reperes2023

REPÈRES (FÉVRIER 2023) – REVUE-GFP N°2 – 2023

BUDGET DE L’ÉTAT ET DES OPÉRATEURS
->Données générales sur les finances publiques

Février 2023 : les prix à la consommation augmentent de 6,2 % sur un an

Dans une note publiée le 28 février 2023 l’Insee indique que sur un an les prix à la consommation augmentent de 6,2 % en février 2023, après +6,0 % le mois précédent. Cette légère hausse de l’inflation serait due à l’accélération des prix de l’alimentation et des services. Les prix des produits manufacturés augmentent sur un an à un rythme proche du mois précédent et ceux de l’énergie ralentiraient.

Sur un mois, les prix à la consommation augmentent de 0,9 %, après +0,4 % en janvier. Les prix des produits manufacturés rebondissent avec la fin des soldes d’hiver. Ceux des services accélèrent, tirés par le rebond des prix des services de transport. Les prix de l’énergie ralentissent, l’effet de la revalorisation des tarifs réglementés de l’électricité étant atténué par le repli des prix des produits pétroliers.

Quatrième trimestre 2022 : le PIB augmente de 0,1 %

Dans une note publiée le 28 février 2023 l’Insee indique qu’au quatrième trimestre 2022, l’évolution du PIB en volume est confirmée à +0,1 %.

Le pouvoir d’achat du revenu disponible brut des ménages par unité de consommation augmente de 0,8% au quatrième trimestre 2022 (après +0,7 % au troisième trimestre). Cette augmentation du pouvoir d’achat est portée par un net recul des prélèvements fiscaux en raison de la suppression de la contribution à l’audiovisuel public et de la poursuite de la baisse de la taxe

d’habitation (deuxième dégrèvement pour les 20 % de ménages les plus aisés).

À noter également que le taux d’épargne des ménages augmente fortement au quatrième trimestre 2022 : il s’établit à 17,8 %, après 16,1 % au troisième trimestre 2022.

Le taux de marge des sociétés non financières (SNF) augmente de 0,5 point : il s’établit à 32,4 % ce trimestre. En moyenne sur l’année 2022, le taux de marge des SNF s’établit à 32,0 % (après 34,2 % en 2021). Après avoir atteint un niveau historiquement haut en 2021, il recule donc de 2,2 points en 2022, en raison essentiellement de la fin des mesures de soutien liées à la crise sanitaire. Il reste néanmoins supérieur de 0,5 point à son niveau moyen de 2018.

->Budget des pouvoirs publics

Le soutien au tourisme durant la crise sanitaire

Le Premier président de la Cour des comptes a été auditionné le 10 janvier par la commission de la culture, de l’éducation et de la communication du Dans un rapport publié le 8 février 2023, la Cour des comptes présente les résultats de son évaluation relative aux mesures de soutien déployées par l’État et ses opérateurs en 2020 et 2021 pour aider les entreprises du tourisme à faire face à la crise.

La Cour relève que le secteur du tourisme a bénéficié de 45,5 Md€ d’aides publiques en 2020 et 2021, dispensées par l’État et ses opérateurs. Selon la Cour, 98 % des entreprises du secteur ont reçu au moins une aide sur cette période. Ces aides ont compensé 88 % des pertes d’excédent brut d’exploitation et 25,8 % de la perte de chiffre d’affaires du secteur. Elles ont permis de diminuer de près de 44 % les faillites d’entreprises du tourisme en 2020 et 2021 par rapport à 2019. Si bien que le niveau des effectifs du secteur du tourisme a été globalement stabilisé, avec une baisse limitée à 0,4 % entre fin 2019 et fin 2021.

La Cour indique que grâce à cette aide massive et au caractère adapté des mesures prises, l’activité des entreprises a pu reprendre dans de bonnes conditions dès la levée des restrictions de mobilité.

Toutefois, la Cour constate que les principales mesures prises n’ont pas participé à la modernisation du secteur. Les dispositifs de soutien à la transition écologique ont conduit à l’amélioration énergétique de petits équipements, mais n’ont pas permis au secteur d’entamer sa transformation durable. À défaut de favoriser une véritable avancée, ces mesures constituent des préliminaires à une nouvelle dynamique de transformation. Enfin, la Cour constate que les difficultés de recrutement, liées à un problème ancien d’attractivité et de fidélisation des personnels, semblent s’être encore accrues depuis la crise sanitaire.

Finalement, la Cour formule trois recommandations pour appeler à poursuivre la transformation du secteur, enjeu de compétitivité et de réussite des engagements de la France en matière de développement durable et de lutte contre le réchauffement climatique.

ComptaBilitÉ puBlique
->Responsabilité des gestionnaires publics

Vente des meubles du château de Grignon : un réquisitoire pris par le Procureur général près la Cour des comptes

Dans un communiqué publié le 22 février 2023, il est indiqué que le Procureur général a saisi la Cour des comptes en vue de l’ouverture d’une instruction contentieuse sur l’affaire de la vente du mobilier du château de Grignon.

Pour la première fois dans le cadre du régime de responsabilité financière des gestionnaires publics, le Procureur général a décidé de prendre un réquisitoire sur la base d’informations publiées dans la presse. L’affaire concerne la vente des meubles du château de Grignon. Ces meubles auraient été cédés à des prix très inférieurs à leur valeur réelle.

La prochaine instruction dirigée par un magistrat de la nouvelle chambre du contentieux aura pour objectif de déterminer de quelle manière l’opération a été menée, si des règles ont été enfreintes et, le cas échéant, définir les responsabilités.

Sur la base de cette instruction, le Procureur général décidera si l’affaire doit faire l’objet d’un classement ou d’un renvoi devant la chambre du contentieux et faire l’objet d’une audience publique.

Finances locales
->Les finances des communes rurales

Dans cette note, la DGCL souligne la particularité des communes rurales qui représente plus de 30 000 communes sur les 36 000 que compte la France. La DGCL rappelle la spécificité de ces communes, à savoir des dépenses et des recettes inférieures à celles des autres catégories de communes. Cependant, leur épargne brute est similaire et les ratios financiers sont mêmes meilleurs pour les communes rurales. L’endettement est également plus faible. Toutefois, les disparités entre communes rurales sont importantes et l’étude distingue six catégories de communes en s’appuyant sur la classification ascendante hiérarchique (CAH), qui permet de classer les communes en fonction de leur profil.

