rappelle qu’il lui revient de veiller à la définition de règles plus protectrices de l’image et de la réputation de l’institution notamment en termes de transparence, d’exemplarité, de critères pour la programmation et de lisibilité de cette dernière.

La Cour relève que malgré une période relativement faste entre la réouverture en 2012 et 2016, la société a dû faire face à des défaillances, en termes de contrôle interne et de gestion des concessions notamment, dont elle a dû tirer les leçons. La gestion des ressources humaines, marquée par un très fort taux de renouvellement, comporte des points de fragilité juridique. Le Palais de Tokyo ne peut éviter une réflexion de long terme sur l’adéquation de ses moyens et de ses ambitions. Le principal chantier auquel s’attèlent à ce jour les dirigeants du Palais concerne la dimension immobilière. Les travaux nécessaires à la seule sécurisation, rénovation et remise aux normes du bâtiment vont représenter environ 15 M€ et nécessiter une nouvelle fermeture temporaire du site. La Cour formule huit recommandations. Elle considère notamment que le ministère de la Culture doit être à même de formuler des arbitrages clairs pour mettre en place un plan pluriannuel d’investissement, préparer la réouverture dans les meilleures conditions et s’assurer ensuite qu’il existe un plan de maintenance préventive.

->Patrimoine de l’État

La gestion de l’immobilier préfectoral

Dans un rapport publié le 29 mars 2023, la Cour des comptes a passé au crible le parc immobilier préfectoral qui regroupe 99 préfectures et 232 sous-préfectures (829 000 mètres carrés). Pour la majorité d’entre eux, ces locaux sont mis à disposition par les conseils départementaux depuis les premières lois de décentralisation.

Ce patrimoine, dont les caractéristiques demeurent insuffisamment connues, est hétérogène, souvent ancien et imbriqué avec les locaux du Conseil départemental. La Cour constate que les crédits d’entretien courant de ces locaux (99 M€) ont connu une légère baisse, de 1,8 %, entre 2016 et 2021. Pour la Cour, cette enveloppe est manifestement insuffisante, bien qu’aucun ratio partagé ne permette de mesurer l’ampleur du déficit. Le volet « performance énergétique » n’a quant à lui pas été une priorité des préfectures tant le rattrapage à effectuer est immense.

La formalisation de stratégies régionales et la nouvelle organisation départementale de l’immobilier de l’État (avec la création des secrétariats généraux communs départementaux – SGCD) doivent permettre d’améliorer la connaissance, l’adaptation aux missions et l’efficacité énergétique de ce patrimoine. En conclusion de ce rapport, la Cour formule huit recommandations.

Le relogement de la direction régionale de la police judiciaire (DRPJ) de la préfecture de police de Paris

Dans un rapport publié le 29 mars 2023, la Cour des comptes a réalisé une enquête sur le regroupement des services de police judiciaire de la préfecture de police de Paris.

Le contrôle s’est porté sur la construction d’un bâtiment, contigu au nouveau palais de justice de Paris dans la ZAC des Batignolles, sous la forme d’un marché de conception réalisation aménagement exploitation maintenance (CRAEM).

Pour la Cour, la Préfecture de police a conduit avec efficacité l’opération sur le plan technique et fonctionnel et a strictement respecté l’enveloppe financière (182,8 M€, coût total, terrain compris, contre 179,7 M€, budgétés en 2011, intégrant une dépense de 5 M€HT pour régler une transaction avec l’entreprise titulaire du chantier). La durée du chantier, de 44 mois (mai 2013-avril 2017), a été quasi-respectée, avec un dépassement de 3 mois.

La Cour formule quatre recommandations avec pour principal enjeu d’assurer la fluidité et la sécurisation des liaisons avec l’extérieur du bâtiment. En effet, plus de cinq ans après l’ouverture du bâtiment, ce dernier reste, en effet, mal relié au périphérique parisien, porte de Clichy, en raison du refus de la Ville de Paris d’envisager une nouvelle voie d’accès. Les solutions alternatives envisagées par la Ville constituent une source de risques pour les forces de police et l’administration pénitentiaire. Il devient ainsi urgent que l’État obtienne de la Ville de Paris les aménagements les plus opérationnels pour faciliter et sécuriser la circulation des véhicules de police.

COMPTABILITÉ PUBLIQUE
->Responsabilité des gestionnaires publics

Le temps des responsabilités financières – Comité d’histoire de la Cour des comptes

Le 14 mars 2023, au cours d’une demi-journée consacrée à la responsabilité financière, le Comité d’histoire de la Cour organisait un colloque en Grand’Chambre pour dresser un bilan de 200 ans de responsabilités financières (1822-2022). L’occasion de réunir magistrats financiers et spécialistes pour revenir sur les évènements qui ont marqué ces responsabilités spécifiques et de mieux comprendre les raisons qui ont conduit à l’élaboration du nouveau mécanisme « unifié » de responsabilité financière entré en vigueur le 1er janvier 2023 (ordonnance n° 2022-408 du 23 mars 2022 relative au régime de responsabilité financière des gestionnaires publics). Les actes de ce colloque ont été publiés sur la page Youtube de la Cour.

Dernier rapport d’activité de la CDBF

Le 10 mars 2023, la Cour de discipline budgétaire et financière (CDBF) a publié son dernier rapport d’activité, annexé au rapport public annuel 2023 de la Cour des comptes. Disparue au 31 décembre 2022, la CDBF a rendu 10 arrêts en 2022 ce qui place cette année comme la deuxième année la plus productive dans l’histoire de la Cour après l’année 2019 (12 arrêts). Et au 1er janvier 2023, la CDBF a transféré 38 affaires à la chambre du contentieux de la Cour des comptes qui, ajoutées à celles en provenance de la Cour des comptes, permettront d’assurer à la nouvelle chambre un certain niveau d’activité pour sa première année d’existence. La CDBF aura donc rendu 264 arrêts depuis sa création, dont près de 20 % au cours des cinq dernières années ce qui témoigne de son dynamisme porté par une volonté affichée tant par le Siège que par le Parquet de développer son activité.

Il faut cependant souligner que le nouveau régime de responsabilité financière des gestionnaires publics tel qu’il résulte de l’ordonnance du 23 mars 2022 emprunte nombre de ses caractéristiques à la CDBF. Ainsi, la chambre du contentieux de la Cour des comptes, désormais chargée de ce contentieux « unifié », comme la Cour d’appel financière qui aura à connaître des appels formés contre les décisions de la chambre du contentieux pourront s’appuyer, au moins pour un temps, sur la jurisprudence de la CDBF.

