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BIBLIOGRAPHIE – REVUE-GFP N°1 – 2020

Nous avons lu pour vous

Frais de Palais, Vivre à l’Elysée, de De Gaulle à Macron René Dosière Éditions de l’Observatoire, 2019, 230 p. 

René Dosière, qui fut longtemps député de l’Aisne, a été surnommé par une journaliste « le curieux de la République » en raison de son combat opiniâtre contre le « confidentiel dépense ». Dans son dernier livre, il rend compte du combat mené pendant près de 20 ans pour vaincre l’opacité qui entourait les dépenses de la présidence de la République à coup d’examen minutieux des documents budgétaires, de questions écrites (183 entre 2002 et 2007 ; 425 entre 2007 et 2012), d’interventions à l’Assemblée nationale (« le quart d’heure Dosière »), de rapports et de livres. Le résultat est presque satisfaisant. Depuis 2008, l’Elysée présente chaque année un budget plus ou moins exhaustif ; il fait l’objet d’un rapport spécial en commission des finances et est voté par le Parlement dans le cadre de la mission « Pouvoirs publics » ; il est géré selon une procédure formalisée (Nabuco) ; il est contrôlé par la Cour des comptes. Le traitement du Président de la République est désormais fixé par la loi (à 15 422€ brut, mensuel et soumis à l’impôt). La plupart des achats de l’Elysée font l’objet de procédures de marchés publics. Que de chemin parcouru depuis l’époque, pas si lointaine, où rien n’était compté, ni contrôlé en vertu d’une prétendue tradition républicaine issue de la liste civile allouée à Louis XVI par la Constituante. Ce budget, dont une grande partie était « immergée » dans les crédits des ministères, atteint aujourd’hui 107M€ (110,52M€ au PLF 2020), soit 2 € par habitant et par an auxquels il faut ajouter 4 à 5M€ encore pris en charge par les ministères. 67 % sont des dépenses de personnel pour 792 collaborateurs, 14 % des frais de déplacements, 14 % du fonctionnement général et 5 % des travaux. C’est sous la Présidence de Nicolas Sarkozy que les mesures décisives ont été arrêtées. Il est vrai qu’à la même époque, des niveaux de dépenses record avaient été atteints : 10M€ de sondages et conseils en cinq ans (et hors marchés) ; le sommet de l’Union pour la Méditerranée ,le 13 juillet 2018, a coûté 16,6M€ et la dernière garden party du 14 juillet 732 826€. Le livre fourmille d’autres renseignements sur les petites habitudes de la République (les avions, les résidences, la vaisselle, les petits métiers) et sur quelques autres grands sujets (le recrutement du cabinet présidentiel, l’organisation de la sécurité, le statut de la « première dame », les avantages accordés aux anciens présidents (d’un coût estimé en 2018 à 5 M€ pour quatre bénéficiaires). Des faits précis au service de la démocratie sans la moindre démagogie. ■ 

Les administrations publiques à l’épreuve de leur dette, Jean-François Boudet, Caroline Lequesne (dir.) Editions mare&martin, 2019 

Cet ouvrage savant, sur un sujet aussi complexe que fondamental, est le fruit d’un travail collectif et a mobilisé un vingtaine d’experts qui exposent des thèses originales sur les conceptions, l’histoire, le régime juridique, la gestion, le contrôle et les crises des dettes des administrations publiques. Au-delà des ambiguïtés des définitions, ils mettent en évidence les éléments d’un « système contemporain » des dettes publiques qui repose sur des constructions, des représentations, des discours qui sont ici décodés. La conception d’aujourd’hui est bien différente de celle de l’Ancien régime d’où sortira, après la Révolution, les conceptions « républicaines » de la dette marquées au départ par l’instauration du grand livre de la dette publique par Joseph Cambon (LO 24 août 1793), puis par la banqueroute des deux tiers (loi du 9 vendémiaire an VI, 30 septembre 1797). Elle est aussi éloignée de certaines idées communes, telle celle formulée par exemple par Gaston Jèze, selon laquelle la dette est un report de charges sur les générations futures car c’est aussi, et d’abord, un transfert des contribuables vers les détenteurs de patrimoines financiers. En effet, la dette n’est pas qu’un sujet technique, c’est un acte politique, même si l’endettement est plus subi que choisi. Son encadrement, notamment européen, n’est pas que strictement juridique mais repose largement sur des mécanismes de marché. Son régime juridique relève pour une large part du droit privé mais dépend beaucoup de considérations économico-politiques. Si l’évolution de la dette publique semble assez strictement encadrée par les règles européennes ou par les dispositions de la LOLF, la question du contrôle démocratique est posée. Les évènements d’actualité font apparaître en définitive un système subi et peu maîtrisé qui, selon Jacques Chevallier, témoigne d’un «effritement des souverainetés étatiques ». ■