->Rapport du Conseil des prélèvements obligatoires sur la TVA et les COLLOCS

Dans ce rapport, le Conseil des prélèvements obligatoires (CPO) revient sur les affectations régulières de TVA aux collectivités. Pour mémoire, le mouvement a commencé avec la transformation en 2016 de la DGF des régions en TVA, puis la réforme de la taxe d’habitation, des impôts de production et enfin la loi de finances pour 2023, qui remplace d’ici deux ans la CVAE restante par de la TVA. En 2021, la part de TVA affectée aux collectivités territoriales représentait 20 % du montant total de TVA prélevée par l’État. Le CPO s’interroge sur la pertinence de ces transferts à répétition, notamment au regard de la soutenabilité des finances publiques, compte tenu des pertes de ressources pour l’État.

->Rapport d’activité de l’Observatoire des Finances et de la Gestion publique locale

L’Observatoire des Finances et de la Gestion publique locale (OFGL) continue d’approfondir son travail sur la connaissance des finances locales avec une réflexion sur les données. Ses principaux travaux sur l’année 2022 ont concerné les domaines suivants : le développement de la plateforme de partage de données, l’analyse des dépenses d’investissement des collectivités, la modernisation des indicateurs de ressources et de charges, l’analyse des coûts, la fiscalité locale et les territoires, les entreprises et le secteur public local.

L’OFGL a également approfondi la connaissance des flux croisés entre budgets ainsi que les relations entre les EPCI et les communes.

->Financer notre stratégie énergie-climat : donnons-nous les moyens de nos engagements

Dans cet avis du CESE, le financement de la transition climatique est abordé avec un examen des différentes strates de personnes publiques. Cette note rappelle le cadre général envisagé par le projet de loi de programmation pour 2023-2027 avec une de diminution de 10 % du ratio des dépenses brunes sur les dépenses vertes ou mixtes entre 2022 et 2027. Le secteur local constitue un échelon pertinent pour la transition écologique, compte tenu de l’importance de leur patrimoine bâti (280 millions de mètres carré, soit trois quarts de l’ensemble du patrimoine public). Le constat dressé par ce document est le suivant : « À ce jour, les efforts financiers des collectivités territoriales ont été efficaces pour la rénovation des logements sociaux et les projets de mobilité, a contrario, des progrès importants restent à faire dans la rénovation des bâtiments publics ou la gestion de l’eau ».

->Arrêté du 23 janvier 2023 sur le financement participatif pour les collectivités

L’arrêté du 23 janvier 2023 définit les critères d’éligibilité des collectivités territoriales ainsi que les modalités de mise en œuvre de l’expérimentation prévue au II de l’article 48 de la loi n°2021-1308 du 8 octobre 2021 portant diverses dispositions d’adaptation au droit de l’Union européenne dans le domaine des transports, de l’environnement, de l’économie et des finances.

->Rapport de la Cour des comptes sur les taxes foncières

Dans ce rapport, la Cour des comptes examine en détail un impôt devenu majeur au niveau de la fiscalité directe locale, compte tenu de la suppression des autres impôts directs locaux. La Cour part du constat d’une disparité importante entre propriétaires, avec cependant une assiette stable. Il existe des mécanismes de réduction de l’impôt avec de nombreux abattements et exonérations. La réforme de la fiscalité locale mais également des valeurs locatives perturbent la lisibilité de la taxe foncière.

FINANCES SOCIALES
->Situation des comptes sociaux et politiques sociales

Note de l’OFCE sur l’impact des mesures budgétaires pour le pouvoir d’achat en 2022

Une note de l’OFCE analyse l’effet des mesures budgétaires intervenues en 2022 (et pour certaines prolongées en 2023) sur le pouvoir d’achat des ménages français en 2022-2023. Selon cette note, le pouvoir d’achat par unité de consommation (UC) devrait revenir à son niveau de 2019 à la fin de l’année 2023. Le pouvoir d’achat avait en effet continué à croître de l’ordre de 1 % par an en moyenne pendant la crise sanitaire de 2020- 2021, grâce aux mesures de soutien du « Quoi qu’il en coûte » mais aussi grâce à l’épargne forcée de l’ordre de 145 Md€ qui avait été constituée à l’époque par les agents économiques ; le retour spectaculaire de l’inflation en 2022 (+5,9 % en glissement annuel selon l’Insee) du fait du choc enregistré sur l’énergie et les matières premières pourrait conduire à une baisse du pouvoir d’achat comprise entre -1,2 % et -2,0 % par UC selon l’OFCE, effaçant ainsi la hausse précédente. Cependant cette baisse aurait pu être beaucoup plus importante – de l’ordre de -5 % – en l’absence des mesures de soutien budgétaires exceptionnelles intervenues en 2022 (ex. bouclier tarifaire gaz et électricité, remise à la pompe, indemnité inflation, chèque énergie), de la revalorisation anticipée des pensions et des minima sociaux, ainsi que de la poursuite des allègements fiscaux sur les ménages (ex. suppression de la taxe d’habitation et de la contribution à l’audiovisuel public, « contemporanéité » du crédit d’impôt pour les services à la personne). Ces mesures ont eu un effet redistributif notable : ainsi le bouclier tarifaire et la remise carburant (mise en œuvre jusqu’à la fin 2022) auraient permis de soutenir de 5,1 % le niveau de vie des 20 % les plus modestes et de 2,2 % celui des 20 % les plus aisés, et les effets relatifs seraient du même ordre pour ce qui concerne les mesures fiscales.

Un accord dans la négociation sur le partage de la valeur

Le 11 février, la majorité des partenaires sociaux (sauf la CGT), en réponse à la lettre de cadrage adressée par le ministre du Travail en septembre dernier leur demandant de faciliter pour l’ensemble des salariés au moins un dispositif de partage de la valeur, s’est mise d’accord sur une obligation, sous un certain nombre de conditions, pour une partie des entreprises entre 11 et 50 salariés, de mettre en place au moins un des trois dispositifs : participation, intéressement ou abondement d’un plan d’épargne d’entreprise. Le gouvernement s’est engagé à reprendre cet accord à son compte dans une loi, avec des perspectives d’« enrichissement », portées par le groupe « Renaissance », concernant les entreprises de plus de 5 000 salariés générant des profits exceptionnels.