En conclusion de ce rapport d’activité il est indiqué que l’heure n’est donc pas aux regrets pour la CDBF qui aura accompli jusqu’au dernier jour la mission qui était la sienne, qui aura profondément inspiré les rédacteurs de l’ordonnance du 23 mars 2022 et de ses textes d’application et dont la jurisprudence continuera, au moins pour un temps, à irriguer les activités contentieuses des juridictions financières.

FINANCES LOCALES
->Instruction relative à la composition et aux règles d’emploi des dotations et fonds de soutien à l’investissement en faveur des territoires en 2023

Cette nouvelle instruction apporte de précieux enseignements précisant les modalités de gestion et les priorités d’affectation des quelque deux milliards d’euros de dotations de l’État dédiés à l’investissement local. Elle revient sur les projets éligibles et aborde également la délégation de signature du préfet de région au profit du préfet de département. La loi prévoit notamment, pour les préfets de département, des obligations d’information à destination de la commission départementale des élus, qui concernent non seulement la DETR (dotation d’équipement des territoires ruraux) mais également la DSIL (dotation de soutien à l’investissement local). Cette instruction est particulièrement importante, compte tenu de l’essor des subventions sur le plan local.

->Mise en œuvre des pactes capacitaires 2023

Dans cette instruction du 31 janvier 2023, la loi revient sur la définition donnée par la loi n° 2021-1520 du 25 novembre 2021 à la notion de pactes capacitaires en introduisant dans le code de la sécurité intérieure un nouvel article L. 742-11-1 du code de la sécurité intérieure.

Selon ce dernier, « l’État, les collectivités territoriales et les services d’incendie et de secours peuvent conclure une convention, dans chaque département, afin de répondre aux fragilités capacitaires face aux risques particuliers, à l’émergence et à l’évolution des risques complexes, identifiées dans les contrats territoriaux de réponse aux risques et aux effets potentiels des menaces ». Cette instruction prévoit deux enveloppes financières : la première de 150 millions d’euros a vocation à financer des moyens dédiés à la détection et à la lutte contre les feux de forêts. La seconde concerne 30 millions d’euros sur la période 2023-2027 au titre des moyens dédiés aux risques non liés aux feux de forêts.

->La Cour des comptes souhaite une relance de la décentralisation

Dans ce rapport, les juges financiers se livrent à un examen très critique de la décentralisation. La première difficulté relevée par les juges concerne l’organisation de l’État en décalage avec le maillage territorial. Comme le relève la Cour, les services de l’État ont fortement diminué contribuant au ressentiment de la population d’un abandon de l’État. Les juges relèvent aussi la complexification des modalités de financement des collectivités. Si les collectivités conservent toujours un moyen de se financer, elles ont perdu des possibilités de choix notamment avec le rétrécissement de la fiscalité locale. En outre, la décentralisation reste limitée en France au regard des autres pays européens.

->Cap sur… La contribution fiscale des entreprises aux services publics locaux

Dans cette note, l’OFGL revient sur la contribution fiscale des entreprises aux services publics locaux. De façon générale, les entreprises paient principalement des impôts dit « territorialisés », c’est-à-dire en lien avec une réalité locale. En outre, le niveau communal est financé à hauteur de 61 % par les contributions. Les entreprises alimentent principalement les budgets communaux et intercommunaux à hauteur de 61 % avec la taxe foncière, le versement mobilité et la cotisation foncière des entreprises. À l’inverse, le financement des départements et des régions par les entreprises passe principalement par des fractions d’impôts nationaux liés à des flux commerciaux (ex.TVA). Concernant le taux de CFE cette étude rappelle que les taux actuels se rapprochent de ceux qui existaient il y a une petite quinzaine d’années avec la taxe professionnelle. Cependant, le calcul du taux de CFE dépend fortement du régime fiscal de l’intercommunalité.

->Note sur les “ informations fiscales utiles à la préparation des budgets primitifs locaux 

Cette traditionnelle note revient sur les innovations de la loi de finances pour 2023. Plus précisément, cette note détaille les points suivants : mise en place de la compensation de la CVAE, réformes concernant les taxes d’aménagement, report de l’actualisation des valeurs locatives, répartition du fonds départemental de péréquation de la taxe professionnelle (FDPTP), taxes affectées au financement des projets de lignes à grande vitesse et enfin achèvement de la réforme de la taxe d’habitation.

FINANCES SOCIALES
->Situation des comptes sociaux

Alerte sur le recul de la productivité en France

Dans « les Echos » du 1er mars, Patrick Arthus revient sur la baisse tendancielle de l’évolution de la productivité en France depuis 30 ans. Cette problématique a été largement documentée, notamment à travers la note du Conseil d’analyse économique de septembre 2022, mais l’article insiste sur l’aggravation très préoccupante de cette tendance au cours de la période récente, puisqu’entre le 4e trimestre 2019 (avant la crise du COVID) et le 3e trimestre 2022, la productivité par tête aurait reculé de 2,8 % en France, contre 2,1 % en Espagne, 0,1 % en Allemagne (mais elle aurait augmenté de 1,7 % en Italie). Ce recul paraît imputable à plusieurs facteurs, la diminution de la durée du travail comme la baisse de la productivité horaire. Il a un effet apparent favorable pour l’emploi, qui s’est très bien tenu en France en 2022, mais il entraine mécaniquement une rétraction des capacités de production et contribue à alimenter l’inflation sous-jacente. Puisque le taux d’emploi se maintient, l’auteur attribue cette évolution défavorable de la productivité à un moindre goût pour l’effort et une baisse de la qualité au travail. Les conséquences sur la compétitivité extérieure sont bien connues, et illustrées par les résultats catastrophiques du commerce extérieur en 2022. Mais les conséquences internes pour l’économie seraient, selon l’auteur de la note, tout aussi redoutables : baisse du taux de marge des entreprises et donc de l’investissement, tassement des salaires par rapport à l’inflation. Avec des conséquences inéluctables sur le financement de la protection sociale qui est assis sur les salaires, et des interrogations sur la viabilité financière du projet de réforme des retraites, qui prend en compte une hypothèse de gains de productivité du COR (1 % annuel) qui est démentie par l’évolution constatée au cours de ces dernières années.