Les comptes publics : objets et limites, Sébastien Kott, Jean-Paul Milot, LGDJ, Lextenso, 2019, 209 p. 

Cet ouvrage de la collection « Systémes », œuvre d’un universitaire et d’un praticien qui sont parmi les meilleurs connaisseurs de la comptabilité publique, fait le point détaillé sur un des thèmes longtemps négligé des finances publiques : les comptes publics. Ceux-ci font l’objet d’une large définition qui englobe, d’une part, l’enregistrement des opérations, la tenue des comptes et, d’autre part, la réalisation des synthèses, les états financiers. Il examine les trois comptabilités des entités publiques qui ne sont pas celles de l’article 27de la LOLF puisque la comptabilité nationale est préférée à juste titre à la comptabilité d’analyse des coûts. Celle-ci est brièvement évoquée comme un exercice automatique et rétrospectif destiné à l’information des parlementaires plutôt qu’à celle des gestionnaires et a conduit (provisoirement ?) à un échec. Après avoir exposé les deux techniques de base (comptabilité de caisse et comptabilité d’exercice), l’ouvrage se consacre donc à la comptabilité budgétaire et à la comptabilité générale des entités publiques (y compris des organismes de sécurité sociale) et à la comptabilité nationale dont il expose pour chacune, d’une part, les enjeux et les techniques et d’autre part, les évolutions et les limites. La comptabilité budgétaire est la plus visible et la plus connue. Cette comptabilité à finalité politique a évolué parallèlement aux pouvoirs, ascendant puis déclinant, du Parlement ; elle se heurte à la multiplication des acteurs publics, bien qu’ayant évolué pour améliorer l’information financière ; elle reste insuffisante comme instrument d’évaluation des politiques publiques. Mais, elle constitue en France la base des développements ultérieurs. La comptabilité générale s’est en effet progressivement émancipée de la comptabilité budgétaire, d’abord sous forme d’états financiers, puis avec les articles 27 de la LOLF et 55 du décret GBCP en tant que comptabilité d’exercice et patrimoniale caractérisée par une convergence technique avec la comptabilité d’entreprise dans le cadre de la normalisation comptable internationale. Dans le secteur local, la distinction entre le compte administratif et le compte de gestion ne correspond pas à deux types de comptabilité mais à une comptabilité « moniste » et aménagée pour les besoins de la gestion. Cette comptabilité générale pose de nombreuses questions : détermination du rôle et du périmètre de l’État, développement de la finalité d’information financière au-delà du simple enregistrement des opérations, définitions des actifs et des passifs, difficultés de consolidation ou de combinaison des comptes des entités. Enfin, l’ouvrage consacre une partie à la comptabilité nationale dont l’objectif est de décrire l’économie à partir de la notion de production mais qui a de nombreuses incidences en finances publiques puisqu’elle est utilisée, par défaut, pour surveiller et comparer les budgets des États-membres de l’Union européenne. Elle définit les administrations publiques (APU), leurs sous-secteurs et le secteur public mais présente de nombreuses ambiguïtés : consolidation très partielle, limites de la notion de production non marchande, difficulté de prendre en compte les missions de redistribution, insuffisance du PIB comme indicateur de richesse, articulation entre le solde budgétaire et le besoin de financement. Au fil des développements on comprend que l’adoption de techniques diverses et non spécifiques donne des résultats partiels, complexes et critiquables. La préférence des auteurs va vers un système intégré d’information financière sur les finances publiques « dépassant la comptabilité générale » et fondé sur des concepts fondamentaux propres à décrire l’action publique qui pourrait embrasser toutes les finances publiques au niveau de chaque entité et au niveau global. ■