reperes2023

REPÈRES (SEPTEMBRE 2023) – REVUE-GFP N°6 – 2023

BUDGET DE L’ÉTAT ET DES OPÉRATEURS
->Données générales sur les finances publiques

Septembre 2023 : les prix à la consommation augmentent de 4,9 % sur un an

Dans une note publiée le 29 septembre 2023 l’INSEE indique que sur un an les prix à la consommation augmentent de 4,9 % en septembre 2023, comme le mois précédent. Le ralentissement notable des prix de l’alimentation, des services et des produits manufacturés est contrebalancé par l’accélération des prix de l’énergie, du fait du rebond de ceux des produits pétroliers.

Deuxième trimestre 2023 : la dette publique s’établit à 3 046,9 Md€

Dans une note publiée le 29 septembre 2023 l’INSEE indique qu’à la fin du deuxième trimestre 2023, la dette publique au sens des critères de Maastricht augmente de 34,5 Md€ et s’élève à 3 046,9 Md€.

Toutefois, exprimée en pourcentage du produit intérieur brut (PIB) et compte tenu de la forte croissance du PIB en valeur au deuxième trimestre, elle diminue de 0,7 point par rapport au premier trimestre 2023 et s’établit à 111,8 %. L’augmentation de la dette brute des administrations publiques résulte exclusivement de celle de l’État. En effet, de son côté, la dette des administrations de sécurité sociale, des organismes divers d’administration centrale et des administrations publiques locales est en baisse.

->Procédure budgétaire

Présentation du projet de loi de finances pour 2024

Le projet de loi de finances pour 2024 a été présenté le 27 septembre 2023 en Conseil des ministres, et a été déposé ce même jour devant l’Assemblée nationale. Le projet de texte devrait être examiné par la Commission des finances de l’Assemblée nationale à partir du 10 octobre, avant d’être discuté en séance publique à partir du 17 octobre.

Dans son avis sur le texte publié le 22 septembre 2023, le Haut Conseil des Finances Publiques avait notamment indiqué : « en dépit de l’extinction des mesures de soutien, les dépenses continueront à progresser sensiblement en 2024, davantage que recommandé par l’Union européenne (hausse nominale des dépenses primaires nettes de 2,6 % contre un plafond recommandé à 2,3 %) et ce alors même que la Commission européenne a annoncé la fin de la clause dérogatoire générale du Pacte de stabilité à compter de 2024. […] Ainsi la France, qui a vu sa position d’endettement relatif au sein de la zone euro se dégrader au cours des dernières années, conserverait en 2024 un niveau d’endettement élevé. La soutenabilité à moyen terme des finances publiques continue donc à appeler la plus grande vigilance. Le Haut Conseil rappelle que le retour à des niveaux de dette permettant à la France de disposer de marges de manœuvre suffisantes est nécessaire pour être en mesure de faire face à l’avenir à des chocs macroéconomiques ou financiers et aux besoins d’investissement public élevés que nécessite en particulier la transition écologique ».

Nouvelle mouture du projet de loi de programmation des finances publiques pour 2023-2027

Pour cette nouvelle version, le gouvernement avait engagé la procédure accélérée le 26 septembre 2022. Le projet de loi de programmation définit la trajectoire pluriannuelle des finances publiques jusqu’en 2027 et les moyens qui permettront de l’atteindre, dans un contexte de sortie de crise économique et sanitaire. Le projet de loi prévoit un retour du déficit public sous la barre des 3 % du PIB d’ici 2027 (contre 4,9 % en 2023).

Dans son avis sur le nouveau texte, publié le 25 septembre 2023, le Haut Conseil des Finances Publiques s’est montré un tantinet déçu : « la trajectoire présentée par le Gouvernement demeure peu ambitieuse au regard des engagements européens de la France. Le projet de loi de programmation ne prévoit pas de retour rapide vers l’objectif d’équilibre des finances publiques. Alors même que les hypothèses de croissance demeurent optimistes, l’inflexion modeste de la trajectoire de dette expose au risque d’une divergence accrue avec le reste de la zone euro ».

Le 29 septembre 2023, l’Assemblée nationale a adopté en nouvelle lecture le projet de loi, suite au recours à l’article 49, alinéa 3, de la Constitution par la Première ministre le 28 septembre. La motion de censure déposée par les députés de la Nouvelle union populaire, écologique et sociale (NUPES) a été rejetée.

Au Sénat désormais d’examiner cette nouvelle mouture. Pour mémoire, le texte avait initialement été présenté au Conseil des ministres du 26 septembre 2022 par Bruno Le Maire, ministre de l’économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique, et par Gabriel Attal, ministre délégué chargé des comptes publics. Il avait été rejeté en première lecture par l’Assemblée nationale le 25 octobre 2022, puis adopté en première lecture, avec modifications, par le Sénat le 2 novembre 2022. Le 15 décembre 2022, la commission mixte paritaire n’était pas parvenue à un accord sur le projet de loi.

->Budget des opérateurs

L’Établissement national des invalides de la Marine (Enim)

Dans un rapport d’observations définitives publié le 18 septembre 2023, la Cour des comptes présente l’examen des comptes et de la gestion de l’Enim, établissement public administratif depuis 2010, une institution particulière dans le paysage de la sécurité sociale français. Cette caisse de sécurité sociale, dont les origines sont antérieures au régime général, gère le régime spécial – branches maladie et vieillesse – des marins. Son histoire, qui remonte à 1681, la spécificité des usages du secteur maritime ainsi que la dangerosité et la pénibilité de nombre de ses métiers, éclairent le caractère dérogatoire au droit commun du régime, notamment en termes d’âge de départ en retraite (les trois pensions servies pour ancienneté autorisent un départ respectivement à 50 ans, à 52,5 ans et 55 ans, pour une durée moyenne de cotisation à la liquidation de la pension qui se situe à 31,9 ans en 2021). Ce régime fonctionne selon une réglementation qui n’a quasiment pas été modifiée depuis la période de l’après deuxième guerre mondiale, alors même que l’organisation du secteur et l’exercice des métiers maritimes ont considérablement évolué. Ce décalage pose désormais des problèmes structurels et devient de plus en plus difficile à justifier.

La Cour relève que le financement de l’Enim procède essentiellement du budget de l’État pour les dépenses de retraite (997 M€ en 2021) et de l’assurance-maladie pour celles du régime de prévoyance (420 M€). Parmi les régimes de sécurité sociale comptant un nombre significatif d’actifs, il est le plus subventionné : les cotisations sociales acquittées par ses 34 000 cotisants et leurs employeurs ne constituent que 10 % de ses recettes.

In fine, la Cour juge la situation de l’Enim préoccupante. La Cour estime nécessaire de refonder l’assiette des cotisations et l’acquisition des droits des marins aux prestations sociales et de réfléchir sur l’avenir du régime et de l’établissement. La Cour développe 8 recommandations et indique que l’ampleur et la complexité du travail législatif et réglementaire à effectuer exige qu’une gestion de projet soit mise en place par les administrations de tutelle en concertation avec le conseil d’administration de l’Enim et le monde maritime.