Rapport public de la Cour des Comptes 2023 : aspects sociaux

Le Premier Président de la Cour des Comptes a remis le Rapport public 2023 au Président de la République. Dans sa partie consacrée à la situation d’ensemble des finances publiques à fin février 2023, la Cour prend acte des dernières hypothèses économiques du gouvernement associées au projet de loi de financement rectificatif de la Sécurité sociale actuellement en cours d’examen (1 % pour la croissance du PIB en 2023, 4,2 % pour celle de l’inflation), tout en faisant valoir qu’elles sont assorties d’importants aléas. Pour ce qui concerne le champ de ASSO, la Cour relève que les prévisions de recettes (cotisations et CSG) sont liées à celle – incertaine – de la croissance du PIB et que les perspectives de dépenses comportent des risques de sous-évaluation : c’est le cas pour les dépenses entrant dans le champ de l’ONDAM car il pourrait y avoir un dépassement pour la médecine de ville du fait des coût additionnels qui vont résulter des négociations conventionnelles en cours sur les tarifs (les propositions de l’Assurance maladie, rejetées par les syndicats de médecins libéraux, représentaient une charge de 1,5Md€) et la provision prévue pour la prise en charge du COVID est certainement très sous-évaluée ; de même pour les retraites : le surcoût attendu pour la première année de mise en œuvre la réforme (0,4 M€), du fait de la revalorisation des petites pensions, va être aggravé par les concessions accordées au cours du débat. S’agissant des soldes, dans une perspective de maintien du solde global à 5 %, les ASSO devraient être excédentaires en 2023, mais avec un fort contraste entre les excédents des régimes de retraite complémentaires et celui de l’Assurance chômage, auxquels s’ajoute l’excédent de la CADES, et le déficit du Régime général et du FSV qui devrait être compris entre -0,3 % et -0,6 % du PIB (voir infra). Concernant la trajectoire pluriannuelle 2024-2027, l’hypothèse d’un retour sous les 3% de déficit en 2027 est jugée beaucoup trop optimiste par la Cour qui estime impossible que la croissance effective (anticipée entre 1,6 % et 1,8 % entre 2024 et 2028) passe au-dessus de la croissance potentielle, compte-tenu du « gap » de départ et que la trajectoire des dépenses publiques réalise un effort de maîtrise inconnu à ce jour (en moyenne 0,6 % en volume prévus contre 1 % sur la période 2010-2019).

Dans la partie thématique du rapport public consacrée à la décentralisation, la Cour a publié un rapport sur les « politiques sociales décentralisées ». Cette notion recouvre un ensemble de prestations et d’actions totalement ou partiellement décidées, financées ou mises en œuvre par les collectivités territoriales, représentant en 2020 un montant de 78 Md€, dont 37,5 Md€ à la charge des départements et 5,5 Md€ des communes et de leurs groupements. Elle comprend les allocations individuelles de solidarité (Revenu de solidarité active, Prestation de compensation du handicap, Allocation personnalisée d’autonomie, Allocation aux adultes handicapés-intégralement financée par l’État mais mise en œuvre au niveau départemental) ; l’aide sociale légale destinée à satisfaire les besoins fondamentaux de certaines catégories (enfants, personnes âgées en perte d’autonomie, personnes en situation de précarité ; l’aide sociale facultative ; l’action sociale. La Cour fait trois critiques majeures à l’organisation actuelle des politiques sociales décentralisées. 1) le caractère inachevé de la décentralisation, qui se traduit par trois types de dysfonctionnements: l’intrication des compétences entre des acteurs aux responsabilités pas toujours bien définies (État, ARS, départements, communes et centres communaux d’action sociale, CNSA, Caisses d’allocation familiales et MSA), situation particulièrement marquée dans le domaine de l’autonomie (AAH et PCH) et du RSA ; l’insuffisance de la fonction de programmation et de pilotage, entretenue par le fait que l’État se réserve la possibilité de lancer de grandes campagnes nationales (stratégie de lutte contre la pauvreté, protection de l’enfance) et aggravée par la faiblesse de la notion de « chef de file » ; le caractère lacunaire des systèmes d’information. 2) une prise en charge des publics à améliorer, avec de grandes disparités de qualité de service (délais excessifs et ruptures de parcours des bénéficiaires-le cas du RSA avec la faiblesse de son accompagnement est à cet égard exemplaire), des phénomènes de non-recours et des inégalités territoriales (situation de l’APA et de l’AAH). 3) un problème de financement, lié à un effet de ciseau entre la dynamique des dépenses d’allocations individuelles et le moindre dynamisme des ressources transférées. Cette situation affecte principalement les départements dont les relations avec l’État s’enveniment depuis 30 ans, notamment du fait du RSA (dont l’évolution a été supérieure de près des 2/3 par rapport aux autres dépenses de protection sociale ente 2004 et 2019) et de la PCH. Elle est imputable aux mécanismes de compensation par des recettes fiscales affectées (fraction de la taxe intérieure sur les produits pétroliers, droits de mutation) sans rapport avec les besoins de la protection sociale. Selon la Cour des Comptes, en 2020, l’écart non financé par les transferts pour les allocations individuelles de solidarité aurait été de 9,4 Md€, à mettre en rapport avec une épargne brute des départements de 7,85Md€. Elle propose de remplacer le financement de trois allocations (RSA, PCH, APA) par une dotation dite « dotation de solidarité ou dotation d’aide sociale » couvrant 60 à 70 % de la dépense, assortie d’une dotation complémentaire de 10 à 20 % qui serait liée à des objectifs de performance, le solde (10 à 30 %) restant à la charge des départements de façon à les inciter à maitriser la dépense.

Le déficit 2022 de la Sécurité sociale un peu plus important que prévu, le solde des ASSO à nouveau positif

Selon les derniers chiffres communiqués, le déficit de la Sécurité sociale pour 2022 (dans le périmètre des lois de financement de la Sécurité sociale) serait plus important que prévu, s’établissant finalement à -19,6 Md€, contre -18,6 Md€ prévus dans les prévisions associées à la loi de financement de la Sécurité sociale pour 2023. La principale dégradation vient de la branche Vieillesse, dont le déficit est arrêté à -3,8 Md€ contre -3 Md€ prévus ; ce creusement s’expliquerait par un nombre de départs en retraite plus important que prévu, ainsi que, selon la CNAV, par une accélération du traitement des dossiers sur les droits dérivés. Les branches en excédent voient leurs soldes se réduire : FSV+ 1,3 Md€ contre +1,8 Md€ prévus ; Accidents du travail +1,7 Md€ contre +2M d€ ; Famille +1,9 Md€ contre + 2,6 Md€. En revanche , les autres branches en déficit enregistrent un résultat meilleur qu’escompté : Maladie -21 Md€ contre -21,9 Md€, cela malgré un dépassement de 200 M€ dû aux rallonges en faveur des hôpitaux ; Autonomie : +0,2 Md€ contre -0,4 Md€ attendus. Pour mémoire, le déficit de 2021 avait été de -24,3 Md€ et le déficit prévu pour 2023 serait ramené à -7,1 Md€.