Succès de la « prime de partage de la valeur-PPV » en 2022

Selon les statistiques publiées par l’ACOSS, la nouvelle « Prime de partage de la valeur », qui a remplacé la « Prime Macron » et qui est exonérée de cotisations et contributions sociales sous certaines conditions, a bénéficié à 5,5 millions de salariés entre le 1er juillet 2022 (date de son institution) et le 31 décembre 2022, pour un total de versements de 4,43 Md€. Le montant moyen de prime par salarié s’est élevé à 789 €.

->Dépenses de santé / Hôpital / Assurance maladie

Hausse des dépenses d’Assurance maladie au PLFSSR 2023

Le gouvernement a déposé un amendement au projet de loi de financement de la Sécurité sociale pour 2023, qui pour l’essentiel porte le projet de réforme des retraites, augmentant les dépenses de santé de 750 M€, suite aux annonces du président de la République en direction des professionnels de santé (voir « Repères » de janvier 2023). Cet abondement bénéficiera à hauteur de 150 M€ à la médecine de ville pour accompagner les négociations conventionnelles avec les professionnels libéraux et de 600 M€ à l’hôpital, notamment pour financer la prolongation de la hausse de la rémunération du travail de nuit dans les services d’urgence. Pour autant, les discussions entre les médecins libéraux sont restées dans l’impasse (voir infra). À signaler par ailleurs un document de France Stratégie qui fait un tableau des dispositifs d’organisation des professions de santé et de leur évolution.

Échec des négociations sur la revalorisation des tarifs médicaux

Après trois mois de discussion, les négociations conventionnelles entre la Caisse nationale d’Assurance maladie et les syndicats de médecins libéraux se sont soldées par un constat d’échec. La proposition de l’Assurance maladie de revaloriser de 25 € à 26,5 € la consultation de base pour les généralistes (qui réclamaient un tarif de 50 €) et de créer un tarif de 30 € en contrepartie de la souscription d’un « contrat d’engagement territorial » comportant plusieurs mesures pour lutter contre la désertification médicale aurait représenté un coût d’1,5 Md€ pour le régime. En application du code de la Sécurité Sociale, un arbitre aura trois mois pour soumettre au gouvernement un projet de règlement, dont l’objectif premier sera de permettre le remboursement des assurés sociaux en l’absence de convention.

->Retraites

Bilan de la discussion du projet de loi sur les retraites après le passage à l’Assemblée nationale

L’Assemblée nationale a achevé le 17 février l’examen du PLFSSR qui porte la réforme du système de retraites, dans le délai contraint prévu par l’article 47-1 de la Constitution, sans pouvoir aller au-delà de l’article 2 en raison de la stratégie d’obstruction de la NUPES ; de ce fait, peu de modifications ont pu être apportées au texte (sauf en ce qui concerne la suppression de l’« index » sur l’emploi des seniors), mais le gouvernement a pris un certain nombre d’engagements pour le dispositif des carrières longues (une nouvelle borne d’âge à 63 ans a été créée pour ceux ayant commencé à travailler avant 21 ans et il a promis de renoncer à l’exigence d’un minimum de 44 années de cotisations pour ouvrir droit au dispositif). Il a dû par ailleurs préciser la portée de la revalorisation du minimum contributif à 85 % du SMIC net pour une carrière complète, qui serait bien moindre que ce qu’il avait laissé entrevoir lors de la présentation du texte, puisque, selon les éléments contenus dans le rapport de la commission des affaires sociales du Sénat, sur les 1,8 million de retraités actuels appelés à voir leur pension revalorisée, seuls 120 000 bénéficieraient d’une augmentation mensuelle de 100 €, et que, sur le flux annuel de 800 000 nouveaux retraités, pas plus de 40 000 devraient passer le cap des 85 % du Smic ; comme l’analyse une note de l’Institut des politiques publiques du 9 février, le minimum contributif ne constitue pas en réalité un minimum de pension garanti indépendamment de la carrière, du fait qu’il est calculé au prorata de la durée de cotisation validée, et il ne joue en pratique qu’une fonction de « minimum de salaire de référence » ; selon les auteurs de cette note, il faudrait s’interroger sur l’intérêt d’un minimum de pension inconditionnel, qui relèverait donc de la logique des minima sociaux sous conditions de ressources. Avant le passage au Sénat, il y avait donc du flou sur le bilan financier réel de la réforme, qui ne serait plus équilibré à l’horizon de 2030 (sur cet équilibre, voir la présentation de la réforme dans les « Repères » de janvier 2023), mais accuserait à présent un déficit d’au moins 600 millions € du fait des concessions du gouvernement sur les carrières longues. Pendant les débats ont été publiées de nouvelles études, notamment une note de la DRESS sur la progression de l’espérance de vie à 65 ans et une note de l’Institut des politiques publiques qui fait un rappel des réformes en matière de retraites intervenues depuis 50 ans.

->Assurance chômage

Redressement spectaculaire des comptes de l’Assurance-chômage

Le bureau de l’UNEDIC du 21 février 2023 a entériné les prévisions financières de l’Assurance chômage pour la période 2023-2025. L’UNEDIC enregistrerait un excédent financier de 3,8 Md€ en 2023, de 4,7 Md€ en 2024 et de 8,6 Md€ en 2025 (après un excédent de 4,8 Md€ en 2022 et un déficit record de -17,4 Md€ en 2020). Ce redressement serait dû à une stabilisation des dépenses : l’augmentation des dépenses d’indemnisation consécutive à un ralentissement attendu de l’emploi en 2023 serait fortement atténuée par l’effet des deux réformes du régime de l’Assurance chômage intervenues en 2021 (allongement de la durée d’affiliation requise pour l’ouverture des droits, modification du calcul du salaire journalier de référence, bonus-malus sur les contributions patronales) et en février 2023 (réduction de 25 % de la durée des droits pour les nouveaux entrants en cas de bonne conjoncture, l’effet financier de cette réforme n’étant toutefois pleinement atteint qu’au bout d’une période de 5 ans) ; en revanche les impacts collatéraux sur l’Assurance chômage de la réforme des retraites en cours de discussion restent à ce stade difficiles à évaluer. Parallèlement, les recettes du Régime continueraient d’être dynamiques, plus du fait de l’évolution des salaires qui resterait sensiblement supérieure à ce qui a été observé durant la décennie 2010, en raison de la reprise de l’inflation, que de celle de l’emploi. En conséquence la dette de l’Assurance chômage, qui avait atteint un pic de 63,6 Md€ fin 2021, continuerait de se résorber pour parvenir à un niveau de 42,2 Md€ en 2025. L’Unedic estime à 3,3 Md€ l’effet sur le solde financier annuel des deux réformes de 2019-2021 et 2023.

