Best_of_2021

Points de Repères sur 2021

Particulièrement chargée, l’actualité de la gestion et des finances publiques 2021 n’a pas seulement été affectée par la crise sanitaire. Des réformes structurelles ont été lancées et des tendances de fond se sont dessinées tant sur le plan des finances publiques, internationales, européennes, nationales, sociales et locales, que sur celui du management public. 

Une situation financière très dégradée mais soutenue par un effort de relance sans précédent

Les finances publiques sociales, de l’État et, dans une moindre mesure, des collectivités territoriales sortent globalement très affaiblies de près de deux ans de « quoi  qu’il en coûte ». La dette publique atteint désormais environ 114% de PIB, soit 17 points de plus qu’en 2019 ; le déficit des comptes de la protection sociale s’est en particulier creusé de 51 Mds€ ; l’épargne brute des collectivités a encore reculé de 3,9% en 2021 après une chute de 10,8% en 2020 même si l’investissement demeure soutenu grâce à l’abondance des subventions nationales et européennes portées par France Relance et le plan communautaire NextGenerationEU.

La réforme de la gouvernance financière française et de la responsabilité de ses gestionnaires

Face à cette situation très préoccupante pour l’avenir, des réformes attendues de longue date ont pu voir le jour en matière de gouvernance budgétaire. Pour fêter les 20 ans de la loi organique relative aux lois de finances du 1er août 2001, et sous la pression constante de la Cour des comptes, la loi organique de modernisation de la gestion des finances publiques du 28 décembre 2021 a marqué des points en termes de vision pluriannuelle de nos finances publiques et de transparence, devant le Parlement, sur le niveau de l’endettement public.  A la suite de cette loi organique, le projet de loi ordinaire relatif au Haut conseil des finances publiques devrait renforcer l’influence du « gendarme budgétaire » des administrations publiques, notamment sous l’angle du contrôle de conformité des lois de finances aux lignes tracées par une loi de programmation des finances publiques (LPFP) sachant que pour la période 2018-2022, la LPFP est caduque depuis plusieurs années. On attend par ailleurs une réforme du contrôle du Parlement en matière de finances publiques sociales dans le sens d’une plus grande effectivité normative et rigueur pluriannuelle des lois de financements de la sécurité sociale.

Au-delà de l’organisation de la gouvernance des finances publiques, la montée en puissance d’un nouveau régime unifié de responsabilité des gestionnaires publiques, introduit par l’article 41 du projet de loi de finances pour 2022, donne effectivement du corps à un nouveau système de sanction de la mauvaise gestion. L’ordonnance et les importantes précisions qu’elle portera sont attendues au premier semestre 2022. Déjà, en 2021, la Cour des comptes s’est mise en ordre de marche pour traiter ce nouveau contentieux administratif financier en fondant une nouvelle chambre dans le cadre de sa stratégie « JF 2025 ». 

Des finances sociales durablement plombées par les évolutions démographiques du pays

Il reste des enjeux financiers majeurs et concrets à relever, en particulier dans le champ social, notamment sanitaire où le « Ségur de la santé » commence à se faire sentir par la revalorisation des traitements des personnels soignants mais aussi avec la remise en cause de la tarification à l’activité (T2A) qui a beaucoup affaibli l’hôpital public ces dernières années. Le débat de la « Grande Sécu » a été lancé et fait l’objet d’un bras de fer entre l’État et le monde mutualiste. La question de l’équilibre du régime des retraites demeure toujours ouverte et se complique aujourd’hui de l’interrogation grandissante sur la prise en charge collective ou non de la dépendance. Quel dosage opérer entre prise en charge et prévention ? Il convient sans doute d’adapter la société française à un vieillissement inexorable. D’autant que la démographie apparaît en berne comme le souligne la note de mai 2021 du Haut-Commissariat au Plan sur le sujet. La question du soutien à la jeunesse et aux familles apparaît de plus en plus centrale dans ce contexte. Le pouvoir d’achat des ménages est en effet affecté, nonobstant la baisse globale des impôts d’État et la suppression progressive de la taxe d’habitation, par la baisse de nombreuses prestations sociales, comme les APL, ou leur mise sous conditions de ressources ainsi que par l’inflation. Un « Pacte national pour la démographie » apparaît plus que jamais nécessaire pour redonner espoir. L’évolution du marché de l’emploi va toutefois dans le bon sens et permet une refonte du régime d’assurance-chômage entrée en vigueur au 1er octobre 2021 avec des modalités de calcul de l’indemnisation moins avantageuses que par le passé. Il faudra cependant voir l’évolution du chômage une fois passé le cap de la crise sanitaire qui implique encore des mesures de soutien à l’activité dans le contexte de la vague Omicron.

Une nécessaire modernisation du contrôle fiscal et de la fiscalité des entreprises

La continuité, voire l’augmentation, des moyens fiscaux de l’action publique reste et sera sans doute de plus en plus importante à bien assurer. La lutte contre les fraudes et le renforcement du contrôle fiscal mené par la Direction générale des finances publiques, de plus en plus aidée par les nouvelles techniques d’intelligence artificielle et de data mining, y participent. L’enjeu de nouvelles impositions, comme la taxe sur les transactions financières 5TTF), demeure essentiel : la TTF a généré près de 1,8 Mds€ en 2020. Le produit de l’Impôt sur la fortune immobilière (IFI) a été quant à lui de 1,6 Mds€ la même année. Le 3ème rapport du Comité d’évaluation des réformes de la fiscalité, établi sous les auspices du Premier ministre, apparaît globalement positif en termes de baisse de l’expatriation fiscale notamment.  Du côté de la fiscalité foncière, clef pour les communes, la tendance est à la hausse avec une augmentation de 28% du produit de la taxe foncière entre 2010 et 2020 dont 11,5% au cours des cinq dernières années (35,3 Mds€ collectés en 2020) du fait de la revalorisation nationale des valeurs locatives cadastrales mais aussi des hausses de taux décidés localement. 