En revanche, la première évaluation par l’INSEE des comptes nationaux des administrations publiques pour 2022 fait apparaître une contribution positive des ASSO (dont le périmètre englobe également les régimes complémentaires, l’UNEDIC et la CADES) au solde des administrations publiques au sens de Maastricht. L’excédent des ASSO est de 0,34% du PIB au sein d’un déficit public global de -4,7 % du PIB. L’amélioration (par rapport à un déficit de 0,7 % du PIB en 2021) est largement dû à la diminution des dépenses d’activité partielle et de la charge d’indemnisation du chômage, ainsi qu’aux moindres dépenses liées à la crise sanitaire.

->Politique d’allégement des charges et coût du travail

Les effets sur l’emploi des aides à l’embauche des jeunes

La DARES a publié une note sur les effets sur l’emploi de l’Aide à l’embauche des jeunes de moins de 26 ans (AEJ) instaurée en août 2020, qui consiste en une prime d’un montant maximum de 4000 € pour l’embauche en CDI (2/3 des contrats signés) ou en CDD de plus de 3 mois d’un jeune avec une rémunération inférieure à 2 SMIC jusqu’en mars 2021 et à 1,6 SMIC jusqu’en 31 mai 2021; sur cette période, cette prime a concerné près de 500 000 bénéficiaires pour un montant versé de l’ordre de 900 M€. Selon l’étude, l’effet de cette aide, qui était destinée à pallier les effets de la crise sanitaire sur les jeunes, aurait été modeste, de l’ordre de 2,6 points sur le taux d’emploi des publics concernés, et l’amélioration a plus porté sur la qualité des embauches (moindre recours à l’emploi précaire) que sur le nombre de celles-ci. Par ailleurs, le Gouvernement a fait le bilan de près d’une année de mise en œuvre (mars 2022- janvier 2023) du « Contrat engagement jeunes », qui accompagne les jeunes sans diplôme ou éloignés de l’emploi (voir les Repères de mars 2022) : 300 000 jeunes sont entrés dans le dispositif durant cette période, avec des résultats qui sont jugés encourageants, puisque, dans la première cohorte (jeunes entrés dans le CEJ en mars 2022), 76 % auraient accédé à l’emploi dans les neuf mois qui ont suivi l’entrée. Enfin le ministère du travail a publié les résultats de l’apprentissage en 2022 : 837 000 nouveaux contrats ont été signés l’an passé, soit +14 % par rapport à l’année 2021 déjà en forte augmentation; 63% concernent des jeunes de niveau supérieur au Bac (dont 22 % de Bac+5 et plus) et 2/3 des jeunes sont en emploi 6 mois après la fin de leur période d’apprentissage. Toutefois, ces bons résultats sont entachés par le pourcentage trop élevé (24 %) de démissions en cours de contrat, selon le baromètre de l’alternance publié par la fondation Adeco et le cabinet « Quintet conseil », avec un taux qui serait de près de 50% pour les formations de niveau bac ou infra, pour des causes qui paraissent tenir aux motivations mêmes des jeunes ou aux erreurs d’orientation. Par ailleurs un blog de l’OFCE s’interroge sur l’adéquation des politiques de l’emploi qui ont été menées dans un contexte de fort dynamisme du marché du travail en 2021-2022, alors même que se profile à présent une diminution des embauches et un renforcement de la contrainte budgétaire.

Un « audit flash » de la Cour des Comptes sur le plan en faveur des demandeurs d’emploi de longue durée

La Cour des Comptes a rendu un « audit flash » sur le volet « actions en faveur des demandeurs d’emploi de longue durée » du plan du Gouvernement du 27 septembre 2021 en vue de la réduction des tensions de recrutement dans un contexte de reprise économique. Ce « volet DELD » comportait des moyens significatifs en termes de crédits (400M €) et d’effectifs supplémentaires pour Pôle Emploi (700 ETP). Il s’appuyait sur une forte mobilisation de l’opérateur public en direction de ce public (ex. prises de contact, accompagnement personnalisé, formations préalables au recrutement) , ainsi que sur des aides spécifiques (ex. prime de 1000 € aux chômeurs entrant dans une formation préalable, aide à l’embauche de 8000 € pour les employeurs recrutant un chômeur de longue durée en contrat de professionnalisation). La Cour constate que la forte mobilisation des équipes de Pôle Emploi n’a pas été suivie des résultats escomptés dans plusieurs domaines comme les immersions en milieu professionnel et les recrutements en contrat de professionnalisation, et que les crédits n’auraient été consommés qu’à hauteur de 33 %. La Cour recommande que ce type d’action soit désormais assorti d’objectifs de performance mieux définis.

->Dépenses de santé / Hôpital / Assurance maladie

Le déficit des hôpitaux en 2022

Selon un communiqué de la Fédération hospitalière de France, le déficit attendu des hôpitaux publics pour 2022 serait compris entre 1 Md€ et 1,3 Md€, soit un doublement par rapport à 2019. Il s’explique à la fois par le renchérissement des coûts dans le contexte inflationniste et par la perte de recettes non rattrapées consécutive aux confinements (qui auraient fait perdre l’équivalent de 10 semaines d’activité). Le gouvernement va annoncer une revalorisation tarifaire de 7,1 % pour les hôpitaux publics et de 5,4% pour le secteur privé lucratif, une majoration de la progression de l’ONDAM à 3,8 % étant prévue à cet effet dans le projet de loi de financement de la Sécurité sociale rectificative (voir Repères de février).