->Solidarité / Insertion / Lutte contre la pauvreté

La pauvreté chez les jeunes de 18-24 ans

Une note de la DREES, à partir de données de 2014 sur les ressources des jeunes, révèle que 26 % des jeunes de 18-24 ans vivent en dessous du seuil de pauvreté monétaire (niveau de vie inférieur à 60 % du revenu médian), et que ce pourcentage est de 34 % chez ceux qui ne vivent pas chez leurs parents (« décohabitants »). Par ailleurs, parmi les étudiants, qui sont plus nombreux à être restés chez leurs parents, un quart sont « pauvres en condition de vie », c’est-à-dire déclarant des privations sur certains biens de consommation ou certaines activités.

Forte progression de l’insertion par l’activité économique en 2021

Une note de la DARES fait le point de l’insertion par l’activité économique (IAE) en 2021. L’IAE regroupe l’ensemble des structures (entreprises d’insertion, ateliers et chantiers d’insertion, entreprises de travail temporaire d’insertion) qui s’engagent à employer des publics très éloignés de l’emploi pour une durée limitée. L’effectif des personnes en insertion (143 000 à fin 2021) a cru de 5 % par rapport à l’année précédente, avec une forte augmentation des entrées, ainsi qu’une prédominance des emplois dans les services à la personne (aide à la vie quotidienne) et à la collectivité (propreté et environnement urbain). La population de l’IAE est jeune, peu diplômée, et majoritairement en situation de demandeur d’emploi de longue durée.

-> Contrôle / Lutte contre la fraude fiscale

Rapport sur les fraudes aux prestations sociales

Dans le deuxième volet de son rapport sur l’avenir du recouvrement social, le Haut Conseil pour le financement de la protection sociale analyse les nouveaux enjeux du contrôle et de la lutte contre les fraudes. Il rappelle d’abord les objectifs du contrôle du recouvrement des prélèvements sociaux : l’objectif financier de garantir les ressources de la protection sociale ; l’objectif d’assurer une saine concurrence entre les entreprises ; celui enfin de rétablir les droits sociaux des assurés. Il note ensuite que les résultats de l’activité de contrôle des URSSAF sont restés relativement stables pendant la période 2011-2021 (entre 1,2 et 1,4 Md€), avec une baisse du rendement des contrôles comptables (sur pièces) et une hausse de celui des contrôles sur place et de la lutte contre le travail illégal, l’efficacité des contrôles ayant bénéficié de la mise en place de la déclaration sociale nominative (DSN) en 2017 et du recours à de nouvelles techniques comme le datamining. Le HCFiPS pointe le danger que représentent de nouvelles organisations du travail entrainant une dilution de la responsabilité des employeurs : les montages complexes mettant en jeu des « entreprises éphémères », qui ont une durée de vie très limitée, le temps de retirer frauduleusement le bénéfice de prestations sociales avant l’intervention d’un contrôle ; le recours à une main-d’œuvre sous-payée ou non soumise à la Sécurité sociale française (fraude au détachement) ; le recours au « non-salariat » favorisé par l’auto-entreprenariat et les plateformes numériques. Le rapport, à travers 35 recommandations, propose un certain nombre d’évolutions du contrôle pour s’adapter à ces situations : notamment, meilleure articulation entre la sphère fiscale et la sphère sociale ; meilleur partage des données au sein de la sphère sociale, en passant d’une logique d’accès individuel à une logique d’accès automatisé et de masse ; plus d’efficacité dans la lutte contre les entreprises éphémères en mettant en cause leurs donneurs d’ordre ; renouvellement de l’approche du contrôle sur les indépendants en renforçant la fiabilité des déclarations.

FISCALITÉ ET PROCÉDURES FISCALES
->Politique fiscale

Rapport annuel du Conseil des prélèvements obligatoires sur la TVA – Vue d’ensemble

Dans son rapport annuel dévoilé en février 2023, le Conseil des prélèvements obligatoires (CPO), rattaché à la Cour des comptes (art. L.411-1 et s. du CJF), a consacré son étude à la TVA, principal impôt du système fiscal français, avec un rendement de 186 Md€ en 2021, soit 17 % des prélèvements obligatoires. Ce rapport insiste pour que la TVA soit recentrée sur son objectif de rendement budgétaire pour l’État. Ce dernier est menacé de manière récurrente par la fraude fiscale, et la Cour des comptes a déjà rappelé la nécessité de lutter plus efficacement contre ce phénomène (v. « Repères » de décembre 2019). Dans un contexte économique marqué par la crise sanitaire, par la guerre en Ukraine avec ses conséquences sur le coût de l’énergie et l’inflation, et les préoccupations liées au changement climatique, le CPO estime à juste titre que la TVA doit demeurer un impôt de rendement ayant pour objectif prioritaire le financement des services publics (v. à ce sujet notre tribune A. Baudu, X. Cabannes, « La TVA : un édifice qui s’émiette, un pouvoir fiscal local qui s’effrite », AJDA, 2023.97). En premier lieu, le CPO déconseille l’utilisation de baisses de TVA, générales ou ciblées, pour répondre aux conséquences des crises actuelles. Ce recours à des taux non standards « est un sport national en France », a déploré le Premier président de la Cour des comptes, à l’occasion de la présentation de ce rapport. Le message du CPO est donc très clairvoyant : face à l’inefficacité présumée des taux réduits de TVA, la multiplication des taux réduits étant rarement associés à des études d’impact a priori ou d’évaluation a posteriori, leur suppression serait bienvenue ; et plutôt que d’accroître le maquis fiscal des taux réduits de TVA, il faut privilégier d’autres outils de politique économique, car ces taux réduits de TVA sont très difficiles à remettre en cause, même lorsque leur efficacité apparaît limitée (car dans chaque « niche fiscale » il y a généralement un chien qui devient méchant lorsqu’on envisage de lui retirer la niche !) En deuxième lieu, le CPO revient sur le fait que le budget de l’État ne perçoive désormais plus que la moitié des recettes fiscales de TVA (51 % en 2021 contre 93 % en 2015), en raison d’affectations successives de fractions de TVA aux organismes de Sécurité sociale, aux collectivités territoriales suite aux suppressions programmées d’impôts directs locaux par le législateur (TH sur les résidences principales, CVAE) et à l’audiovisuel public suite à la loi de finances rectificative du 16 août 2022 (v. « Repères » d’août 2022). Ainsi, le budget de l’État est privé de ressources fiscales dynamiques pour financer un niveau équivalent de dépenses publiques. Si auparavant la TVA abondait essentiellement le budget de l’État, cette rupture pose sérieusement la question de la soutenabilité des finances de l’État à terme. En dernier lieu, le CPO exclut une baisse générale des taux de TVA pour relancer l’économie française. Selon ce rapport, face au choc énergétique et à l’inflation qui en découle, une baisse de TVA sur les énergies apparaît moins efficace que d’autres instruments budgétaires ou fiscaux, plus ciblés (ex. « bouclier tarifaire », « chèque énergie »). À plus long terme, une mise en cohérence des accises énergétiques et de la TVA avec les objectifs nationaux de réduction des émissions de gaz à effet de serre et de protection de la biodiversité semble nécessaire, à condition qu’elle s’accompagne d’un soutien temporaire aux entreprises et au pouvoir d’achat des ménages modestes, afin d’assurer l’acceptabilité sociale de la réforme fiscale. Enfin, la proposition d’une « TVA environnementale » se heurte, selon le CPO, à des obstacles, juridiques, économiques et financiers. Ces considérations suggèrent selon lui de privilégier d’autres instruments, tels que les transferts ciblés, les accises, le système européen d’échange de quotas d’émission, les investissements, les normes réglementaires…