FINANCES LOCALES

Impact de l’adoption par l’Assemblée nationale de la loi programmation des finances publiques pour les années 2023 à 2027 sur les finances locales

Cette nouvelle mouture du projet de loi des finances publiques adoptée par l’Assemblée nationale le 29 septembre 2023, après l’échec de son vote à l’automne 2022, concerne également les collectivités territoriales. À plusieurs reprises, le législateur aborde la question locale. Ainsi, les concours financiers de l’État passeraient de 54,95 Md€ en 2024 à 55,66 Md€ en 2027. En outre, ce projet de loi adopté réintègre, à la demande du Gouvernement, un objectif d’évolution des dépenses réelles de fonctionnement. Celles-ci devraient évoluer de 2 % en 2024 puis 1,5 et 1,3 % en 2026 et 2027. Notons toutefois que cette nouvelle version n’instaure pas de mécanisme en cas de dérapage en termes de dépenses.

Note de conjoncture 2023 de la Banque postale

Dans cette note de rentrée, la Banque postale nuance les bons chiffres de 2022 pour les finances locales augurant peut-être une nouvelle ère avec un effet ciseaux certain. Ainsi, les dépenses de fonctionnement augmenteraient de + 5,8 % tandis que les recettes ne sont en hausse que de + 3,2 %. Parmi les dépenses, les principales augmentations sont les suivantes : charges à caractère général + 9,4 % et frais de personnel : + 5,1 %. Fin 2023, l’épargne brute se contracterait de 9,0 %. En matière de dépenses d’investissement, celles-ci seraient financées, à hauteur de 34 %, par des recettes d’investissement. Le contenu des dépenses d’investissement se caractérise par l’essor des dépenses énergétiques à + 5,6 Md€, soit une évolution de + 27,1 % par rapport à 2021. La mise en place du fonds vert par le Gouvernement explique en grande partie le verdissement de ces dépenses.

Lancement du Haut conseil des finances publiques locales (HCFPL)

Le gouvernement a lancé le Haut conseil des finances publiques locales. Dans ce communiqué de presse, le Gouvernement insiste sur le fait que cette instance doit être un lieu « d’égal à égal entre l’État et les collectivités locales sur la stratégie de maîtrise des finances publiques face à l’impératif de désendettement, sans remise en cause de la libre administration des collectivités ». Cependant, sa création pose de nombreuses questions notamment au regard de sa coexistence avec le Comité des finances locales (CFL) mais également du rôle du Parlement et tout particulièrement du Sénat.

FINANCES SOCIALES
->Situation des comptes sociaux

Une déficit 2024 aggravé anticipé par la Commission des comptes de la Sécurité sociale

La Commission des comptes de la Sécurité sociale a présenté son rapport pour les exercices 2023-2024. Pour 2023, elle prévoit un déficit global des régimes obligatoires de base et du FSV de – 8,8 Md€ (contre – 19,7 Md€ en 2022), supérieur de 1,7 Md€ par rapport à la prévision associée à la LFSS de décembre 2022 du fait des ajustements de l’ONDAM intervenus en cours d’année et des premiers effets de la réforme des retraites (surcoûts liés à la revalorisation des petites retraites). Le déficit reste essentiellement porté par l’Assurance maladie (- 9,5 Md€, soit une réduction de moitié par rapport à 2022). Les régimes de retraite réduisent leur déficit de moitié (-1,9Md€) par rapport à 2022, la branche Famille ramène son excédent à 1 Md€ et la branche Autonomie passe en déficit à – 1,1 Md€ ; l’excédent du FSV baisse à 0,8 Md€. L’amélioration globale enregistrée en 2023 tient à la bonne tenue des recettes qui progressent à un rythme analogue à celui de 2022, malgré une moindre augmentation de la masse salariale (+ 6,3 % contre 8,7 % en 2022). Pour 2024, avant toute prise en compte des mesures nouvelles du PLFSS 2024 (voir infra), le déficit tendanciel des régimes obligatoires de base repartirait à la hausse à – 12,2 Md€ avec un nouveau creusement du solde de la branche maladie (- 10,6 Md€), un fort accroissement des déficits des régimes de retraite (-6,2Md€), un retour à l’excédent de la branche autonomie (+ 1,7 Md€) et un maintien de l’excédent des autres banches (Accidents du travail, Famille et FSV). La dégradation des comptes de la Sécurité sociale en 2024 apparaît largement imputable au ralentissement de la progression de la masse salariale (en corrélation avec la modération attendue de l’inflation) qui ne serait que de 3,9 % en 2024. Mais l’accélération tendancielle des dépenses en 2024 serait aussi très nette ; ainsi les dépenses de santé sous ONDAM progresseraient encore de 3,2 % (hors dépenses lies à la crise sanitaire pour laquelle serait prévue une provision de 0,2 Md€ contre 1 Md€ en 2023). Les dépenses de pensions augmenteraient fortement (+ 5,2 %) du fait de la revalorisation consécutive à l’inflation, les effets de la réforme d’avril 2023 étant encore peu sensibles ; il en serait de même des dépenses de la Famille, qui prendront en compte la revalorisation des prestations légales. Le retour à l’excédent de la branche Autonomie proviendra de l’affectation de 1,5 point de CSG en provenance de la CADES en application de la loi du 7 août 2020.

Présentation du PLFSS 2024

Le Conseil des ministres du 27 septembre a adopté le projet de loi de financement de la Sécurité sociale pour 2024. Le déficit des régimes obligatoires de base et du FSV est arrêté à – 11,2 Md€, soit 1 Md€ de moins de ce qui résulte des prévisions tendancielles de la CCSS (voir supra). Sont déficitaires : l’Assurance Maladie (- 9,3 Md€) ; les régimes de retraite (- 5,9 Md€) ; sont en excédent : la Famille (+0,8Md€), les Accidents du travail (1,2 Md€), le FSV (0,8 Md€) – ces trois branches voyant toutefois leur excédent se réduire sensiblement par rapport à 2024 – et la branche Autonomie (1,3Md€). Comme on le voit, les mesures d’économies introduites par le gouvernement n’ont que très modestement réduit le déficit tendanciel attendu par la CCSS. Pour la Maladie, l’objectif de l’ONDAM-hors dépenses de crise-reste fixé à + 3,2 % (contre 4,8 % réalisé en 2023) soit un niveau un peu supérieur à l’inflation attendue pour 2024 (+ 2,5 %). Le gouvernement prévoit un contrôle accru des arrêts maladie, s’efforce de contenir le coût des transports sanitaires (covoiturage) et engage le mouvement vers la maîtrise du volume des dépenses de médicaments et de produits de santé: celui-ci doit s’opérer sur la base des conclusions de la « mission sur les voies d’évolution du système de financement et de régulation des produits de santé « (voir REPÈRES d’août, et également sur ce point l’entretien aux Échos du ministre de l’Industrie Roland Lescure du 20 septembre), sans pour autant risquer de compromettre l’innovation dans le domaine du médicament; en revanche, le gouvernement n’a pas pris parti sur l’augmentation des franchises médicales. Par ailleurs, l’art.23 du PLFSS ouvre la voie à la réforme – très attendue – du financement des établissements de santé, avec l’objectif de réduire la part du financement à l’activité (T2A) pour le début de 2025. Le gouvernement, également, va se pencher sur le transfert de financement des EHPAD vers la branche autonomie et détaille un nouveau plan de lutte contre la fraude sociale. Il confirme par ailleurs son intention de faire davantage participer l’UNEDIC à la politique de l’emploi. Enfin, le projet prévoit que le montant de la dette sociale restant à amortir sera ramené à 138 Md€ fin 2024, contre 155 Md€ pour 2023.