->Famille

Le rapport du Haut Conseil de la Famille pour un service public de la petite enfance

France Stratégie a publié le rapport « Vers un service public de la petite enfance » établi par le Haut conseil de la famille, de l’enfance et de l’âge (HCFEA). La création de ce nouveau service (SPPE) était prévue dans le programme présidentiel de 2022 et repris dans le discours de politique générale de la Première ministre du 6 juillet dernier. Les objectifs d’un SPPE – qui n’existe pas en France où l’offre privée (assistantes maternelles) est majoritaire – sont de permettre aux parents de continuer à travailler et de favoriser le développement de l’enfant et de sa socialisation précoce, dans un niveau de qualité optimal quel que soit le mode d’accueil. Le rapport fait le constat d’une offre d’accueil des enfants de moins de trois ans insuffisante (avec un taux de couverture global de l’ordre de 60 %) et inégalement répartie sur le territoire, en particulier pour ce qui concerne les crèches principalement situées dans les agglomérations. Pour évaluer les besoins en places d’accueil, le rapport propose une démarche de mutualisation des places au niveau intercommunal avec une cible prenant en compte la situation professionnelle des parents (deux ou un seul actif). L’adaptation de l’offre aux besoins évalués passerait par une planification au niveau régional, une déclinaison au niveau départemental et une mise en œuvre opérationnelle au niveau des EPCI. La mise en place du SPPE suppose : une refonte de la gouvernance d’ensemble, qui fait intervenir de nombreux acteurs (État, CNAF, CAF, départements -qui exercent la compétence en matière de protection maternelle et infantile- et les communes) : la redynamisation de l’offre d’assistantes maternelles; un investissement dans l’offre de places en crèche ; une réforme de l’indemnisation du congé parental (PREPARE) ; la mise en place adaptée des financements (la création de 200 000 places sur 5 ans nécessiterait entre 500 et 700 M€ d’investissement chaque année et un coût de fonctionnement de 2,4 à 2,7 Md€ en fin de période).

->Retraites

L’adoption de la réforme des retraites par recours au 49-3

Le 20 mars, le rejet par l’Assemblée Nationale de deux motions de censure après activation par le gouvernement de l’article 49-3 de la Constitution a conduit à l’adoption de facto du projet de loi de financement rectificatif de la Sécurité Sociale pour 2023, sous réserve de sa validation par le Conseil constitutionnel. Le texte est celui adopté par la Commission mixte paritaire du 15 mars et qui a été voté par le Sénat le 16 mars. Il intègre plusieurs modifications par rapport au projet resté en suspens après la première lecture non aboutie à l’Assemblée Nationale: des aménagements importants au dispositif carrières longues puisqu’une nouvelle borne d’âge de 63 ans a été introduite pour ceux qui ont commencé à travailler avant 21 ans, et que les bénéficiaires de ce dispositif ne seront plus obligés d’avoir cotisé 44 années au minimum, mais 43 années. La perte par les mères de famille des trimestres acquis au titre de la maternité sera compensée par une surcote sur les pensions allant jusqu’à 5% sous réserve d’avoir atteint à 63 ans la durée de cotisation  nécessaire pour partir à taux plein; les personnes victimes de handicap ou d’accidents du travail pourront partir à partir de 60 ans (au lieu de 62 ans) ; l’ « index senior » sera applicable aux entreprises de plus de 300 salariés; un « CDI senior » dont pourront bénéficier les chômeurs de plus de 60 ans (assorti d’une exonération des cotisations familiales) sera expérimenté pendant 1 an à compter du 1er septembre. À ce stade, le solde financier de la réforme reste flou, la CMP ayant avalisé le principe d’un relèvement de la contribution sur les indemnités de rupture conventionnelles (qui rapporterait 300 M€ à l’horizon de 2030), ainsi que plusieurs mesures de lutte contre la fraude sociale, et le gouvernement compte procéder à un « swap » de recettes consistant à majorer la cotisation patronale vieillesse en échange d’une baisse de la cotisation accidents du travail. Le sort du texte est soumis à la décision du Conseil Constitutionnel, saisi de plusieurs recours (dont un de la Première ministre), et qui est attendue pour le 14 avril ; celui-ci doit se prononcer par ailleurs sur la validité d’une proposition de référendum d’initiative partagée en application de l’article 11 alinéa 3 de la Constitution.

Diverses études sur le projet de réforme ont continué à paraître pendant les débats parlementaires, notamment de l’Institut des politiques publiques sur la problématique des bornes d’âge dans les carrières longues et de la pénibilité.

Un excédent record de l’AGIRC ARRCO

Dans un communiqué de presse, l’AGIRC-ARRCO a indiqué que le solde 2022 du régime va s’élever à 5,1 Md€ (contre 2,6 Md€ en 2021), avec un niveau de réserves stable à 68 Md€, en conformité avec la règle d’or qui impose à l’organisme de retraite complémentaire de disposer d’une réserve équivalente à au moins 6 mois d’allocations annuelles. Ces résultats s’expliquent par la forte progression de la masse salariale en 2022 (+9,1 %), et traduisent également les effets des règles de maîtrise des dépenses de pension prévues par l’accord de 2015 .

->Contrôle / Lutte contre la fraude

Les fraudes à l’Assurance maladie

La Caisse nationale d’Assurance maladie a publié les premiers résultats de la lutte contre les fraudes à l’Assurance maladie en 2022, avec un montant de fraudes « stoppées » de 316 M€, en hausse de 14 % par rapport à 2019, dernière année où les contrôles a été réguliers avant la crise sanitaire. Les ¾ des préjudices détectés concernent les frais de santé, pour l’essentiel des facturations à tort par des professionnels de santé. Les préjudices concernant les prestations en espèces (indemnités journalières, pensions d’invalidité) ont représenté un montant de 35,7 M€ et les fraudes à l’obtention de droits (PMU, complémentaire santé solidaire) 21,1 M€. Au total, près de 3000 procédures pénales ont été engagées.

FISCALITÉ ET PROCÉDURES FISCALES
->Politique fiscale

Une proposition de loi fiscale pour réduire les inégalités entre les hommes et les femmes

