repere_2020

REPÈRES (AVRIL 2020) – REVUE-GFP N° 3 – 2020

BUDGET DE L’ETAT ET DES OPÉRATEURS
->Budget des opérateurs

Les résultats de la CDC

Le 8 avril, la Caisse des dépôts et consignation a publié ses résultats qu’elle a jugés « solides ». Elle dévoile un résultat agrégé de 2,7 Md€ en 2019 qui rassemble la Section générale (comptes consolidés du groupe) (2 Md€) et le Fonds d’épargne (0,7 Md€).La contribution de la CDC au budget de l’État en 2019 s’élève à 1,4 Md€ : 1,069 Md€ au titre de la section générale et 368 M€ de contribution représentative de l’impôt sur les sociétés.

->Procédure budgétaire

Certification des comptes de l’État

En application de l’article 27 de la LOLF, la Cour présente le 28 avril l’acte de certification du compte général de l’État qui sera annexé à la loi de règlement. Le rapport conclut au caractère régulier, sincère et représentant fidèlement la situation financière et le patrimoine de l’Etat de la comptabilité générale de l’État. La situation nette, fortement négative, s’établit à – 1 370 Md€ fin 2019, soit quatre années et demie de produits fiscaux, contre seulement deux fin 2006. Quatre réserves substantielles ont été maintenues mais partiellement allégées correspondant à des impossibilités de vérification ou à des anomalies dans quatre domaines : difficultés de se prononcer sur certains enregistrements comptables (complexité de Chorus et insuffisance de contrôle interne) ; stocks militaires et immobilisations corporelles (pièces de rechange, munitions ,consommables des armées) ; immobilisations financières (évaluations de certaines participations) ; charges de personnel, d’intervention et produits régaliens.

Le rapport de la Cour des comptes sur le budget 2019

Dans son rapport sur l’exécution et la gestion budgétaires 2019 publié le 28 avril, la Cour des comptes analyse les causes de l’augmentation du déficit budgétaire qui s’est élevé à 92,7 Md€, en hausse de 16,7 Md€ par rapport à 2018. La dette de l’État a connu une forte augmentation en 2019 pour atteindre 1822,8 Md€. Les recettes de l’État ont diminué en 2019 (233,3 Md€ ; -15M d€ par rapport à 2018) : transfert de 31,2 Md€ de TVA à la sécurité sociale pour compenser les nouvelles exonérations de cotisations et le transfert à l’État d’une part d’impôt sur le capital. (Si on y ajoute la part revenant aux régions, seulement 3/4 de la TVA reviennent à l’Etat, en attendant le futur transfert aux départements en compensation de la perte de la taxe foncière) ; mise en œuvre du prélèvement à la source qui s’est traduite par un perte de recettes de 5,2 Md€ qui ne se renouvellera pas ; coût résiduel du CICE (19,2 Md€) qui s’ajoute cette année aux exonérations de cotisations sociales correspondantes. Malgré une budgétisation réaliste et un effort de respect de la norme des dépenses pilotables, les dépenses (330,3 Md€) ont augmenté de 2,2 % notamment sous l’effet des mesures « gilets jaunes » décidées en décembre 2018, dont la prime d’activité qui a dépassé de 4 Md€ les prévisions .La Cour s’est intéressé aux autres moyens de financement des politiques publiques de l’État : les budgets annexes, les comptes spéciaux, les impôts et taxes affectées, les dépenses fiscales et les fonds sans personnalité juridique, soit 129,6 Md€ à comparer aux 357,9 Md€ de dépenses budgétaires nettes. La Cour formule des recommandations précises pour réexaminer, évaluer et encadrer ces dispositifs.

->FINANCES LOCALES

Stabilité des dotations de l’Etat

La DGCL a publié le montant des dotations collectivité par collectivité sur le site dotations-dgcl.fr. La publication en ligne vaut désormais notification. L’enveloppe, votée lors de la loi de finances 2020, est stable sur un an et s’élève à 27 milliards d’euros. Cependant, compte tenu des phénomènes d’écrêtement et de dynamique de la population, un certain nombre de collectivités vont voir leur montant diminuer en 2020. Comme tous les ans, sera fortement attendu la publication des critères à partir desquels la DGCL a effectué ses calculs.