->Politiques de l’emploi / Coût du travail / Partage de la valeur

Un blog de l’OFCE « France -Travail : à quel prix ? »

Un blog de l’OFCE pose la question du financement du Service public de l’emploi, au moment où France Travail prend la place de Pôle Emploi. Actuellement Pôle Emploi est financé à 70% par un prélèvement (11 %) sur les ressources de l’UNEDIC, de 23 % par une dotation budgétaire au titre de charges de service public et de 7 % par des recettes diverses (ex. Fonds social européen, Régions). On sait que le gouvernement souhaite profiter du redressement spectaculaire de l’Assurance chômage (voir les REPÈRES d’août et infra) pour augmenter (autour de 12 à 13 %) la contribution de l’UNEDIC. L’auteur souligne le paradoxe de voir l’Assurance chômage financer l’accompagnement des chômeurs sur des bases qui ne reflètent pas le coût réel du service au regard de la comptabilité analytique, sans que le niveau du service soit à la hauteur de ce qui est prévu dans le contrat avec l’UNEDIC, ce qui obère les ressources disponibles pour l’indemnisation des chômeurs. Il propose un modèle de financement de France Travail qui serait basé sur trois éléments, avec une subvention budgétaire couvrant les coûts fixes de France-Travail.

Les dépenses en faveur de l’emploi et du marché du travail en 2021

La DARES a publié son rapport annuel sur les dépenses en faveur de l’emploi en 2021 (183,8 Md€). Par rapport à l’année précédente les dépenses de soutien au revenu (ex. allocations chômage, activité partielle) ont diminué du fait de la sortie de la crise COVID, les dépenses d’incitation à l’embauche (ex. allègements de cotisation, contrats aidés, aides sectorielles et géographiques) ont augmenté en raison de la forte reprise de l’activité, de même que les dépenses pour la formation (cf. alternance, Pôle Emploi) du fait du développement de l’apprentissage et du compte personnel de formation.

Un rapport de l’Assemblée Nationale sur les allègements de charges

Dans le contexte de la recherche d’économies pour le bouclage des lois financières pour 2024, un rapport de la Commission des Affaires sociales de l’Assemblée Nationale rédigé par les députés Jérôme Guedj (Socialiste NUPES) et Marc Ferracci (Renaissance) revient à la charge sur l’efficacité des allègements sur les salaires au-delà de 2,5 SMIC, instaurés dans le cadre des «- Pactes de responsabilité » de 2016, au motif « qu’ils sont sans effet significatif sur l’emploi ou la compétitivité des entreprises ». Les deux députés proposent de supprimer l’exonération de cotisations familiales sur les salaires entre 2,5 et 3,5 SMIC. Ils émettent l’idée de recycler le 1,5 Md€ d’économie qui s’ensuivrait soit sur un renforcement des allègements sur les plus bas salaires (jusqu’à 1,6 SMIC) , soit sur une baisse plus rapide des impôts de production ; en même temps ils reviennent sur l’idée de conditionner les allègements à des objectifs précis à réaliser par les entreprises comme la revalorisation des salaires, la création d’emplois de qualité ou la fixation de critères environnementaux. Ce sujet va certainement être un des points importants de la conférence sociale annoncée par le Président de la République le mois dernier qui doit se tenir en octobre, mais il va rencontrer une très forte opposition du patronat, qui est déjà très remonté contre l’annonce de l’étalement jusqu’ en 2027 de la dernière tranche de suppression de la cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises ainsi que par les ponctions envisagées sur l’UNEDIC et l’AGIRC-ARRCO.

->Dépenses de santé / Hôpital / Assurance maladie

Revalorisation des carrières hospitalières, la position de la Première ministre

En déplacement à Rouen, la Première Ministre a annoncé le 1er septembre la pérennisation des revalorisations destinées à renforcer l’attractivité des métiers de l’hôpital, qui devaient prendre fin le 31 août ; pour les personnels soignants, la rémunération du travail de nuit sera valorisée de 25% supplémentaires et l’indemnité pour le travail du dimanche et des jours fériés sera majorée de 20 % . Pour les médecins, la revalorisation de 50 % des gardes est pérennisée et étendue aux praticiens du privé. La DREES a publié par ailleurs un rapport sur les rémunérations à l’hôpital en 2021.

Les dépenses de santé en 2022

La DREES a publié son rapport annuel sur les dépenses de santé en 2022. Il apparait que la dépense courante de biens de santé (313 Md€ et 11,9 % du PIB) a ralenti sa progression (+ 2 % par rapport à 2021) au regard de la très forte augmentation enregistrée l’année précédente du fait de la crise sanitaire. Les soins hospitaliers contribuent le plus fortement à cette croissance, principalement du fait des mesures salariales à l’hôpital et de l’inflation, même si l’activité en volume n’a pas retrouvé son niveau d’avant crise. La dépense de médicaments reste soutenue, notamment du fait de la demande de certaines thérapies innovantes et de la progression du nombre de boîtes délivrées. Les dépenses de transport sanitaires continuent à croître très fortement. Enfin le reste à charge des ménages progresse très légèrement, à 7,2 %.

->Retraites

La perspective d’une contribution au financement de la réforme des retraites pour L’AGIRC-ARRCO

Les partenaires sociaux ont ouvert le 5 septembre les discussions pour déterminer d’ici fin octobre les nouvelles règles de pilotage du régime de retraite complémentaire. La situation financière de l’AGIRC-ARRCO – qui disposait à fin 2022 d’un volume de réserves de 68 Md€ – va être substantiellement améliorée par le report de 62 à 64 ans de l’âge légal de la retraite, comme l’a indiqué le Conseil d’Orientation des retraites dans son dernier rapport (voir REPÈRES de juin). La perspective d’excédents substantiels suscite des convoitises de part et d’autre. Les syndicats voudraient la disparition du « coefficient de solidarité », sorte de bonus-malus institué en 2019 pour inciter les salariés à décaler leur départ au-delà de l’âge légal sous peine de voir leur pension complémentaire diminuée de 10 % pendant 3 ans; le patronat revient sur l’idée d’introduire une part de capitalisation. Quant au gouvernement, il a en tête de faire participer l’AGIRC-ARRCO au financement de la revalorisation des petites retraites (85 % du SMIC net pour une carrière complète), revalorisation dont le coût (1,8 Md€) est à ce stade uniquement supporté par le Régime général. Lors d’une intervention le 26 septembre devant l’Association des journalistes de l’information sociale, le ministre du travail Olivier Dussopt a agité la menace d’un amendement gouvernemental au PLFSS 2024 si les partenaires sociaux n’allaient pas dans ce sens, un prélèvement de l’ordre de 1,2 Md€ ayant même été évoqué, ce qui a soulevé immédiatement un tollé de la part du patronat et de l’ensemble des syndicats.