->Dépenses fiscales

Indemnité « carburants » : le Gouvernement joue les prolongations

Suite à la parution du décret relatif à la ristourne fiscale relative aux carburants le mois dernier (v. « Repères » de janvier 2023), le Gouvernement a annoncé un délai supplémentaire d’un mois. L’objectif est de permettre que la nouvelle indemnité carburant de 100 € soit versée à chaque membre du foyer fiscal éligible. Selon le ministre des Finances, la moitié des foyers éligibles, soit environ 5 millions, n’en ont pas encore profité.

Adoption d’une proposition de loi sénatoriale : vers une protection des épargnants ?

Le Sénat a adopté la proposition de loi tendant à renforcer la protection des épargnants. Déposée en mars 2022 par les sénateurs J.-F. Husson et A. de Montgolfier, cette proposition de loi a pour objet l’amélioration du fonctionnement du marché français de l’épargne. Il met en œuvre les recommandations de leur rapport intitulé « La protection des épargnants : payer moins et gagner plus » et présenté à la commission des finances du Sénat en octobre 2021 (Doc. parl., Sénat, n° 20, oct. 2021). Selon les auteurs, ce texte vise concrètement à assurer un encadrement plus strict de certaines catégories de commissions ; permettre aux épargnants de pouvoir faire un choix plus éclairé, dans leurs décisions d’investissement comme dans leurs choix de produits ; favoriser le développement et l’adaptation des produits d’épargne aux nouvelles contraintes du marché ; accentuer le contrôle des acteurs du marché de l’épargne. Les sénateurs ont modifié le texte en encadrant les frais bancaires de succession, avec la suppression des frais en cas de clôture d’un compte inférieur à 5 000 € dans le cadre d’une succession ; en améliorant l’information que doivent publier les entreprises d’assurance et les mutuelles en matière de rendement de leurs produits d’assurance-vie ou de capitalisation. Le Sénat a adopté notamment l’article 7 de la proposition de loi qui prévoit d’autoriser dès janvier 2025 le transfert d’un contrat d’assurance vie, sous condition d’ancienneté de plus de huit ans, entre deux compagnies différentes et ce, contre l’avis du Gouvernement. Actuellement, en cas de transfert de l’assurance vie vers une nouvelle compagnie, cela entraine la perte de l’antériorité fiscale du contrat et de ses avantages. Depuis la loi PACTE (L. n° 2019-486 du 22 mai 2019 relative à la croissance et la transformation des entreprises), il est seulement possible de changer de contrat d’assurance vie en restant dans la même compagnie. Selon les spécialistes, 331 000 contrats ont été transférés dans ce cadre en 2022 (contre 423 000 en 2021) pour un montant de 13,5 Md€. Les compagnies d’assurance s’opposent fermement au transfert de contrats entre deux compagnies différentes. Selon elles, cela devrait réduire la durée moyenne des contrats, qui est environ de douze ans aujourd’hui, et, à terme, cela conduirait à un moindre rendement pour l’assuré. Elles préconisent de prévoir plutôt un rachat d’épargne et la souscription d’un nouveau contrat tout en conservant l’antériorité fiscale. Selon le sénateur J.-F. Husson, « il appartient maintenant à la majorité et à l’Assemblée nationale de se saisir de la proposition de loi, car, dans ces temps d’inflation et d’investissement des Français dans l’économie, c’est un sujet important ». Le texte a été transmis aux députés le 1er février 2023 pour examen en première lecture. À quand son inscription à l’ordre du jour à l’Assemblée nationale ? A suivre…

->Fiscalité locale

Report de la majoration de la taxe d’habitation sur les résidences secondaires à 2024

Lors de la séance de questions au gouvernement du 7 février 2023, le ministre des Comptes publics a confirmé le report de la publication du décret des communes éligibles à la taxe sur les logements vacants (TLV) et la possibilité pour celles-ci d’instituer une majoration de la taxe d’habitation sur les résidences secondaires (art. 73 L. n° 2022-1726 du 30 déc. 2022 de finances pour 2023). En l’absence de report, les communes auraient alors eu jusqu’au 28 février pour délibérer. Ce délai a été considéré comme trop court selon le Gouvernement. Le décret devant déterminer la liste des collectivités concernées sera publié au plus tard au printemps 2023.