FINANCES SOCIALES
->Politique d’allègement des charges et coût du travail

Note d’étape sur le prélèvement social des travailleurs indépendants

Suite à la mission dont il a été chargé par le Premier Ministre sur la protection sociale des travailleurs indépendants, le Haut Conseil du financement de la protection sociale a présenté le 1er avril une note d’étape portant plus spécifiquement sur l’équité du prélèvement social. Le Haut Conseil fait tout d’abord le constat que l’assiette de la CSG/CRDS est plus large chez les travailleurs indépendants que chez les salariés, tandis que l’assiette des cotisations sociales est plus étroite, ce qui conduit à minorer les droits sociaux contributifs – notamment pour la retraite-dont ils peuvent bénéficier. Il s’ensuit donc que les taux effectifs de prélèvements sociaux des travailleurs indépendants peuvent s’éloigner sensiblement des taux effectifs applicables aux salariés du secteur privé, particulièrement pour les revenus inférieurs ou égaux au SMIC ; à l’inverse, pour les revenus supérieurs au plafond annuel de Sécurité sociale, le taux de prélèvement des indépendants diminue (alors que celui des salariés se stabilise à 41 %). De même le niveau de prestations sociales et le ratio « prestations /prélèvement acquitté » – surtout pour la retraite – est sensiblement plus avantageux pour un salarié que pour un artisan au réel ou un micro-entrepreneur, surtout à faible niveau de revenu. Pour remédier à cette situation, le Haut Conseil fait une série de propositions en vue de définir une assiette unique se rapprochant du salaire brut des salariés, notamment par l’introduction d’un abattement forfaitaire au revenu professionnel des travailleurs indépendants.

->Retraites

État des lieux statistique sur les retraites à la fin de 2018

La DREES a publié le 14 avril son état statistique sur la situation des retraites (effectifs, montant des pensions… ) à la fin de 2018.

->Solidarité

Évaluation de la stratégie nationale de lutte contre la pauvreté

Le Comité d’évaluation de la Stratégie nationale de lutte contre la pauvreté, exposée par le Président de la République le 13 septembre 2018 (cf Repères), a présenté le 15 avril son premier rapport annuel sous forme d’une note d’étape qui présente les grands axes de la démarche d’évaluation ainsi que les méthodes mises en œuvre. Le Comité va évaluer 35 mesures, regroupées en 5 grandes thématiques : (petite enfance et éducation, santé, accompagnement, formation et emploi, logement, droits sociaux) au regard de trois grands objectifs : éviter la reproduction sociale de la pauvreté, permettre aux gens de sortir de la pauvreté, ne laisser personne en situation de grande pauvreté. Le comité d’évaluation retient un certain nombre d’indicateurs pour chaque mesure et se donne un calendrier pour la publication de ceux-ci. Il formule enfin cinq recommandations pour la conduite à bien de ses travaux qui passent par le lancement d’enquêtes et d’études spécifiques.

FISCALITE ET PROCÉDURES FISCALES
->Impôts sur le revenu

QPC rejetée sur le calcul des plus-values mobilières en report

Les dispositions législatives (CGI, art. 92 B-II ; 150-0 B ter ; 160-I ter ; 150-0 D) sur l’exclusion de certaines plus-values mobilières du bénéfice de l’abattement pour durée de détention sont conformes à la Constitution (Cons. const., décis. n°2020-832/833 QPC, 3 avril 2020, M. Marc S. et autre) suite à une QPC renvoyée par le Conseil d’État (CE 8e et 3e ch.-r., 19 déc. 2019, Req. n° 423118 et n° 423044) sur un sujet où le Conseil avait déjà été amené à prononcer deux réserves d’interprétation (Cons. const., décis. n° 2016-538 QPC, 22 avril 2016, Époux M. D.). A ce sujet, la CJUE (CJUE, 8e ch., 18 sept. 2019, AQ et DN c/ ministre de l’Action et des Comptes publics, aff. C‐662/18 et C‐672/18) a précisé comment les dispositions de la Directive « fusion » n° 2009/133/CE du 19 oct. 2009 (art. 8 §1 et §6) doivent être interprétées. Le Conseil d’État a donc tiré les conséquences de cette décision, et considère que, lorsqu’elles sont afférentes à des opérations entrant dans le champ matériel et territorial de ladite directive, les plus-values placées en report d’imposition sur le fondement des articles 92 B, 160 ou 150-0 B ter du CGI bénéficient, en cas d’imposition au barème progressif de l’IR, de l’application de l’abattement pour durée de détention prévu à l’article 150-0 D du CGI, quelle que soit la date à laquelle elles ont été placées en report d’imposition. Cette QPC visait à obtenir le même traitement fiscal des plus-values en report selon qu’elles concernent des opérations d’échange de titres entrant dans le cadre de ladite directive ou des opérations ne concernant que des sociétés françaises. Le Conseil constitutionnel a estimé que le principe d’égalité ne s’opposait pas à une telle différence de traitement alors que dans une décision antérieure (Cons. const., décis. n° 2015-520 QPC, 3 février 2016, Metro Holding) il sanctionnait les discriminations à rebours ou par ricochet.