->Assurance chômage

Le désendettement de l’UNEDIC menacé par la perspective d’une contribution accrue à France Travail

Selon des informations parues dans Les Echos du 26 septembre, les partenaires sociaux commencent à s’alarmer sérieusement des intentions prêtées au gouvernement de ponctionner (jusqu’à 3,5-4 Md€ en 2026) les excédents de l’UNEDIC pour le financement de France Travail et de la politique de l’emploi. Des projections réalisées par l’opérateur, il apparaîtrait que le désendettement escompté de l’amélioration de sa situation financière serait amputé de près de 50 % et le calendrier de remboursement de la dette se trouverait ainsi compromis (voir les REPÈRES de juin). Cela d’autant que les hypothèses de baisse du taux de chômage retenues par le gouvernement apparaîtraient trop optimistes et sous estimeraient les besoins d’indemnisation des chômeurs.

->Solidarité / Lutte contre la pauvreté / Revenu universel

Présentation du « Pacte des solidarités » pour lutter contre la pauvreté

La Première ministre a présenté le 18 septembre aux associations le plan du gouvernement pour lutter contre la pauvreté. Il s’articule autour de 4 axes avec 25 mesures : 1) la prévention de la pauvreté et la lutte contre les inégalités dès l’enfance, avec une série d’actions qui visent spécifiquement la petite enfance (ex. accueil avant 3 ans, mal logement, malnutrition, accès aux loisirs) et le décrochage scolaire à l’accès au collège ; 2) l’accès à l’emploi pour tous, avec notamment l’annonce d’une « prime de reprise d’activité » pour prendre en charge les coûts liés à la reprise d’activité (ex. mobilité, habillement, restauration, garde d’enfants) ; 3) la garantie à l’accès aux droits, en parachevant les conditions d’accès à la « solidarité à la source » et en renforçant l’action en direction de la grande exclusion (cf. sans abri) ; 4) la construction d’une transition écologique solidaire (ex. lutte contre la précarité alimentaire, allègement de la hausse du coût de l’eau et de l’énergie).

Deux études sur les effets de la redistribution

Une étude de l’INSEE fait le bilan de la redistribution des revenus en France, en intégrant l’ensemble des transferts publics, y compris une valorisation monétaire des services publics. Il en ressort qu’avant transferts les ménages les plus aisés (10 % de la population) ont un revenu 18 fois supérieur à celui des ménages les plus pauvres (13 % de la population). Après prise en compte de la redistribution élargie, le rapport est ramené de 1 à 3. Environ 57 % des personnes sont bénéficiaires nets de la redistribution, qui porte sur 25 % du revenu national, cet effet redistributif étant particulièrement imputable aux minima sociaux, aux dépenses de santé et d’éducation. L’étude indique également que les plus de 60 ans sont les principaux bénéficiaires de la redistribution, compte tenu de l’inclusion des pensions de retraite dans les transferts et du poids des dépenses de santé dans cette catégorie d’âge. Par ailleurs, la redistribution se fait principalement en direction des familles monoparentales, des couples de 3 enfants et des femmes et elle compense partiellement les inégalités entre les unités urbaines.

L’édition 2023 de l’étude annuelle de la DREES « minima sociaux et prestations sociales » confirme que les minima sociaux et autres prestations sociales non contributives (aides au logement, prestations familiales, prime d’activité…), combinés à la fiscalité, réduisent de 7,6 points le taux de pauvreté (14, 6 % de la population métropolitaine vit sous le seuil de pauvreté). Les minima sociaux stricto sensu représentaient en 2021 une dépense de 30 Md€, bien que le nombre d’allocataires ait baissé de 3,2 %, surtout dans le champ du RSA (il augmente à nouveau légèrement en 2022). L’étude relève la forte croissance du nombre d’allocataires de l’allocation adultes handicapés (qui avec un montant de 11 Md€ est le deuxième minima social en importance après le RSA), qui pourrait s’expliquer par la modification des conditions d’accès.

FISCALITÉ ET PROCÉDURES FISCALES
->TVA

Hausse de la TVA sur les œuvres d’art : suite et fin ?

Le marché de l’art français semble être soulagé car le cataclysme fiscal qui était annoncé au printemps (v. REPÈRES, mai 2023) semble s’éloigner pour l’instant. Les antiquaires, les marchands d’arts, les maisons de ventes aux enchères, les artistes ont remporté une première victoire, sans totalement gagner la guerre fiscale. La cause de cette inquiétude était la remise à plat du régime favorable de TVA dont bénéficiait le secteur de l’art en France. Jusqu’à présent, les ventes des tableaux, sculptures, antiquités… se voyaient imposer un taux de 5,5 % de TVA lors de la première vente ou de l’importation depuis un État hors Union européenne. La revente de ces objets était, elle, taxée au taux normal de TVA de 20 %, mais uniquement sur la marge réalisée par le vendeur – et non sur l’entièreté du prix de vente. Toutefois, ils cesseront d’être uniquement taxés sur leurs marges en cas de revente. La directive 2022/542 du Conseil de l’UE du 5 avril 2022 qui doit être transposée dans notre droit national avant le 31 décembre 2024 pour une application au 1er janvier 2025 suscite le débat juridique depuis un an.

->Procédures fiscales

Vers un renforcement de la lutte contre la fraude fiscale ?

La réaction du Gouvernement a été instantanée après qu’une vidéo en ligne vantant une arnaque aux prestations sociales soit devenue virale sur les réseaux sociaux. Le ministre des comptes publics a aussitôt réagi en souhaitant un délit de promotion de la fraude fiscale et sociale. Une enquête pour fraude sociale est en cours dans l’affaire dite « Mertel ». Il faut rappeler que le dispositif de lutte contre la fraude fiscale est déjà significatif. Est-ce un problème de moyens dévolus à l’administration fiscale ? Cette affaire a relancé le débat sur la lutte contre la fraude fiscale. C’est un enjeu de justice fiscale. Des parlementaires de la NUPES de la commission des finances ont présenté à l’Assemblée nationale un « Plan de lutte contre l’évasion fiscale et les fraudes », contenant 47 propositions. Ils soulignent les baisses d’effectifs à la DGFIP dans le contrôle fiscal (1.600 postes en moins entre 2017 et 2022), ainsi que dans l’Inspection du travail (240 agents de contrôle de moins en 2021 qu’en 2009) et dans le contrôle douanier (environ 6.000 agents de moins en 2022 qu’en 1993). Ils n’adhèrent pas à l’argument des avancées technologiques, souvent avancé pour justifier ces baisses d’effectifs. « Le data mining ne remplacera jamais l’humain » selon la députée Pirès Beaune. Par ailleurs, 465 niches fiscales doivent être évaluées selon ces parlementaires, car leur coût budgétaire ne cesse de croître : 72 Md€ en 2013, 94 Md€ selon eux en 2023.

