LE PROJET DE LOI DE FINANCES POUR 2020 : RUPTURE OU CONTINUITÉ ?

Le projet de loi de finances pour 2020 a été présenté au conseil des ministres du 27 septembre 2019. Pour beaucoup d’observateurs, il s’agit d’un budget de rupture dès lors que les baisses d’impôts sont privilégiées au détriment du redressement des finances publiques. Pourtant le ministre de l’action et des comptes publics met en avant la continuité de l’effort de « baisse des impôts, de la dépense et des déficits ». En réalité, les impôts baissent beaucoup, ce qui n’est que la correction du « choc fiscal » du mandat de François Hollande , les dépenses ne baissent qu’un peu selon une tradition malheureusement bien établie , les déficits se réduisent optiquement mais sont en réalité stables.

Les baisses de prélèvements obligatoires de 10,2Md€ bénéficie d’abord aux ménages pour 9,3Md€ . Pour l’impôt sur le revenu : baisse de la première tranche de 14 et 11% (5Md€), atténuation de l’effet d’accélération de la décote dans l’entrée du barème, légère réduction des seuils des tranches à 30,41 et 45%, transformation du CITE en prime pour les 40% de foyers les plus modestes ; dernière étape de la suppression de la taxe d’habitation à l’exclusion des résidences principales et des logements vacants pour 80% des contribuables… La baisse nette est de 1 Md€ pour les sociétés (taux d’IS ramené de 33 à 31% pour les entreprises de plus de 250M€ de chiffre d’affaires et de 31 à 28% pour les autres et, en sens inverse, suppression en trois ans de la niche sur la gazole non routier sauf pour les agriculteurs, plafonnement de la déduction forfaitaire spécifique de charges sociales…). Le taux de prélèvements obligatoires atteint 44,3%. En 2022, les allègements sur le quinquennat devraient atteindre 27 Md€ pour les ménages et 13 Md€ pour les entreprises

La progression en volume des dépenses publiques est contenue à 0,9% ; la norme des dépenses pilotables de L’Etat s’élève à 268 Md€, soit 5,1Md€ de plus qu’en LFI 2019 ; l’objectif de dépenses totales de l’Etat ne progresse que de 3,3Md€ à 446,3Md€ compte tenu notamment de la réduction de la charge de la dette de 3,5M€ et des économies sur les dépenses de logement et sur l’assurance-chômage. Le ratio dépenses sur PIB est en légère réduction (53,8% en 2019,53 4% en 2020).Les emplois ne seront réduits que de 47 ETP : les réductions d’effectifs à Bercy et au ministère de la transition écologique et solidaire   étant à peu près compensées par des créations au profit de la défense, de l’intérieur et de la justice. L’objectif quinquennal est à nouveau réduit à 10.500 réductions d’emplois dans les effectifs de l’Etat en 2022

Si les prévisions économiques du Gouvernement (croissance de 1,4% en 2019 et 1,3% en 2020) sont jugées plausibles par le Haut conseil des finances publiques (HCFP), celui-ci relève que ni la trajectoire prévue par la loi de programmation des finances publiques (v.Repères de janvier 2018), ni les engagements européens de la France ne sont respectés. Le déficit des administrations publiques est attendu à -2,2% du PIB, chiffre le plus faible depuis 2001 mais très proche de celui de 2019 hors la mesure exceptionnelle de transformation du CICE (-3,1% ramené à -2,2%). Aucune amélioration du déficit structurel n’est donc attendue (-2,2%) alors que le ratio de dette publique reste très élevé (98,7% contre 98,8%). Selon le HCFP, l’écart par rapport à la trajectoire de la loi de programmation des finances publiques s’accroit (-0,3pts en 2019 et -0,6pts en 2020), ce qui pose « un problème de cohérence » et pourrait justifier le déclenchement du mécanisme correcteur prévu par la lpoi organique de 2012…à moins d’une révision de la LPFP. Le solde budgétaire de l’Etat atteindra 93,1Md€, compte tenu d’une amélioration par rapport à la LFI 2019 de 11,4Md€ en 2019 et de 3,2 Md€ en 2020.

Ce budget est aussi le support de la réforme attendue de la fiscalité locale consécutive à la suppression de la taxe d’habitation, totale en 2020 pour 80% des contribuables ;en 2021 et 2022 pour les 20% restant: transfert de la taxe foncière sur les propriétés bâties des départements vers les communes ; part de TVA pour les EPCI et les départements ; compensation des communes pénalisées par un coefficient correcteur auquel l’Etat affecte 1 Md€ ; conservation des excédents de taxe foncière par les communes jusqu’à 10.000€ ; révision des valeurs locatives repoussée jusqu’à 2016. Il comporte ,pour la première fois, un livret de la transition écologique qui recense les mesures favorables à l’environnement dont une éco-contribution sur les billets d’avion au départ de la France et la réduction de l’exonération de TICPE sur la gazole poids lourds et sera suivi l’année prochaine d’un véritable « budget vert » préfiguré par un rapport de l’inspection générale des finances et du Conseil général de l’environnement. Différentes mesures de lutte contre la fraude figurent dans ce texte : collecte de la TVA par les plateformes de commerce en ligne, domiciliation en France des dirigeants de très grandes entreprises, transposition de la directive européenne ATAD 2 sur le rejet des montages hybrides entraînant une double non-imposition.

Michel Le ClaincheDR Finances Publiques au Ministère des finances