->Fiscalité écologique

Précisions pour le transfert de la TGAP à la DGFiP

Relevant jusqu’alors de la compétence de la DGDDI (CGI, art. 266 sexies à 266 duodecies), souvent menacée par la lutte contre les taxes fiscales à faible rendement budgétaire, l’assiette de la TGAP repose sur les produits considérés comme polluants (déchets, émissions polluantes, huiles et préparations lubrifiantes, lessives, matériaux d’extraction, etc.), les taux applicable varient selon les catégories d’activité et de produit et son montant est du par les entreprises concernées. Le législateur (art. 193 L. n° 2018-1317 du 28 déc. 2018 de finances pour 2019 ; art. 189 L. n° 2019-1479 du 28 déc. 2019 de finances pour 2020) a transféré le recouvrement de la TGAP à la DGFiP, en alignant les procédures déclaratives sur celles de la TVA. Le pouvoir règlementaire (Décr. n° 2020-442 du 16 avril 2020) vient ici préciser le champ de la composante de la TGAP et les modalités particulières des acomptes. Par ailleurs, il supprime toute obligation de versement d’acomptes pour la composante de la TGAP portant sur les huiles et préparations lubrifiantes compte tenu de sa suppression, à compter du 1er janvier 2022 (art. 85 L. n° 2020-105 du 10 février 2020 relative à la lutte contre le gaspillage et à l’économie circulaire).

->Impôt sur les sociétés

Le régime de l’intégration fiscale est précisé au BOFIP

Tirant les conséquences de la jurisprudence de la CJUE (CJUE, 2 sept. 2015, Groupe Stéria, aff. C- 386/14 ; CJUE, 22 février 2018, XBV et XNV vs Staatssecretaris van Financiën, aff. C-398/16 et C- 399/16), l’administration fiscale française commente au BOFIP-Impôt la réforme du régime de l’intégration fiscale (CGI, art. 223 A à 223 U) opérée par le législateur (art. 32 L. n° 2018-1317 du 28 déc. 2018 de finances pour 2019) en vue de sécuriser ce régime, qui permet de mutualiser et de compenser, au sein du groupe, les gains et les pertes des différentes entités membres du groupe, vise à rétablir la neutralité fiscale du choix entre succursale et filiale en permettant de déroger au principe de la personnalité de l’impôt selon lequel chaque personne morale est imposée séparément.

MANAGEMENT PUBLIC
->Politique de modernisation

Généralisation du pouvoir de dérogation préfectoral

Un décret en conseil des ministres n° 2020-412 du 8 avril 2020, publié au JORF de 9 avril, texte n°33, généralise à l’ensemble des préfets sur tout le territoire l’expérimentation ouverte depuis deux ans dans 17 départements et 3 territoires ultramarins. L’expérience est apparue concluante et a donné lieu à 183 arrêtés de dérogation. Les préfets pourront déroger, par des décisions non règlementaires relevant de leurs compétences, aux normes fixées par l’administration de l’Etat. Il ne s’agit donc pas d’une délégation du pouvoir règlementaire mais d’un simple pouvoir d’adaptation à des situations individuelles. Le pouvoir de dérogation est encadré par les mêmes conditions que l’expérimentation. Son domaine est très large : concours financier de l’Etat, subventions ; aménagement du territoire et politique de la ville ; environnement, agriculture et forêt ; construction, logement et urbanisme ; emploi et activité économique ; protection et mise en valeur du patrimoine culturel ; activités sportives, socio-éducatives et associatives. La dérogation devra être justifiée par des motifs d’intérêt général et des circonstances locales, avoir pour effet d’alléger les démarches administratives, de raccourcir les délais de procédure ou de favoriser l’accès aux aides publiques, être compatible avec les engagements internationaux et européens de la France , ne pas porter atteinte aux intérêts de la défense, à la sécurité des personnes et des biens, ni une atteinte disproportionnée aux objectifs poursuivis par les dispositions auxquelles il est dérogé.