->Impôt sur le revenu

Indexation du barème de l’impôt sur le revenu par rapport à l’inflation

Le barème de l’impôt sur le revenu sera rehaussé de 4,8 % en 2024 pour tenir compte de l’inflation. Le Gouvernement souhaite éviter que 320 000 contribuables basculent automatiquement dans le champ d’application de l’impôt sur le revenu. Cet arbitrage politique représente environ 6 Md€ de recettes fiscales non encaissées pour le budget de l’État en loi de finances pour 2024. La non-indexation du barème de l’impôt sur le revenu par rapport à l’inflation est-elle insoutenable politiquement comme l’affirme le Gouvernement ? En effet, le niveau d’imposition à l’IR des classes moyennes en France n’est pas plus élevé qu’à l’étranger, notamment au sein de l’Union européenne, selon une étude d’un institut académique allemand rattaché à l’Université de Munich. Celle-ci démontre que la France a même un régime fiscal d’imposition à l’IR singulièrement favorable pour les classes moyennes inférieures. Celles-ci, lorsqu’elles sont établies au Danemark, en Belgique, en Allemagne, en Finlande, en Lituanie, en Slovénie et aux Pays-Bas, supportent une charge d’impôt sur le revenu plus élevée. Et lorsqu’elles sont établies en Espagne, en Grèce, en Estonie, au Portugal, à Chypre, en Bulgarie et en Roumanie, elles sont moins imposées sur le revenu. Pour les besoins de leur étude, les auteurs ont retenu comme appartenant aux classes moyennes les ménages qui gagnent entre 75 et 200 % du revenu médian dans l’État considéré (v. étude de l’Institut IFO et d’EconPol Europe menée pour le compte la fondation allemande Hanns-Seidel-Stiftung, sept. 2023).

->Fiscalité environnementale

Avantage fiscal aux poids lourds ou fin programmée de celui pour le gazole non routier ?

Le Gouvernement n’entend pas retoucher cette année à la réduction fiscale sur le gazole dont profite le transport routier pour soutenir la compétitivité du secteur, mais il entend bien raboter la niche fiscale brune similaire dont bénéficient les agriculteurs et les entreprises de travaux publics, forestières ou fluviales au titre du gazole non routier (GNR). Le Gouvernement souhaite privilégier une fiscalité qui valorise les investissements verts. Toutefois, cette mesure prendra du temps… La fin de la défiscalisation du gazole non routier s’appliquerait progressivement à partir de 2024 et jusqu’à 2030 pour le BTP, voire un peu au-delà pour les agriculteurs. Les discussions sont achevées et un accord semble avoir été noué avec les professionnels des secteurs concernés. Quand le niveau de taxation du gazole est de 3,8 centimes pour les agriculteurs, il est de 18 centimes pour les travaux publics, et de 45 centimes pour les transporteurs routiers. Le mécanisme a été exposé par le Gouvernement. En ce qui concerne les travaux publics, les entreprises devront payer environ 6 centimes supplémentaires par litre chaque année d’ici à 2030. En sept ans, elles rejoindront ainsi le niveau de taxation normal, acquitté par les consommateurs. Le Gouvernement a précisé qu’il y aurait une compensation financière à l’euro près pour accompagner la transformation, tout en ménageant pour l’instant les transporteurs routiers. Les syndicats des agriculteurs sont disposés à abandonner de manière progressive le GNR si une solution alternative était proposée aux exploitants agricoles : des tracteurs roulant à un autre carburant ? Ou des aides pour la transition énergétique ? Toutefois, les agriculteurs préviennent qu’il n’est pas question que ce soit supprimé de manière abrupte par le législateur car aujourd’hui, les solutions alternatives sont peu nombreuses. Écologie ou compétitivité économique ?

Un bonus écologique augmenté pour amplifier les ventes de voitures électriques

Le principe d’une hausse de la prime versée lors de l’achat d’un véhicule 100 % électrique est désormais acté par le Gouvernement. Elle devrait passer de 7000 € à 8000 €. Cette augmentation serait toutefois réservée, tout comme le bonus actuel, aux foyers les plus modestes. Elle prendrait effet au 1er janvier 2024. En attendant, un décret modifie les conditions d’éligibilité des véhicules au bonus écologique pour les voitures particulières neuves en disposant que ceux-ci doivent relever d’une version figurant dans un arrêté ministériel, pris sur proposition de l’ADEME, traduisant leur atteinte d’un score environnemental minimal dont la méthodologie de calcul et de justification, d’une part, et la valeur seuil, d’autre part, sont définies par arrêté interministériel (Décret n° 2023-886 du 19 sept. 2023). Ces nouvelles conditions sont notamment destinées à favoriser les voitures électriques produites en France et en Europe, en prenant en compte l’impact environnemental de façon beaucoup plus globale.

->Fiscalité locale

Baisse des impôts locaux de production et l’investissement des entreprises, ça marche ?

Selon les entreprises, la baisse des impôts locaux de production menée par le Gouvernement doit être conservée et amplifiée. Une étude de l’institut Rexecode, proche du patronat français, a été publiée en ce sens (Rexecode, Fiscalité locale de production, n° 87, sept. 2023). On pense, depuis 2021, à la baisse de la CFE (1,5 Md€) et la réduction de moitié de la CVAE (7,5 Md€). Ils pèsent moins sur la valeur ajoutée des entreprises. Selon cette étude, les marges regagnées ont déjà permis d’investir dans l’outil productif français, qui ne cessait de se dégrader depuis des décennies. L’objectif est une hausse de 0,6 point de PIB d’ici à 2030. Entre 2000 et 2016, le nombre d’entreprises industrielles a été divisé par deux en France quand il est resté stable en Allemagne selon cette même étude. Les projets d’investissements étrangers progressent nettement en France depuis 2020, alors qu’ils reculent en Allemagne ou au Royaume-Uni. De nouvelles usines sortent de terre et, surtout, les fermetures de sites se raréfient en France. Il y a d’importants investissements réalisés dans de nombreux groupes industriels français, ce qui serait révélateur d’une dynamique. La prégnance des impôts de production est un marqueur fiscal français qui pèse sur les capacités d’investissement et la compétitivité des industries françaises. Plus le Gouvernement alignera les impôts de production français sur le niveau moyen observé au sein de l’Union européenne, plus vite la France connaîtra des résultats économiques encourageants. Le poids des prélèvements obligatoires en pourcentage de la valeur ajoutée des entreprises en France (20,8 % après baisse de l’IS et suppression de la CVAE) est encore nettement plus élevé que celui observé en Allemagne (13,6 %) et le poids des impôts de production y est encore significatif (4,9 % après baisse de l’IS et suppression de la CVAE) par rapport à ce qui est pratiqué outre Rhin (0,8 %).