La question de l’égalité des sexes se pose à l’entrée dans l’emploi public ou privé. Elle se pose ensuite dans le maintien et dans l’exercice de celui-ci ; puis enfin lors de l’accès à la retraite. Le 8 mars dernier, à l’occasion de la journée internationale du droit des femmes, la députée M.-P. Rixain a clairement posé la question en matière fiscale, en déposant à l’Assemblée nationale une proposition de loi visant à renforcer l’égalité fiscale et successorale (v. proposition de loi n° 918, A.N., doc. parl. 7 mars 2023). Renvoyée à la commission des finances, la proposition de loi se compose de sept mesures destinées à corriger la fiscalité de la famille de certaines inégalités entre les sexes. Le texte propose de revoir le traitement fiscal des prestations compensatoires afin qu’elles ne constituent plus un revenu imposable pour celui qui la perçoit (art. 2). Cette prestation compensatoire est généralement versée par l’ancien conjoint le plus fortuné. Il serait masculin dans les trois quarts des couples hétérosexuels selon une étude de l’INSEE. Cette prestation compensatoire a pour but d’effacer les déséquilibres financiers après une séparation. Lorsque le bénéficiaire est frappé par l’impôt sur cette compensation financière qui lui revient, selon la députée Rixain, cela désavantage donc l’ancien conjoint le moins fortuné, qui est, dans la plupart des cas, selon la même étude de l’INSEE, féminin. La question de la défiscalisation de la pension alimentaire se pose également dans les mêmes termes. Ensuite, en matière de taux de prélèvement à la source au titre de l’IR, la proposition de loi invite donc le législateur à inverser le principe actuel, en proposant par défaut un taux individualisé, tout en laissant la possibilité de choisir un taux unique (art. 1). Cela reprend une annonce du Gouvernement envisageant une individualisation par défaut dès 2025. Si cela concerne la grande majorité des foyers fiscaux, avec les salariés, pour les non-salariés (BIC, BNC, BA) ce sera toujours un taux global qui s’applique. D’autres pistes sont envisagées par la proposition comme le fait de supprimer le critère de « disproportion marquée » afin de rendre le droit à la décharge de solidarité plus juste et propice à l’autonomie économique des individus (art. 3). En conclusion, s’il convient de rappeler que le 3e alinéa du Préambule de la Constitution de 1946 ajoute que « la loi garantit à la femme, dans tous les domaines, des droits égaux à ceux de l’homme », et l’article 1er de la Constitution de 1958 dispose que la République « assure l’égalité devant la loi de tous les citoyens sans distinction d’origine, de race ou de religion », sans cependant considérer explicitement la distinction établie en fonction du genre… le Conseil constitutionnel a jusqu’alors indiqué (Cons. const., 20 mars 1997, décis. n° 97-388 DC § 13) que le principe d’égalité entre les genres est un principe constitutionnel qui s’impose au pouvoir réglementaire, sans qu’il soit besoin pour le législateur d’en rappeler l’existence, empêchant que l’incompétence négative du législateur puisse être invoquée dans ce cadre. Que fera ce dernier, telle est la question ?

Rapport public annuel de la Cour des comptes de 2023 et des recettes fiscales au plus haut

La Cour des comptes, pour son rapport public annuel de 2023, présente traditionnellement, en un chapitre introductif, la situation d’ensemble des finances publiques. L’année 2022 a été marquée par le maintien d’un niveau élevé de dépenses et de déficits publics, en dépit du dynamisme des prélèvements obligatoires. La croissance en 2022 s’établirait à 2,6 % du produit intérieur brut (PIB), alors qu’elle atteignait 6,8 % en 2021. Malgré les baisses d’impôts (suppression de la CAP, v. Repères août 2022), le taux de prélèvements obligatoires atteindrait en 2022 un pic historique et s’établirait à 45,2 % du PIB. Il devrait néanmoins connaître une baisse en 2023 avec un taux à 44,9 %. Le dynamisme spontané des prélèvements obligatoires serait essentiellement causé par la forte progression des recettes liées à la TVA en raison de la hausse de l’inflation ainsi que par la hausse de l’impôt sur le revenu (+12,1 %) ou de l’impôt sur les sociétés (+24,6 %). La politique de baisse de certains impôts s’est poursuivie en 2022 : la principale mesure a consisté à diminuer à son niveau plancher la taxe intérieure sur la consommation finale d’électricité (TICFE) dans le cadre du « bouclier tarifaire ». En outre, d’autres suppressions d’impôts engagées les années précédentes se sont poursuivies (suppression progressive de la TH sur les résidences principales, baisse du taux d’impôt sur les sociétés). La Cour des comptes rappelle que le déficit public atteindrait 5,0 % du PIB en 2022 et 2023 selon le projet de loi de financement rectificative de la sécurité sociale pour 2023. La dette publique atteindrait quant à elle 111,2 % du PIB en 2023, soit quatorze points au-dessus de son niveau d’avant-crise. Il faut espérer que l’année 2023 donnera tort à la célèbre tirade fiscale extraite du drame en vers d’Ernest Legouvé (Les Deux Reines de France, Michel Lévy frères, Paris, 1865) représentée pour la première fois il y a 150 ans, après la levée de son interdiction : « Guerre, inondation, grand trouble, grand repos ? Impôts ! Impôts ! Impôts ! … Et le beau, dans l’espèce, c’est qu’une fois monté jamais l’impôt ne baisse ! »

Interview du Président de la République : vers une nouvelle contribution exceptionnelle ?

Dans son interview télévisée à l’Élysée, le président Macron a dénoncé le « cynisme » de certaines grandes entreprises qui ont dégagé d’importants bénéfices exceptionnels. Il a fait part de son intention de demander au Gouvernement de travailler à une « contribution exceptionnelle » sur les « profits exceptionnels d’entreprises ». Derrière cette déclaration sont visés les mécanismes de rachat d’action par les entreprises. Au Sénat, le ministre de l’économie et des finances a expliqué que le Gouvernement souhaitait obliger les entreprises à distribuer plus d’intéressement, plus de participation, plus de primes défiscalisées lorsqu’elles font du rachat d’actions. Le Gouvernement envisage un doublement des sommes versées au titre de la participation, de l’intéressement ou des primes défiscalisées, pour toutes les grandes entreprises qui font du rachat d’actions. Les entreprises ciblées sont celles de plus de 5000 salariés. Le Gouvernement souhaite formuler des propositions aux partenaires sociaux pour qu’ils négocient sur ce mécanisme.

->Fiscalité locale

Rapport de la Cour des comptes sur les taxes foncières

La Cour des comptes a présenté dans un rapport ses analyses concernant les taxes foncières sur la période 2016-2021 (C. comptes, Les taxes foncières, 27 février 2023, 88 p.). En premier lieu, elle note une imposition au rendement dynamique au profit du bloc communal. En 2021, le montant total des perceptions de TFPB et la TFNB s’élevait à 35,3 Mds€. Elle souligne leur relative insensibilité aux chocs économiques. Elles constituent désormais la première recette fiscale du bloc communal (communes et EPCI) qui dispose d’une certaine liberté pour fixer le taux des taxes et peut également intervenir sur l’assiette (exonérations temporaires, etc.). La Cour des comptes relève que les taxes foncières demeurent parmi les derniers impôts dont le taux est toujours maîtrisé par les communes, permettant de conserver un lien entre les contribuables locaux et le bloc communal. En second lieu, la Cour note qu’il s’agit d’une imposition stable malgré son établissement complexe. En 2021, une révision de la valeur locative cadastrale des locaux industriels (RVLLP) a été engagée. Cette réforme s’est accompagnée de la mise en place de mécanismes permettant de neutraliser ses effets excessifs pour les propriétaires concernés et pour le bloc communal. La loi de finances pour 2020 a posé les bases d’une future révision des modalités de calcul de la valeur pour les locaux à usage d’habitation (RVLLH) mais sa mise en œuvre a été repoussée de 2026 à 2028 par la loi de finances pour 2023. La Cour des comptes recommande au Gouvernement de dresser un bilan de la RVLLP afin d’en tirer des enseignements qui pourront être utiles pour la RVLLH. La Cour estime également indispensable de doter les collectivités territoriales d’outils d’analyse afin de leur permettre de mesurer l’impact de cette réforme sur leurs recettes de TFPB. En dernier lieu, la Cour des comptes souligne que l’établissement des taxes foncières est rendu complexe en raison de sa gestion. Des préconisations sont formulées en ce sens (dématérialisation, amélioration des échanges entre la DGFIP et les collectivités territoriales, etc.). A suivre…