->Gestion publique

Le rapport 2019 du Conseil d’État

La Section du rapport et des études a présenté le 27 avril le rapport sur les activités juridictionnelles et consultatives des juridictions administratives en 2019. Présenté selon une nouvelle formule, exclusivement dématérialisé et présentant de nombreux liens avec des documents, le rapport met en valeur la forte activité juridictionnelle des tribunaux administratifs :223.229 jugements, des cours administratives d’appel : 34.260 arrêts et du ConseIl d’État : 10.320 arrêts. Les sections administratives ont examinés 1090 textes. La médiation devant les tribunaux administratifs a abouti à 1.040 accords.

Fonction publique

Réduction des effectifs de l’État en 2019

Dans son rapport sur l’exécution budgétaire 2019, la Cour des comptes relève que l’emploi dans les services de l’État a effectivement diminué en 2019 et d’un volume supérieur à celui prévu dans la loi de finances initiale. 3.601 emplois à temps plein ont été supprimés contre 1571 prévus. Le ministère de l’éducation nationale se distingue par son écart élevé par rapport aux prévisions, sans doute pour des problèmes de recrutement. Le ministère de l’action et des comptes publics a perdu 2.082 emplois. En revanche, la masse salariale a cru de 1,6 % en raison des mesures catégorielles, notamment l’application du plan PPCR et du glissement vieillesse technicité.

EUROPE
->Budget européen

La position du Parlement européen sur le cadre financier 2021-2028

Le 30 avril 2020, le Parlement européen a publié sur son site Internet une page de « questions-réponses » sur le budget à long terme de l’UE (cadre financier pluriannuel, CFP). Détaillant les différents aspects du débat, il énonce notamment la position propre du Parlement, à savoir que le nouveau CFP devrait être fixé à 1,3 % du revenu national brut (RNB) de l’UE-27 (contre 1,11 % selon la Commission, le Conseil, très divisé n’ayant pas encore pris position) et que de nouveaux investissements dans des domaines, tels que la jeunesse, la recherche et l’innovation, l’environnement et le climat, les infrastructures, les PME, la numérisation et les droits sociaux, devraient être réalisés tout en maintenant le financement des politiques européennes existantes en termes réels.

->Développement

Un système de classification unifié de la finance durable au niveau de l’UE

Le 15 avril 2020, le Conseil a adopté un système de classification commun afin d’encourager les investissements privés dans la croissance durable et de contribuer à une économie neutre pour le climat. Cette «taxinomie» en six axes servira de référence pour progresser vers l’objectif de neutralité carbone en 2050.

INTERNATIONAL
->Monnaies

Facebook amende son projet de Libra

Le 16 avril 2020, sous la pression des autorités monétaires nationales, le groupe Facebook a radicalement édulcoré son projet de monnaie virtuelle dite « Libra ». Alors que le projet d’origine était basé sur une monnaie unique reposant sur un panier de monnaies fortes (dollar, livre sterling, euro, yen, dollar de Singapour), le projet de demande de licence de système de paiement déposé auprès de l’autorité financière suisse ne repose désormais plus que sur des monnaies différentes (dites « Libracoins ») chacune adossée à une des monnaies de référence (par exemple « LibraEUR »), ce qui en réduit totalement l’ambition.

Aurélien BAUDU (fiscalité et procédure fiscale),

Fabrice BIN (Europe, international),

Jean-François CALMETTE (budget de l’État et des opérateurs),

Matthieu HOUSER (finances locales),

Michel LE CLAINCHE (comptabilité publique, management public, coordination),

Yves TERRASSE (finances sociales).