Disparition programmée de la CVAE : en 2024 pour les petites et moyennes entreprises

Les promesses n’engagent que ceux qui les écoutent. Le Gouvernement confirme la disparition programmée de la cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises (CVAE) qui était censée s’éteindre en… 2024. Cet impôt direct local de production, supporté par les entreprises qui réalisent des chiffres d’affaires significatifs, a été réduit de moitié en 2023 et devrait disparaître définitivement du paysage fiscal français en 2027. La nécessaire réduction du déficit public dès la loi de finances pour 2024 (la prévision de croissance ayant été revue à la baisse par le Gouvernement de + 1,6 % à + 1,4 %) a convaincu le Gouvernement de ce repli qui lui permet de conserver 3 Md€ de recettes fiscales à destination des collectivités territoriales. Finalement, ce sera un plus petit geste fiscal, dont le coût est évalué à 19 M€, qui a été retenu par le Gouvernement pour les petites et moyennes entreprises. En effet, selon celui-ci, environ 300 000 entreprises supportent une cotisation forfaitaire minimale de 63 €. Elle sera supprimée en loi de finances pour 2024. Cela permet au Gouvernement de réduire de plus de moitié le nombre d’entreprises assujetties à la CVAE en 2024, et donc le coût budgétaire de traitement de la CVAE pour l’administration fiscale. Il resterait seulement 220 000 entreprises concernées par la CVAE à terme : celles qui ont les plus forts chiffres d’affaires et qui supportent l’essentiel de la charge fiscale, amoindrie de moitié depuis 2023 et qui est donc maintenue jusqu’à la fin de la législature. Le Conseil constitutionnel validera-t-il cette démarche en plusieurs temps ? A suivre.

Hausse de la fiscalité foncière à Paris ou incitation fiscale à la rénovation énergétique ?

En novembre 2022, la Ville de Paris a décidé de faire passer son taux de taxe foncière de 13,5 % à 20,5 %. Cette hausse est le record de France et elle suscité des critiques. La moyenne nationale se situe environ à 37% et des grandes villes comme Lille ont un taux proche de 48 %. Hors Paris, l’augmentation de la taxe foncière est ramenée à + 1,7 % en 2023. La Ville de Paris s’est défendue de cet arbitrage politique en rappelant que seront exemptés les propriétaires parisiens qui auront investi entre 2020 et 2026 dans la rénovation thermique de leur bien immobilier. En 2022, seules 453 communes avaient mis en place ce dispositif, qui existe depuis le Grenelle de l’environnement. Cet outil d’incitation fiscale demeure méconnu, et n’a concerné que 10.185 bien immobiliers en 2022 selon la DGFIP. C’est ainsi que la Ville de Paris a fait le choix de mettre en place ce dispositif, afin d’inciter davantage les contribuables à la rénovation énergétique de leurs biens immobiliers. Les bénéficiaires pourraient être plus nombreux cette année. A suivre…

La taxe d’habitation va-t-elle prochainement renaître de ses cendres ?

Si la taxe d’habitation (TH) a disparu au 1er janvier 2023 pour les résidences principales, elle frappe d’autant plus sévèrement les locaux qui ne peuvent bénéficier de cette appellation (en y additionnant la surtaxe d’habitation sur les résidences secondaires). Quant aux logements vacants, ils sont aussi concernés dans la plupart des cas. Rebaptisée « TH sur les résidences secondaires et autres locaux meublés non affectés à la résidence principale », elle ne concerne plus que les locaux meublés consacrés à un autre usage. Elle reste donc due pour les résidences secondaires ainsi que pour les logements destinés à la location touristique. Elle est supportée par la personne qui a la jouissance privative du local, que ce soit en tant que propriétaire, locataire ou occupant à titre gratuit. Les propriétaires de leur résidence secondaire continuent donc – comme avant – à supporter à la fois la taxe foncière en tant que propriétaires et la TH en tant qu’occupants. La TH n’est donc pas totalement morte en droit français ! Par ailleurs, certaines propositions laissent entendre qu’elle pourrait être réintroduite sous une autre forme prochainement. Pour pallier la disparition programmée de la TH, certaines associations d’élus locaux, comme France urbaine, qui regroupe certains maires de grandes métropoles, plaident pour la création d’une « contribution résidentielle locale », comme nouvel impôt local. Dans les grandes villes, on compte seulement 30 % de propriétaires qui supportent la taxe foncière comme seul impôt direct local qui subsiste. Est-il juste que tout repose sur ces derniers ? Environ 70 % de locataires n’ont plus aucun impôt local à supporter, alors qu’ils bénéficient également des services publics locaux, sans avoir pleinement conscience de leur coût réel de fonctionnement, supporté à 80 % par les collectivités territoriales. C’est la raison pour laquelle la création d’une « contribution résidentielle locale », pour sensibiliser les citoyens sur le coût des services dont ils profitent, ressort des cartons de certains think tanks (v. note de Terra nova, sept. 2023). L’idée serait d’utiliser les valeurs locatives cadastrales actualisées (par la révision des valeurs locatives des locaux d’habitation – RVLLH – et professionnels – RVLLP -) comme assiette. Ensuite, un barème d’imposition progressif serait mis en place, en fonction des revenus perçus par les contribuables locaux. Un rendement budgétaire d’environ 2 Md€ serait attendu.

->Impôt sur les sociétés

Pacte Dutreil : des précisions de la part de la Cour de cassation

Dans un récent arrêt, la Cour de Cassation a rejeté l’application du Pacte Dutreil à une holding animatrice considérée comme trop jeune, seulement quelques jours, pour avoir exercé effectivement son activité d’animation (Cass. com., 11 mai 2023, pourvoi n° 21-16.924). Pour mémoire, ce régime permet aux transmissions successorales et aux donations (Droits de mutation à titre gratuit – DMTG) de titres d’une société de bénéficier d’un abattement d’assiette de 75 % en contrepartie du respect des conditions de conservation des titres transmis et de direction de la société. Ce régime fiscal favorable ne concerne que les sociétés exerçant une activité opérationnelle, par opposition aux sociétés patrimoniales. L’activité de holding est donc exclue, sauf s’il est apporté la preuve de l’animation par cette dernière de son groupe. L’animation implique la participation active du holding à la conduite de la politique du groupe et au contrôle des filiales. Vers une modification des dispositions de l’article 787 B du CGI ?

MANAGEMENT PUBLIC
->Fonction Publique d’État

Le Conseil d’État s’attaque à l’efficacité du dernier kilomètre

Le 6 septembre 2023, le Conseil d’État a présenté les résultats de son étude annuelle qu’il a choisi de consacrer – pour la première fois – à l’efficacité de l’action publique. L’institution part du constat que le fossé entre un appareil administratif morcelé et complexifié et des usagers plus exigeants vis-à-vis de services publics en crise (hôpital, école, justice…) s’est creusé. Le Conseil d’État souligne notamment le besoin de repenser l’efficacité du dernier kilomètre, celui qui permet à l’action publique de toucher l’usager. Le Conseil d’État définit trois objectifs (proximité, pragmatisme, confiance) déclinés en 12 propositions. Ces propositions visent à mieux communiquer (ex. diversification des canaux, intelligibilité des messages) et à davantage écouter les usagers (cf. satisfaction, besoins). Elles visent également à renforcer la collaboration entre organisations publiques, à rapprocher le management public du terrain et de l’usager ou encore à former les agents aux enjeux du dernier kilomètre.