->Impôt sur les sociétés

Réforme fiscale internationale, les inquiétudes des entreprises françaises

Si les travaux de l’OCDE sur la Convention multilatérale pour la mise en œuvre du pilier « Un » et « Deux » sont toujours en cours (v. Repères, nov. et déc. 2022), plusieurs dizaines d’entreprises françaises (dont le chiffre d’affaires consolidé excède 750 M$) et les organisations patronales (MEDEF, AFEP, etc.) ont interpellé l’OCDE sur les bouleversements générés par cette évolution en matière de déclarations fiscales. Les entrepreneurs français s’inquiètent du volume et du niveau d’informations qui devront être fournis dans les déclarations envoyées aux administrations fiscales des États étrangers. Ils expriment aussi leurs « vives inquiétudes » quant à la protection des données économiques sensibles. Ils attirent l’attention sur l’alourdissement de la charge administrative pour les sociétés et leurs filiales, ainsi que sur l’importance des ressources humaines à mobiliser. Ils estiment que seules des informations générales doivent être partagées avec des juridictions qui ne sont pas habilitées à collecter l’impôt supplémentaire. Le projet actuel de l’OCDE crispe les entreprises françaises car n’importe quel État parmi les États signataires de l’accord peut en théorie réclamer des informations aux entreprises concernées. Or les garanties offertes aux contribuables d’un État à l’autre sont très variables. Ces questions techniques doivent être aborder avec l’OCDE. L’objectif est qu’en 2025, 90 % des multinationales concernées soient assujetties à un impôt minimum mondial. En France, la prochaine étape décisive est la transposition dans le droit français de la directive (UE) n° 2022/2523 du Conseil visant à assurer un niveau minimum d’imposition mondial pour les groupes d’entreprises multinationales et les groupes nationaux de grande envergure dans l’UE. Le Gouvernement envisage un projet de loi spécifique qui devrait être présenté avant l’été 2023.

->Contrôle fiscal et procédures fiscales

Contentieux fiscal du « précompte mobilier » devant le Conseil d’État

Une nouvelle étape vient d’être franchie dans un contentieux fiscal dit du précompte mobilier. Ce dispositif, institué en 1965 et supprimé en 2005, a posé question au regard de sa comptabilité selon le droit de l’UE et de la CEDH. Le 1er mars, le Conseil d’État s’est prononcé sur les dossiers concernant Schneider Electric et Air Liquide (v. not. CE, 8e et 3e ch. r., 1er mars 2023, Société Air Liquide, Req. n° 443678, Publié au recueil Lebon). Le Conseil d’État rend un arrêt de rejet de la décision rendue par la CAA de Versailles. Le pourvoi desdites sociétés est rejeté par le Conseil d’État et il demande maintenant à la CAA de Versailles de recalculer les montants que l’État leur doit. La décision du Conseil d’État du 1er mars 2023 s’inscrit dans une jurisprudence établie de la CJUE considérant que ce dispositif est contraire aux libertés d’établissement et de circulation des capitaux prévues par les articles 49 et 63 du TFUE (CJUE, 15 sept. 2011, aff. C-310/09, Ministre du Budget, des Comptes publics et de la Fonction publique c/ Accor SA) et à l’article 4 de la Directive (CE) n° 90/435 du Conseil, du 23 juillet 1990, « Directive mère-fille » (CJUE, 12 mai 2022, C-556/20, Schneider Electric SE).

Fraude fiscale : perquisitions dans les grands établissements bancaires français

Le Parquet national financier (PNF) enquête sur le rôle des établissements bancaires dans la mise en place des montages dits « CumCum », qui permettraient, selon lui, à un investisseur d’échapper à l’imposition sur les dividendes. Les établissements bancaires concernés (BNP Paribas et sa filiale Exane, Société Générale, Natixis, HSBC, etc.), pour un montant de redressement qui dépasserait 1 Md€, ont toujours contesté toute irrégularité dans cette affaire. Au mois de mars, ce sont les locaux parisiens de cinq grands établissements bancaires qui ont été perquisitionnés par 160 fonctionnaires dans le cadre d’enquêtes ouvertes par le PNF sur des soupçons de fraude fiscale aggravée et de blanchiment aggravé de fraude fiscale. Les volumes de données à récupérer sont conséquents et elles portent sur des transactions financières complexes. L’objectif est de distinguer celles qui ont une véritable utilité économique de celles qui ont été réalisées à des fins d’évitement de l’impôt. En 2021, devant le Sénat, la Fédération bancaire française (FBF) avait insisté sur le fait que les montages financiers mis en cause servaient à des opérations de couvertures de risque et d’apports de liquidités aux marchés. Lors de cette audition, un représentant de l’Autorité des marchés financiers avait rappelé que les prêts de titres sont utiles au bon fonctionnement du marché (v. travaux de la Commission des finances du Sénat, 1er déc. 2021, auditions sur le thème des « CumEx Files » ; v. Repères déc. 2021).

MANAGEMENT PUBLIC
->Administration numérique

Partage des données

Le décret n° 2023-188 du 17 mars 2023 relatif à la création d’un traitement de données à caractère personnel visant à faciliter le partage de données entre les acteurs de l’insertion sociale et professionnelle et portant diverses dispositions en matière d’insertion est paru au Journal officiel du 19 mars 2023. Ce texte crée un traitement de données à caractère personnel permettant le partage de données entre les acteurs de l’insertion sociale et professionnelle. Il définit les finalités du traitement, les catégories et la durée de conservation des données enregistrées ainsi que les modalités de sa mise en œuvre. Il précise également les modalités d’accès, d’alimentation et de transmission des données du traitement.