À propos de la fiscalité à Wallis et Futuna, les éclairages de la Cour des comptes

La Cour des comptes a rédigé un rapport relatif à la situation de l’archipel de Wallis et Futuna. Ce territoire est composé de trois îles (dont deux seulement sont habitées) et comptait environ 11 550 habitants en 2018. Son PIB par habitant était d’environ 10 941 € en 2021 (contre 19 151€ pour la Polynésie française et 32 561 € pour la Nouvelle Calédonie). Wallis et Futuna est dotée de trois budgets locaux : outre le budget du territoire et ses deux budgets annexes, trois circonscriptions disposent de budgets autonomes. Ces budgets sont tous tenus selon l’instruction comptable M52. Les recettes de fonctionnement sont essentiellement générées par les recettes fiscales (dont 70 % de recettes douanières en 2021). La fiscalité locale de l’archipel est composée à 92 % de contributions indirectes et de 8 % de contributions directes pour un total de 24,4 millions d’euros en 2021 (soit 64,3 % des recettes de fonctionnement). Les trois circonscriptions d’Uvea, Alo et Sigave sont dotées de la personnalité morale et disposent donc de budgets autonomes adoptés par leurs assemblées délibérantes appelées conseil de circonscription. Ces budgets bénéficient de dotations de l’État, de centimes additionnels sur la patente ainsi que de transferts du territoire. La patente est due par toute personne physique ou morale qui entreprend une profession pour son propre compte et dans un but lucratif sur le territoire des îles de Wallis et Futuna. La patente est composée d’un droit fixe et d’une taxe additionnelle pour frais de chambre interprofessionnelle. En 2021, l’administration avait réalisé une étude visant à l’identification de nouvelles recettes fiscales. La création d’une taxe sur les prestations de services marchands et non marchands a ainsi été évoquée : elle permettrait de générer de 0,6 à 1,2 M€ selon le taux. L’administration a également réfléchi à créer une contribution sur les hauts revenus, qui frapperait essentiellement les métropolitains, qui pourrait permettre de générer 5,5 M€.

->Fiscalité environnementale

Précisions du Conseil d’État : redevance pour pollution de l’eau d’origine non domestique

Les entreprises dont les activités conduisent à rejeter des éléments polluants dans le milieu naturel sont assujetties à une redevance pour pollution de l’eau d’origine non domestique. Ces redevances sont recouvrées par les agences de l’eau (art. L. 213-10-1 Code env. – art. 84 L. n° 2006-1772 du 30 déc. 2006 – art. 84 – en vigueur depuis le 1er janvier 2008). Le Conseil d’État, dans un arrêt récent (CE, 6 et 5 ch. r., 25 janv. 2023, Société Boréalis Chimie, Req. n° 446.730) a été amené à se prononcer sur la taxation opérée par l’agence de l’eau Seine-Normandie contre une société de chimie. Par deux titres exécutoires de 2014, l’agence de l’eau avait mis à la charge de ladite société la somme de 481 763,23 € au titre de la redevance pour pollution de l’eau pour les années 2011 et 2012 ainsi que des pénalités de retard. Le TA de Cergy-Pontoise a accordé à ladite société la restitution de cette somme. La CAA de Versailles a réformé le jugement et remis à la charge de la société ladite redevance. La société a alors saisi le Conseil d’État. Le Conseil d’État, dans sa décision, a fait application de la règle selon laquelle les redevances pour pollution de l’eau d’origine non domestique constituent des impositions de toute nature (Cons. const., 23 juin 1982, décis. n° 82-124 L) dont le contentieux relève du plein contentieux fiscal (CE Ass. 20 déc. 1985, SA Établissement Outters, Req. n° 31927). Par cette décision du 25 janvier 2023, le Conseil d’État a précisé sa jurisprudence relative à l’imposition perçue par les agences de l’eau. Le Conseil d’État a ainsi jugé qu’une société n’ayant pas mis en œuvre de dispositif agréé de suivi régulier des rejets de substances polluantes mais ayant adressé dans les délais impartis les déclarations ne pouvait être soumise à la procédure de taxation d’office.

->Contrôle fiscal et procédures fiscales

La liste noire des paradis fiscaux mise à jour par la France

La France vient d’établir la liste noire des États qu’elle considère comme des « paradis fiscaux » en 2023. Elle compte quatorze États et territoires, soit deux de plus que l’an passé, qui ne sont pas membres de l’Union européenne et qui n’ont pas signé avec la France une convention d’assistance administrative permettant l’échange de renseignements avec l’administration fiscale française, afin de réduire le risque d’évasion fiscale. Depuis la loi de lutte contre la fraude (art. 31 L. n° 2018-898 du 23 oct. 2018 relative à la lutte contre la fraude), la France ajoute automatiquement à sa liste noire des paradis fiscaux les États figurant sur celle établie par l’Union européenne. Figurent sur la liste noire, Anguilla, les Bahamas, les Fidji, Guam, les îles Vierges américaines, les îles Vierges britanniques, les îles Turques et Caïques, Palaos, Panama, les Samoa américaines, Samoa, les Seychelles, Trinité-et-Tobago et Vanuatu. Les Bahamas et les îles Turques et Caïques figuraient sur la liste européenne depuis octobre 2022. En février 2023, le Conseil de l’UE a décidé d’ajouter les îles Vierges britanniques, les îles Marshall, le Costa Rica et la Russie à la liste européenne des « paradis fiscaux ».

LuxLeaks et affaire « Halet c. Luxembourg » : la CEDH reconnaît le statut de lanceur d’alerte