Le gouvernement veut continuer de muscler l’administration territoriale de l’État

Dans le cadre du Projet de loi de finances pour 2024, le gouvernement prévoit la création de 232 postes supplémentaires dans l’administration territoriale de l’État, confirmant ainsi une tendance engagée dès 2023. Ces postes seront principalement affectés aux « missions prioritaires » des préfectures à savoir les services des étrangers mais également à la gestion de crise et à la lutte contre le séparatisme.

Le think tank « Nos Services Publics » tire la sonnette d’alarme

Le collectif de hauts fonctionnaires « Nos Services Publics » a publié le 14 septembre 2023 un rapport sur « l’état des services publics ». Dans ce rapport, le think tank rappelle que les besoins en matière de services publics ont augmenté bien plus rapidement que les moyens, creusant les inégalités entre citoyens/usagers. Le rapport appelle à sortir d’une gestion du service public purement budgétaire pour se recentrer sur les attentes et besoins réels des usagers ; et ce dans les différents domaines de l’action publique (santé, éducation, transports, justice et sécurité, fonctionnement et financement). Le rapport déplore également qu’un espace croissant ait été laissé au développement d’une offre privée lucrative, pourtant financée largement sur des fonds publics (enseignement et établissements de santé privés par exemple).

->Fonction Publique Territoriale

Le Haut Conseil des finances publiques locales fait déjà grincer des dents certains élus

La première réunion du Haut Conseil des finances publiques locales (HCFPL) s’est tenue à Bercy le 19 septembre 2023 en présence de l’Association des Maires de France (AMF), de l’Assemblée des Départements de France (ADF) et de Régions de France. L’objectif de cette instance voulue par l’exécutif est de plancher sur les modalités d’association des collectivités territoriales à l’effort de redressement des finances publiques – en privilégiant la voie de la co-construction plutôt que de la contrainte (tout nouveau recours au mécanisme de contractualisation ayant été écarté). Lors de cette réunion, la question de « revues de recettes » a été évoquée afin d’étudier plus avant les marges de manœuvre des collectivités territoriales, amputées depuis la suppression de la taxe d’habitation. Cependant, plusieurs associations d’élus ont déploré le fait de ne pas avoir été associées à ce HCFPL. Ces critiques pourraient amener le gouvernement à revoir la composition du HCFPL, alors que celui-ci entendait initialement faire participer les collectivités à son plan d’économie à hauteur de 10 milliards.

->Fonction Publique Hospitalière

Une « embellie » pour les établissements de santé dans la gestion des RH ?

Alors que les établissements de santé connaissent d’importantes difficultés dans la gestion des RH depuis plusieurs années (ex. postes vacants, absentéisme, baisse de la QVT), la Fédération hospitalière de France (FHF) a parlé « d’embellie », lors de sa conférence de rentrée du 5 septembre, avec un léger recul des taux de vacances et d’absentéisme. Pour le président de la FHF, les politiques d’attractivité et de revalorisation des salaires – décidées notamment dans le cadre du Ségur – ont eu des effets bénéfiques. Mais pour la FHF, l’amélioration du management des RH en interne (ex. réduction des délais de titularisation, contractualisation des heures supplémentaires, travail sur le cadre d’exercice) joue également un rôle dans cette amélioration. Pour autant, les difficultés en matière de GRH restent importantes et le recrutement et l’attractivité restent une priorité absolue. En effet, 98% des établissements font remonter des difficultés de recrutement et le niveau d’activité des hôpitaux publics reste inférieur à celui de 2019. Dans certains services (notamment Urgences et Psychiatrie) la situation reste très préoccupante. Le président de la FHF estime toutefois que les annonces de la Première ministre qui prévoient le déblocage d’un milliard d’euros pour la revalorisation des heures de nuit et jours fériés vont dans le bon sens.

->Transitions

La Planification Écologique enfin en marche ?

Promesse de campagne qui se faisait attendre, le gouvernement a présenté ce 26 septembre 2023 son programme de Planification Écologique. Le Secrétariat Général à la Planification Écologique, placé sous l’autorité de la Première ministre, aura la charge de piloter la mise en œuvre de ce plan. Cette stratégie doit permettre d’atténuer et de s’adapter au réchauffement climatique tout en préservant et restaurant les ressources naturelles et la biodiversité. Concrètement, le plan est divisé en 6 axes (mieux se déplacer, mieux se loger, mieux préserver et valoriser nos écosystèmes, mieux produire, mieux se nourrir, mieux consommer) déclinés chacun en actions concrètes (ex. développement des pistes cyclables et de bornes de recharges électriques, rénovation énergétique des bâtiments, soutien à l’agriculture biologique). Le plan présente aussi les grands indicateurs environnementaux qui permettront d’évaluer la réussite de ces actions. Certains experts ont toutefois noté que les engagements financiers (10 milliards d’euros supplémentaires en 2023) ne sont pas à la hauteur des besoins en matière de financement de la transition écologique et que les actions mises en œuvre sont de nature incitatives (et non pas contraignantes).

Le déploiement de l’IA dans les services publics s’accélère

Au cours de ce mois de septembre 2023, Le ministre de la transformation publique a lancé une expérimentation visant à équiper 1 000 agents volontaires d’un outil d’intelligence artificielle. Ce dernier doit les accompagner dans la réponse en ligne aux avis et commentaires des usagers ; représentant un gain de temps et d’efficacité. Conduite sous l’égide de la DITP et de la DINUM, cette expérimentation sera élargie aux maisons France Services d’ici la fin de l’année. Dans le même temps, le ministère des Armées a lancé une version expérimentale et sécurisée d’agent conversationnel (équivalent de ChatGPT) afin d’aider les agents dans la synthèse et la traduction de documents ainsi que dans l’obtention de réponses à leurs questions. Mais l’IA est également utilisée dans le cadre de certains processus de gestion interne. Par exemple, au ministère de l’économie et des finances, 5 robots s’attèlent déjà à l’automatisation de certains processus RH (récupération de pièces justificatives, envoi de mail aux contractuels en fin de contrat…). Enfin, le 19 septembre, la Première ministre a installé une commission d’experts chargés de réfléchir au potentiel et aux risques des IA génératives – y compris dans les services publics. Preuve, s’il en était nécessaire, que les usages de l’IA vont encore se multiplier dans la fonction publique au cours des prochains mois.