Dématérialisation

Un arrêté du 6 mars 2023 fixe les modalités de transmission électronique des pièces justificatives numérisées des dépenses de personnel de l’État aux comptables publics. Le texte précise que ces pièces doivent être présentées sous un format numérique défini par le directeur général des finances publiques. Ayant valeur probante, elles doivent être conservées par le comptable pendant un délai de dix ans.

->Relations avec les usagers

Commission nationale du débat public

Le nouveau Règlement intérieur de la Commission nationale du débat public (CNDP) vient d’être publié au Journal officiel (12 mars 2023). On en retiendra : que les membres de la CNDP doivent s’efforcer de participer avec assiduité aux réunions mensuelles de la Commission ; qu’ils doivent se former et s’informer sur les principes, valeurs et méthodologie du débat public ; qu’ils doivent, dans la mesure du possible, participer à un débat public ou à une concertation durant la durée de leur mandat ; que les séances qui ont habituellement lieu au siège de la Commission peuvent toutefois se tenir en tout autre lieu du territoire national si celle-ci le décide ; que les séances ne sont pas publiques ; que les votes ont lieu à main levée, sauf si la présidente ou le président, ou au moins le tiers des membres présents demandent un scrutin secret.

Service de santé étudiante

Le décret n° 2023-178 du 13 mars 2023 relatif aux services universitaires et interuniversitaires de santé étudiante est paru au Journal officiel du 14 mars 2023. Le texte réforme le dispositif de santé en faveur des étudiants et usagers de l’enseignement supérieur. Il prévoit que les services de médecine préventive et de promotion de la santé (article L. 831-1 du code de l’éducation) changent de dénomination et deviennent des services universitaires de santé étudiante (SSE). Ces services demeurent ouverts aux étudiants des établissements d’enseignement supérieur publics mais aussi privés, sous réserve d’une convention conclue à titre onéreux. Enfin, le texte précise que lorsqu’ils sont autorisés à dispenser des soins en tant que centres de santé, ces mêmes services contribuent à l’accès aux soins de premier recours, notamment au bénéfice des étudiants de l’établissement auquel ils sont rattachés.

EUROPE
->Politique européenne

Les derniers rapports de la Cour des comptes européenne

Le 1er mars 2023, la Cour des comptes européenne a présenté un ambitieux rapport spécial n° 05/2023 consacré au « paysage financier de l’Union européenne – Un assemblage disparate nécessitant plus de simplification et un meilleur respect de l’obligation de rendre compte ». Elle recommande d’intégrer dans le budget européen les fonds qui ne le sont pas et de regrouper des instruments d’assistance financière, le tout afin que la Commission rende mieux compte de ce « paysage financier ». Elle a par ailleurs publié le 8 mars 2023 un rapport spécial 07/2023 relatif à la conception du système de contrôle de la Commission relatif à la facilité pour la reprise et la résilience, le 13 mars le rapport spécial 06/2023 relatif aux conflits d’intérêts et dépenses agricoles et de cohésion de l’UE et le 27 mars le rapport spécial 08/2023 relatif au transport intermodal de marchandises. Selon la Cour, l’UE peine à restreindre le fret routier.

->Pacte de stabilité

Orientations en matière de politique budgétaire pour 2024 et pour le PSC

Le 8 mars 2023, la Commission adresse aux États membres des orientations sur les politiques budgétaires à conduire l’année prochaine et leur coordination. Ces orientations sont formulées dans un contexte de discussions sur le futur cadre de gouvernance économique. Dans l’ensemble, les politiques budgétaires pour 2024 devraient garantir la soutenabilité de la dette à moyen terme et favoriser une croissance durable et inclusive dans tous les États membres. Concernant le Pacte de stabilité et de croissance, si tout n’est pas réglé, les États membres se sont mis d’accord lors de la réunion ECOFIN du 14 mars 2023, confirmée lors de la réunion du 23 mars du Conseil européen, pour conserver les fameux critères de Maastricht (3% de PIB pour le déficit public et 60 % pour l’endettement public). Les plans à moyen terme permettraient toutefois d’investir davantage dans le domaine des transitions écologiques et numériques ainsi que dans celui de la défense. Les textes législatifs de cadrage sont prévus d’ici fin 2023. Par ailleurs la clause dérogatoire de l’actuel PSC sera désactivée en fin d’année.

->Euro

La BCE face à l’inflation et aux tensions du secteur bancaire

La Banque centrale européenne (BCE) avait prévu d’augmenter à nouveau ses taux d’intérêts mais les tensions sur le secteur bancaire en réplique à la faillite de la SVB aux États-Unis interrogeaient les observateurs. Le 16 mars le prêt de 50 milliards octroyé par la Banque centrale helvétique au Crédit suisse avait certes fortement calmé les marchés financiers. Mais c’est avant tout en raison de la vigueur de l’inflation que ce même 16 mars 2023, la BCE a annoncé comme prévu sa décision de hausse de 50 points des taux d’intérêts. Ils se situent désormais dans une fourchette comprise entre 3 % et 3,75 %.

->Fiscalité

Progrès du Conseil sur le MACF et la fiscalité des multinationales

Lors de sa réunion du 15 mars 2023 les membres du Conseil ECOFIN se sont mis d’accord (orientation générale) sur le règlement établissant le mécanisme d’ajustement carbone aux frontières (MACF). Il reste toutefois plusieurs questions techniques à régler comme solution relative à la suppression progressive de l’allocation de quotas à titre gratuit aux secteurs industriels couverts par le MACF. Par ailleurs, ils ont progressé vers une position commune sur la directive, présentée en décembre 2021 par la Commission européenne, permettant de mettre en œuvre au niveau européen le volet imposition minimum de la réforme sur la fiscalité internationale de l’OCDE.

INTERNATIONAL
->Monnaies

Difficultés de la Fed face à l’inflation

Le 14 mars, la publication de l’indice américain des prix à la consommation de février, est l’occasion pour la presse de montrer les difficultés de la Fed. Sur un an, l’inflation a atteint 6 %, contre 6,5 % en janvier, et 5,5 % hors énergie et alimentation, décrue sensible par rapport au record de 9,1 % atteint en juin 2022 mais toujours trop élevée par rapport à l’objectif de 2 % de la Federal Reserve (Fed). La faillite de la Silicon Valley Bank (SVB) le 10 mars, et la nécessité qui en découle d’assurer la stabilité financière, affaiblissait encore la situation. Finalement, le 22 mars, la Fed a finalement relevé son taux directeur de 0,25%, hausse plus modérée de moitié que celle programmée et jusqu’alors opérée (v. les Repères précédents).