La Cour européenne des droits de l’homme (CEDH) vient de reconnaître le statut de lanceur d’alerte à R. Halet dans l’affaire « LuxLeaks » qui l’oppose au Luxembourg. La Grande Chambre de la CEDH a condamné le Luxembourg à verser des dommages et intérêts au requérant. Les juges ont estimé qu’il y avait eu « violation de la liberté d’expression d’un lanceur d’alerte en raison de sa condamnation pénale ». Il y a une dizaine d’années, des déclarations et rescrits fiscaux établis par la firme d’audit PwC se sont retrouvés exposés dans plusieurs médias. Selon la CEDH, « ces publications mettaient en lumière une pratique, sur une période s’étendant de 2002 à 2012, d’accords fiscaux très avantageux passés entre PwC pour le compte de sociétés multinationales et l’administration fiscale luxembourgeoise ». Suite à ces révélations, une enquête interne de PwC a fait apparaître que le requérant, qui travaillait pour le cabinet d’audit, avait divulgué une partie des documents confidentiels – sur son lieu de travail – alors qu’ils étaient protégés par le secret professionnel. La firme a déposé plainte contre son employé et obtenu une condamnation. Le requérant avait perdu en première instance devant la Cour de Strasbourg (CEDH, 11 mai 2021, affaire Halet c. Luxembourg, Req. n° 21884/18). Invoquant une « ingérence disproportionnée dans son droit à la liberté d’expression », le requérant a porté l’affaire devant la grande chambre de la Cour (CEDH, 14 févr. 2023, Grande Ch., affaire Halet c. Luxembourg, Req. n° 21884/18). Selon celle-ci, « les documents ont permis d’apporter un éclairage nouveau, dont il convient de ne pas minorer l’importance dans le contexte d’un débat sur l’évitement fiscal, la défiscalisation et l’évasion fiscale, en fournissant des renseignements à la fois sur le montant des bénéfices déclarés par les multinationales concernées, sur les choix politiques opérés au Luxembourg en matière de fiscalité des entreprises, ainsi que sur leurs incidences en termes d’équité et de justice fiscale, à l’échelle européenne et, en particulier en France ». La Cour indique vouloir, avec sa décision, « confirmer et consolider les principes qui se dégagent de sa jurisprudence en matière de protection des lanceurs d’alerte ».

À propos de la justice transactionnelle avec les entreprises en matière fiscale

Dans ces colonnes, il n’est plus rare d’évoquer une justice fiscale négociée, et de mettre un coup de projecteur sur des conventions judiciaires d’intérêt public (CJIP), instrument introduit dans notre législation par la loi Sapin 2 (L. n° 2016‐1691 du 9 déc. 2016 relative à la transparence, à la lutte contre la corruption et à la modernisation de la vie économique, JORF, 10 déc. 2016) étendu, depuis 2018, aux affaires de fraude fiscale. En 2022, on pense au règlement de l’affaire McDonald’s, le groupe ayant accepté de s’acquitter de plus d’1 Md€ pour solder son contentieux fiscal en France (v. « Repères » de juillet 2022) ; ou encore les 0,2 Md€ acquittés par l’Établissement Crédit suisse (v. « Repères » d’oct. 2022). Il n’est donc plus exceptionnel qu’une CJIP provienne d’un contentieux lié à l’impôt. C’est pourquoi le Paquet national financier (PNF) vient de mettre à jour, en janvier 2023, ses lignes directrices à propos de la formule de calcul des amendes. Son objectif est d’assurer aux entreprises davantage de prévisibilité juridique. La formule de calcul se base sur le gain tiré des manquements et y sont ensuite appliqués des facteurs majorants (ex. obstruction à l’enquête, trouble grave à l’ordre public) et minorants (ex. révélation spontanée, indemnisation préalable des victimes). L’amende ne peut jamais excéder 30 % du chiffre d’affaires moyen annuel calculé sur les trois derniers exercices, étant donné qu’il s’agit du chiffre d’affaires consolidé. Les entreprises et leurs conseils considèrent que cette base de calcul constitue un point contestable. Toutefois, le PNF a insisté sur le contentieux fiscal qui est ainsi évité, dont l’issue est parfois incertaine, et sur la confidentialité préservée des éléments qui lui sont remis par l’entreprise. S’agit-il finalement d’une justice fiscale à la carte ? Si certains parlent d’une justice d’adhésion d’autres considèrent que cette méthode de négociation laisse entendre aux contribuables que la loi fiscale ne s’applique pas de la même manière selon que l’on est herculéen ou indigent… mais elle a la grande vertu d’alimenter les caisses du Trésor public de plusieurs milliards d’euros résultant de la lutte contre la fraude fiscale (Google, McDonald’s, Airbus, JP Morgan, Unilabs France, etc.), dans une temporalité raccourcie, afin de couvrir des charges publiques (v. entretien de J‐F. Bohnert, Les Échos, janv. 2023).

Perquisition fiscale et LVMH : la Cour de cassation donne raison à l’administration fiscale

La Cour de cassation (Cass. com., 15 février 2023, pourvoi n° 20-20.600) a infirmé la décision de la Cour d’appel de Paris (CA Paris, 9 sept. 2020, n° 19/16705) annulant la vaste perquisition fiscale menée par l’administration en septembre 2019 dans les locaux de LVMH. Ce sont 66 fonctionnaires qui avaient été déployés sur place et environ un million de documents avait été saisis dans des sociétés du groupe LVMH. L’administration fiscale soupçonnait le groupe LVMH que soit exercée, en omettant de la déclarer, l’exploitation par une société de droit belge, d’un établissement stable en France gérant la trésorerie intra-groupe. Un an après le déroulement de la visite, la procédure était invalidée par la décision de la Cour d’appel de Paris, laquelle avait annulé toutes les visites et saisies menées par la Direction nationale des enquêtes fiscales (DNEF), et avait également ordonné la restitution de l’ensemble des documents, sans qu’aucune copie ne puisse être conservée par l’administration fiscale.

En renvoyant l’affaire en appel, la plus haute juridiction de l’ordre judiciaire rappelle qu’une visite domiciliaire peut être motivée par une simple présomption de fraude fiscale (art. L 16 B du LPF).

management puBliC
->Gestion publique

Encadrement des prestations informatiques

Une circulaire de la Première ministre (7 février 2023) fixe à 2 M€ le recours public aux cabinets de conseil privés en matière informatique. On retiendra du texte :que les prestations intellectuelles informatiques peuvent être classifiées selon trois catégories qui recoupent, dans la nomenclature des achats de l’État, plusieurs groupes de marchandises ; qu’un soin particulier devra être porté au respect des principes et des bonnes pratiques en matière de conseils externes, notamment pour la conduite de missions, la prévention des conflits d’intérêts et la protection des données de l’administration ; que s’agissant de la conduite de missions, pour éviter toute influence sur la décision publique, le pilotage de la prestation devra ainsi être intégralement assuré par l’administration (et aucunement déléguée au prestataire) ; que toutes les administrations sont invitées à veiller à maintenir un niveau suffisant de compétences au sein de leurs services, de façon à réduire les risques liés à l’externalisation.