Il reste malheureusement que la taxe sur les GAFAM, introduite par la France et qui restera acquittable jusqu’en 2023 (produit de 375 M€ en 2020, en progression de 100 M€ par rapport à 2019), ne fera pas long feu au-delà. Sacrifiée sur l’autel de la grande réforme internationale de l’imposition des bénéfices des entreprises multinationales, la taxe sur les géants du numérique était dans le collimateur des États-Unis. Grâce aux efforts de l’OCDE, encouragée par la Commission européenne, émerge finalement un accord mondial porté par le Sommet du G7 du 5 juin 2021 qui fixe à 15% la taxation des multinationales avec une réattribution minimale aux États où les transactions de marché ont été réalisées.  La définition de la base taxable demeure un enjeu majeur qui préoccupe les grandes entreprises françaises.

Un management public pris dans le mouvement de réforme de fond

Le management public ne reste pas à l’écart des grandes évolutions de l’année 2021. Si l’évaluation des politiques publics reste encore à conforter en dépit des efforts notamment de la Cour des comptes pour s’y engager résolument et du Cercle de la réforme de l’État pour y pousser, plusieurs chantiers avancent. L’ouverture de la fonction publique aux agents contractuels progresse avec environ 20% de l’emploi public fin 2019 selon l’INSEE. L’ENA disparaît et laisse place à l’Institut national du service public (INSP) avec le souci de toujours plus intégrer les talents pluriels de la société française. La gestion immobilière publique s’adapte par ailleurs au développement du télétravail qui s’impose largement désormais au-delà du contexte de crise. Sans doute reste-t-il à débrider les initiatives publiques locales comme le Conseil national d’évaluation des normes y invite en simplifiant l’écheveau normatif et en développant les expérimentations nonobstant la primauté du principe d’égalité rappelé par le Conseil constitutionnel dans sa décision 2021-816 du 15 avril 2021 sur la loi organique relative à la simplification des expérimentations. 

Une économie européenne supportée par la BCE et sous le coût d’une reprise de l’inflation

C’est sans doute sur le terrain européen et international que l’année 2021 demeurera structurellement la plus marquante. C’est en effet la politique monétaire très accommodante de la Banque centrale européenne (BCE) qui porte à bout de bras l’économie européenne durant cette période de crise. Quasi nuls, les taux directeurs de la BCE permettent de soutenir l’investissement. La politique de rachat des actifs souverains sur les marchés secondaires continue par ailleurs de sécuriser un endettement public devenu massif. Pour ses vingt ans, l’Euro tient l’Europe, une Union européenne qui voit ses disparités économiques se creuser avec la crise comme le notait déjà l’Eurogroupe en janvier 2021. Le Mécanisme européen de stabilité (MES), ce filet de sécurité commun, est d’ailleurs renforcé par l’accord des États membres du 27 janvier 2021. La réforme du Pacte de stabilité et de croissance est quant à elle en ligne de mire après les années électorales allemande puis française.

L’UE est d’ores et déjà à la manœuvre de la politique de cohésion et régionale à travers l’adoption, le 28 mai 2021, des règlements encadrant les fonds structurels et d’investissement qui s’élèvent à plus de 330 Mds€ (aux prix de 2018), soit près d’un tiers du budget à long terme de l’UE. Le plan NextGenerationEU, adopté à la suite de la première vague pandémique, commence par ailleurs à se mettre en œuvre. Le 14 avril, la Commission européenne a adopté sa stratégie de financement de ce vaste chantier. Les plans nationaux ont commencé d’être présentés et validés, notamment celui de la France le 29 avril 2021. Un tiers des 750 Mds€ de NextGenerationEU sera affecté à des projets favorables à l’environnement en cohérence avec le Pacte vert communautaire. Il demeure des difficultés de principe dans le déploiement des fonds, en particulier dans certains pays de l’Est où la conditionnalité des aides communes au respect de l’État de Droit pose question et où l’Union affirme avec force ses valeurs. 

L’UE demeure toutefois faible sur le plan fiscal. En dépit d’une nouvelle communication de la Commission du 18 mai 2021 visant à promouvoir un système fiscal « solide, efficace et équitable pour les entreprises » ainsi que des efforts du Conseil pour lutter contre les paradis fiscaux (cf. conclusions du 5 octobre 2021 du Conseil ECOFIN), on ne progresse qu’à l’unanimité dans le champ fiscal. La nouvelle donne internationale de l’impôt des sociétés permettra peut-être d’avancer sur ce terrain sensible pour les États-membres mais essentiel pour le financement de long terme de l’UE et de l’endettement qu’elle supporte désormais. 

Il reste une difficulté nouvelle et majeure pour l’Union de faire face au regain d’inflation. Déjà, dans le contexte d’un plan de relance assez ambitieux de l’administration Biden, la FED, Réserve fédérale américaine, a remonté ses taux directeurs le 15 décembre 2021. Qu’en sera-t-il en Europe ? A l’aube de 2022, l’incertitude inflationniste reste la principale menace qui pèse sur la reprise économique et, de fait, sur les fondamentaux de la gestion et des finances publiques.