EUROPE
->Politique européenne

Les travaux de la Cour des comptes pointent l’insuffisance des résultats

Au cours du mois de septembre, la Cour des comptes européenne a publié des travaux dans divers secteurs qui montrent la difficulté pour l’Union d’atteindre d’ambitieux objectifs. Le 1er septembre elle a présenté plusieurs audits. D’abord un audit sur la gestion par la Commission sur l’initiative mondiale « Spotlight » contre les violences à l’égard des femmes et des filles, lancée en 2017 par l’UE en partenariat avec les Nations unies. Les effets de ce programme « se font attendre », comme le montre le rapport spécial n°21/2023 publié le 11 septembre. Elle avait aussi présenté ses visites dans quatre États membres pour étudier les énergies marines renouvelables. Elles ont fait l’objet d’un rapport spécial n°22/2023 présenté le 18 septembre : « Énergies marines renouvelables dans l’UE – Des plans de croissance ambitieux, mais une durabilité difficile à garantir ». En effet, l’UE est ici « face à un dilemme écologique » : l’impact de ces EMR sur l’environnement et la biodiversité n’est pas évalué. Le même 1er septembre la Cour a aussi présenté une vaste action de contrôle (« le vin au menu ») dans cinq pays représentant 70 % des financements de la PAC consacrés à la restructuration du secteur viticole, préalable à un rapport d’audit n° 23/2023 publié le 25 septembre : « Un impact incertain sur la compétitivité et une ambition environnementale limitée ». Ce rapport a été présenté à la presse avec comme commentaire « La politique vitivinicole de l’UE a comme un goût de bouchon » car les objectifs environnementaux ne sont pas visés et la compétitivité du secteur non ciblée directement.

Prévisions économiques de la Commission

Le 11 septembre 2023, la Commission européenne a présenté ses prévisions économiques de l’été 2023. Elle s’attend à un « ralentissement de la dynamique de croissance dans un contexte d’inflation en baisse et de marché du travail solide ». La croissance est revue à la baisse et passe à 0,8 % en 2023, contre 1 % annoncé dans les prévisions du printemps, et à 1,4 % en 2024, contre 1,7 %. Pour la zone euro, ce serait 0,8 % en 2023 (contre 1,1 %) et 1,3 % en 2024 (contre 1,6 %). Quant à l’inflation, elle devrait continuer de diminuer au cours de la période. Dans l’UE, mesurée par l’indice des prix à la consommation harmonisé (IPCH), elle devrait désormais atteindre 6,5 % en 2023 (contre 6,7 % au printemps) et 3,2 % en 2024 (contre 3,1 %). Dans la zone euro, la Commission table désormais sur 5,6 % en 2023 (contre 5,8 %) et 2,9 % en 2024 (contre 2,8 %).

->Pacte de stabilité

Les États membres n’arrivent pas encore à se mettre d’accord sur la réforme

Réunis de façon informelle le vendredi 15 septembre à Saint-Jacques-de-Compostelle, les ministres des finances des États membres n’ont pas beaucoup avancé sur les propositions de la Commission pour réformer le pacte de stabilité et de croissance, même si 70 % sont déjà approuvés. Les dissensions dans la coalition au pouvoir à Berlin rendent la position allemande difficile. Les discussions achoppent notamment sur le caractère uniforme ou pas de la surveillance. L’Allemagne défend des critères annuels de réduction de la dette uniformes pour tous les pays de la zone euro alors que la France soutient une négociation individuelle de la réduction des dettes.

Que le PSC soit réformé ou pas, des procédures pour déficits excessifs pourraient être ouvertes en 2024

Sur la base des chiffres 2023, la presse s’attend à ce que la Commission fasse ouvrir en 2024 des procédures pour déficits publics excessifs contre la moitié des états membres, dont la France.

->Euro

La BCE relève à nouveau ses taux directeurs

Jeudi 14 septembre, la BCE a annoncé une dernière hausse des taux, à des niveaux jamais atteints, avant une probable pause. Les taux d’intérêt des opérations principales de refinancement, de la facilité de prêt marginal et de la facilité de dépôt sont relevés à respectivement 4,50 %, 4,75 % et 4,00 % à compter du 20 septembre 2023.

->Fiscalité

Projets de Directive « BEFIT », prix de transfert et « HOT »

Le 12 septembre, la Commission Européenne a publié plusieurs projets de directives fiscales dont une consacrée à la fixation des prix de transfert. Le projet « Entreprises en Europe: cadre pour l’imposition des revenus » (Business in Europe : Framework for income taxation : BEFIT) prévoit que : 1°) les sociétés appartenant au même groupe calculeront leur base d’imposition conformément à un ensemble commun de règles ; 2°) les assiettes fiscales de l’ensemble des membres du groupe seront regroupées en une seule assiette imposable et 3°) chaque membre du groupe BEFIT se verra attribuer un pourcentage de l’assiette imposable agrégée, calculé sur la base de la moyenne des résultats imposables au cours des trois années fiscales précédentes. Le projet de directive « Head Offices Tax system for SMEs », ou « HOT », prévoit une application de règles fiscales uniformes aux résultats des établissements stables européens de PME (one-stop-shop), sur la base des règles en vigueur dans le pays du siège social.

25e anniversaire du groupe “Code de conduite (fiscalité des entreprises)”

Le 22 septembre 2023, à l’occasion de la réunion informelle du groupe à haut niveau sur les questions fiscales qui s’est tenue les 21 et 22 à Madrid, la présidence espagnole du Conseil a organisé une séance pour commémorer les travaux du groupe « Code de conduite (fiscalité des entreprises) » qui a été créé en 1998 pour identifier et évaluer les mesures fiscales qui pourraient nuire aux bases d’imposition d’autres États membres et à l’économie européenne. Il coopère également avec des pays et territoires tiers et effectue des travaux conduisant au réexamen régulier de la liste de l’UE des pays et territoires non coopératifs à des fins fiscales.

INTERNATIONAL
->Monnaies

La Banque de Turquie relève coup sur coup ses taux d’intérêt

Le 24 août 2023, la Banque de Turquie avait fortement augmenté son taux directeur de 17,5 à 25 %. Cela avait provoqué un bond de la livre turque, jusqu’alors très affaiblie. Le jeudi 21 septembre, elle a augmenté pour le quatrième mois consécutif son taux, désormais passé à 30 %, niveau jamais vu depuis 2003. Ce retour à l’orthodoxie monétaire face à une inflation galopante depuis longtemps malgré les dénégations gouvernementales est considéré par la presse comme un échec de la politique accommodante menée par le président Erdogan depuis de nombreuses années pour soutenir la croissance turque. Il a par contre été salué par la Banque mondiale qui, le 9 septembre 2023, a annoncé accorder un important prêt de 18 milliards de dollars à Ankara.

La Banque nationale suisse maintient son taux directeur

Au moment où la population helvète franchit les 9 millions d’habitants, le jeudi 21 septembre 2023, contrairement à ce que la presse escomptait, la Banque nationale suisse (BNS) a estimé que l’inflation était pour le moment contrôlée (estimée par elle à 2,2 % en 2023 et en 2024) et a donc maintenu son taux directeur à 1,75 %, tout en se ménageant la possibilité de procéder ultérieurement à de nouvelles hausses en raison d’un risque inflationniste toujours présent.

La Fed prévoit des taux supérieurs à 5 % pendant toute l’année 2024

Mercredi 21 septembre 2023, sans procéder à une nouvelle hausse pour le moment, la Réserve fédérale américaine (Fed) a annoncé qu’elle maintenait sa lutte soutenue contre l’inflation, les taux d’intérêt restant probablement au-dessus de 5 % pendant l’année 2024. Ces annonces ont entraîné la chute des marchés financiers new-yorkais.