->Administration numérique

Travail en prison

L’arrêté du 12 janvier 2023 portant création d’un traitement automatisé de données à caractère personnel dénommé « Organisation et coordination du travail et des activités en établissements » (OCTAVE) a été publié le 10 février 2023. Ce traitement a pour finalités : la gestion administrative des dossiers de travail et de formation professionnelle des personnes détenues ; la gestion et le suivi du temps de travail et des formations professionnelles des personnes détenues ; la gestion de la paye des personnes détenues ; l’exploitation des données à des fins statistiques et de pilotage.

->Fonction publique

Durées légales de travail des internes en médecine, odontologie et pharmacie

Le décret n° 2023-71 du 6 février 2023 relatif au temps de travail des étudiants de troisième cycle des études de médecine, d’odontologie et de pharmacie est paru au Journal officiel du 7 février 2023. Ce texte vise à renforcer le contrôle des dispositions relatives au temps de travail des étudiants en instaurant un dispositif de pénalité financière à l’encontre des établissements publics de santé qui ne respectent pas la réglementation relative au temps de travail. Il prévoit par ailleurs les conditions de sa mise en œuvre, notamment l’organisation d’une procédure contradictoire entre l’établissement et l’agence régionale de santé. Enfin, il précise les modalités de décompte des congés annuels des étudiants de troisième cycle et d’indemnisation des jours de congés annuels non pris.

Nationalité française et statut de policier municipal

Le décret n° 2023-95 du 15 février 2023 portant diverses dispositions statutaires relatives aux conditions de recrutement dans la fonction publique territoriale a été publié au Journal officiel le 16 février 2023. Le décret a tout d’abord pour objet de faciliter les recrutements dans les cadres d’emplois de la police municipale. Mais le texte précise aussi que l’accès aux cadres d’emplois de la police municipale est réservé aux personnes qui possèdent la nationalité française (article 3-1).

europe
->Politique européenne

Cour des comptes européenne : rapports

Le 2 février 2023, la Cour des comptes européenne a notamment présenté un rapport spécial n° 02/2023 consacré à l’adaptation des règles de la politique de cohésion en réaction à la pandémie de Covid-19 et le 15 février un rapport spécial n° 04/2023 consacré à l’« Alliance mondiale contre le changement climatique – Des réalisations en deçà des ambitions affichées ».

Aides d’État : la Commission consulte les États membres sur une proposition d’encadrement temporaire de crise et de transition

Alors qu’elle autorise toujours de nombreuses mesures de soutien pour compenser les effets du Covid-19, le 1er février 2023, la Commission européenne a soumis aux États membres, pour consultation, un projet de proposition visant à transformer l’encadrement temporaire de crise en matière d’aides d’État en encadrement temporaire de crise et de transition afin de faciliter et d’accélérer la transition écologique de l’Europe. Cette proposition fait partie du plan industriel du Pacte vert, présenté le même jour. Selon la Commission elle doit contribuer à son deuxième pilier, qui vise à garantir un accès plus rapide aux financements pour les entreprises exerçant des activités dans l’UE.

->Euro

BCE augmentation discutée des taux d’intérêt

Le 2 février 2023, Le Conseil des gouverneurs a adopté plusieurs décisions annoncées et attendues d’augmentation de ses taux d’intérêt à un rythme régulier pour lutter contre l’inflation. Les taux d’intérêt des opérations principales de refinancement, de la facilité de prêt marginal et de la facilité de dépôt sont relevés à respectivement 3,00 %, 3,25 % et 2,50 % à compter du 8 février 2023. Le Conseil des gouverneurs entend par ailleurs poursuivre les réinvestissements, en totalité, des remboursements au titre du principal des titres arrivant à échéance acquis dans le cadre de l’APP au moins jusqu’à fin février 2023, avant une réduction « à un rythme mesuré et prévisible ». Le 22 février, la presse fait état des débats tendus animant le directoire de la Banque centrale européenne sur la suite à apporter au relèvement programmé à 3 % en mars. Les échanges dans la presse ont provoqué des remous sur les marchés financiers. Le taux d’emprunt des obligations allemandes à dix ans est passé de 2,4 % à 2,5 %, celui de la France, de 2,9 % à 3 %.

->Fiscalité

Le groupe « Code de conduite » change de présidente

Le 1er février 2023, l’instance préparatoire du Conseil qui supervise la mise en œuvre du code de conduite de l’UE dans le domaine de la fiscalité des entreprises a élu une nouvelle présidente : l’Espagnole María José Garde, directrice générale de la fiscalité au ministère espagnol des Finances. Elle a également été présidente du Forum mondial de l’OCDE sur la transparence et l’échange de renseignements à des fins fiscales. Elle a pris ses fonctions le 5 février suivant pour un mandat de deux ans.

Liste noire : ajout de quatre nouveaux pays dont la Russie

Le 14 février 2023, ont été ajoutés à la liste de l’UE des pays et territoires non coopératifs à des fins fiscales les îles Vierges britanniques, le Costa Rica, les îles Marshall et la Russie. Ces quatre pays ont été ajoutés parce qu’ils n’ont pas participé à un dialogue constructif avec l’UE sur la gouvernance fiscale ou qu’ils n’ont pas respecté leurs engagements visant à mettre en œuvre les réformes nécessaires. Avec ces ajouts, la liste de l’UE comprend désormais seize pays et territoires dont les Samoa américaines, Anguilla, les Bahamas, les Fidji, Guam, les Palaos, le Panama, le Samoa, Trinité-et-Tobago, les îles Turques et Caïques, les îles Vierges américaines et le Vanuatu.

INTERNATIONAL
->Monnaies

Le pessimisme du président de la Fed inquiète

Alors que le mois de février avait bien commencé, la Fed a finalement maintenu la lutte contre l’inflation. Le 1er février comme prévu, l’institution a augmenté ses taux directeurs, mais d’un quart de point seulement, à 4,75 %, constatant une baisse insuffisante de l’inflation mais avec des estimations alors optimistes. Le 8 mars, face à des statistiques montrant une inflation à 5 %, son président Jérôme Powell a finalement fait état de prévisions plus pessimistes et a annoncé de futures mesures de hausse des taux cette année. Plusieurs économistes, comme R. Rajan, craignent qu’en luttant ainsi contre l’inflation la Fed ne provoque une récession. ■